(Québec) Christian Dubé comptera sur une cagnotte de 5,2 milliards sur 5 ans pour « redresser » le réseau, dont 1 milliard ira spécifiquement à son « Plan santé ». L’essentiel des dépenses sera engagé après les élections. L’exploitation des maisons des aînés coûtera 1,5 milliard sur 5 ans, révèle aussi le budget Girard.

Le dernier exercice financier avant le scrutin, donne un premier aperçu des visées du ministre de la Santé et des Services sociaux. Des 5,2 milliards annoncés sur cinq ans, 1 milliard sera réservé pour « effectuer des changements importants au sein des établissements », indique-t-on sans beaucoup de précisions.

C’est que ces nouvelles mesures seront détaillées dans le « Plan santé » que le ministre Dubé doit présenter d’ici la fin mars. On évoque pour l’heure « la nécessité d’assurer une gestion décentralisée, humaine et performante » en soutenant « une véritable gestion de proximité ».

Dans les pages du budget, le mot « refondation » laisse d’ailleurs place à « rétablissement » du système de la santé, que le gouvernement veut adapter « à la réalité de l’après-pandémie ».

Des 5,2 milliards dédiés au redressement, quelque 900 millions seront investis au cours de la prochaine année pour atteindre un rythme autour d’un milliard par année jusqu’en 2027.

Fait surprenant, aucune somme n’est spécifiquement consacrée au rattrapage des interventions chirurgicales. Le plan présenté à l’automne n’a pu être mis en œuvre en raison du variant Omicron et donc « fera l’objet d’une nouvelle planification » au cours des prochains mois.

Dans cet effort de rétablissement du réseau, la part du lion ira à la réorganisation du travail avec une somme de 3,4 milliards d’ici cinq ans, dont 604 millions lors de la première année. Québec a dans sa ligne de mire la décentralisation des horaires de travail, l’élimination du « recours abusif » aux heures supplémentaires et le rehaussement du nombre de travailleurs à temps complet.

« Il faut trouver comment augmenter le temps complet et l’adhésion aux quarts défavorables », a précisé la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, rappelant que les conventions collectives renouvelées l’automne dernier, notamment avec la Fédération interprofessionnelle de la santé, « n’ont pas eu le temps de prendre effet » en raison de la pandémie.

Le gouvernement souhaite aussi accroître le nombre de pharmaciens en milieu hospitalier, ce qui fait écho aux propos de M. Dubé, qui espère décloisonner les professions pour désengorger la première ligne.

Selon Québec solidaire, le gouvernement ne « pose même pas les premières briques d’une refondation » en n’agissant pas sur l’abolition des heures supplémentaires obligatoires et l’instauration « de ratios sécuritaires pour les infirmières ».

Québec débourse également 788,9 millions sur cinq ans pour « moderniser » le système de la santé, alors que la pandémie a mis en lumière les lacunes des systèmes d’information et le défi d’avoir accès aux données « en temps réel ».

Combien ?

Pour « rétablir » le réseau de la santé

5,2 milliards sur cinq ans, dont 1 milliard pour le « Plan santé »

904 millions pour 2022-2023

La pandémie n’étant pas terminée, Québec se garde un bas de laine de 1,7 milliard pour financer une potentielle sixième vague de la COVID-19. Ces sommes sont réservées pour la poursuite de la vaccination, des activités soutenues de dépistage et l’achat de 60 millions de tests de dépistage rapide, notamment.

Les mesures pour vaincre la pandémie ont par ailleurs coûté à l’État québécois 20,3 milliards depuis mars 2020. On anticipe qu’elles coûteront au total 22,1 milliards d’ici 2024-2025.

Les dépenses en santé atteindront 54,2 milliards en 2022-2023, ce qui en fait le portefeuille le plus important du gouvernement. La croissance pour l’année à venir s’élève à 6,3 %, un recul par rapport à 2021-2022 (10 %) alors que la pandémie était à son plus fort au Québec. La croissance se stabilise ensuite à 4,5 % pour 2024 et 2025.

« Je leur dis bonne chance ; 4 % [de croissance] ne seront pas suffisants pour la santé, surtout avec le vieillissement de la population », a déploré l’ex-ministre libéral des Finances Carlos J. Leitão.

