À six mois des élections générales, le gouvernement Legault versera 500 $ à la très grande majorité des Québécois, un cadeau de 3,2 milliards payé par des revenus étatiques beaucoup plus importants que prévu en 2021.

Cette somme va dédommager « dès maintenant » les personnes qui font face à une hausse du prix du logement, de l’alimentation et du transport. Tous les adultes ayant un revenu annuel de 100 000 $ et moins, après déductions fiscales, y auront droit : c’est plus de 90 % de la population. La somme sera versée automatiquement à tous ceux qui auront produit une déclaration de revenus en 2021.

Le niveau élevé de l’inflation, qui devrait atteindre 4,8 % en 2022, « représente un fardeau additionnel important pour les ménages à faible revenu », mais le gouvernement Legault a choisi d’y aller avec une mesure visant également des gens aisés. Pourquoi ? « Tous les Québécois sont touchés par la hausse de l’inflation », a expliqué le ministre des Finances, Eric Girard.

Seuls 400 000 contribuables n’auront pas droit au chèque de 500 $.

Son gouvernement peut se permettre de faire tinter la caisse en année électorale en raison de revenus plus importants que prévu en 2021. L’État a collecté 9,4 milliards de plus qu’il avait anticipé il y a un an à cause de la « bonne tenue de l’économie », dont 3,2 milliards dans les poches des contribuables, soit le coût exact du versement du chèque de 500 $.

« Les Québécois financent eux-mêmes les chèques », a déploré le critique libéral en finances, Carlos Leitão, qui dénonce