La CSQ évoque également « un sursis » pour cette année, mais craint « de nouvelles compressions ou mesures de privatisation » pour l’avenir. Pour la FSSS-CSN « le budget manque d’ambition et n’en fait pas assez pour régler l’enjeu du manque de main-d’œuvre ». Le son de cloche est similaire du côté de la FIQ qui déplore que l’exercice manque « de mesures fortes d’attraction et de rétention des professionnelles en soins. »

Maisons des aînés : des millions pour l’exploitation

En plus des 5,2 milliards pour le plan de « redressement » du système, Québec allonge 3,7 milliards sur cinq ans pour « rehausser » les soins et services. Plus de 70 % de ces sommes iront aux soins aux aînés, fortement touchés par la pandémie, avec 2,6 milliards. Les investissements augmentent d’ailleurs considérablement à partir de 2024 en raison du vieillissement de la population.

Combien ?

Pour rehausser les soins et services à la population

3,7 milliards sur cinq ans

394 millions pour 2022-2023

Le budget Girard révèle pour la première fois le détail des dépenses liées à l’exploitation des maisons des aînés, qui doivent ouvrir leurs portes au cours de l’année. En 2018, le gouvernement Legault s’est engagé à créer 2600 nouvelles places d’hébergement avec la construction de 33 installations d’ici l’automne 2022. Les 13 autres maisons des aînés doivent être livrées en 2023.

Pour l’année en cours, il en coûtera 75 millions pour exploiter les premières constructions. Ces dépenses bondissent à partir de 2025.

En 2026-2027, l’État devra par exemple payer 500 millions pour le fonctionnement des maisons des aînés. C’est le double des dépenses allouées cette année-là dans les soins à domicile.

Sur cinq ans, l’exploitation des 46 résidences coûtera 1,5 milliard au gouvernement québécois.

Cela exclut évidemment les coûts de construction, qui demeurent stables à 2,4 milliards, dont 700 millions doivent être dépensés en 2022-2023. Un total de 900 millions a été allongé avant 2022 dans ce projet phare de la CAQ.

Pour donner un coup de barre dans la rénovation des CHSLD et l’agrandissement des hôpitaux, Québec alloue 2,8 milliards supplémentaires au Programme québécois d’infrastructures (PQI) pour le secteur de la santé et des services sociaux. D’ici 10 ans, le PIQ prévoit des investissements de 22,8 milliards.

Québec ajoute 785 millions sur cinq ans dans son « grand virage » vers les soins à domicile. Ces sommes s’ajoutent aux 3 milliards déjà investis par le gouvernement Legault depuis son arrivée au pouvoir, en 2018. Québec tire de l’arrière au chapitre des sommes accordées en soins à domicile par rapport aux pays de l’OCDE.

Le gouvernement Legault reprend également son plaidoyer pour qu’Ottawa augmente le Transfert canadien en matière de santé de 35 %, sans condition, et que ce niveau soit maintenu année après année. Pour le Québec, cette hausse pourrait ramener 6 milliards par année dans les coffres de l’État.

L’absence de ces 6 milliards dans le budget Girard est « un aveu d’échec de la prétention de la CAQ de faire des gains au Canada », estime le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon.

Le ministre des Finances, Eric Girard, a précisé mardi que son budget ne contenait aucune somme supplémentaire éventuellement versée par Ottawa ni les fruits des promesses du gouvernement Trudeau faites en campagne, en 2021.

Accès à la première ligne

Le gouvernement Legault entend respecter sa promesse de 2018 de permettre à tous les Québécois d’avoir accès à un professionnel de la santé dans un délai de 36 heures. Des sommes de 183,3 millions seront allongées d’ici cinq ans, dont 27,3 millions cette année. Le projet de loi 11 visant à favoriser l’accès à la première ligne en mettant à contribution notamment les groupes de médecine familiale devrait être aussi être adopté d’ici la fin de juin. Québec veut également accroître la « fluidité » des urgences en embauchant des « coordonnateurs aux urgences ». Des sommes de 33,8 millions sont prévues d’ici 2026-2027 à cet effet.

Cliniques pour la COVID longue

Avec au moins 9000 Québécois atteints d’une forme longue de la COVID-19, le gouvernement débloque 20,5 millions pour implanter 15 cliniques de traitement de maladies complexes pour une durée de trois ans. Ce projet compte cinq « centres de référence » à Montréal, à Québec et à Sherbrooke, et 10 « centres satellites » qui seront répartis partout sur le territoire. Des physiothérapeutes, des travailleurs sociaux, des infirmières et des agents administratifs seront embauchés dans ces cliniques.

Commission Laurent

Québec allonge 272 millions sur cinq ans pour donner suite aux recommandations du rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, présidée par Régine Laurent. Ces sommes s’ajoutent aux investissements de 1 milliard annoncés avant la publication du rapport, en 2019 et en 2020. Ces nouvelles sommes iront à l’aide financière accordée au tuteur d’une enfant, au rehaussement des effectifs des centres de réadaptation et à la mise en place d’initiatives pour l’intervention des centres de réadaptation.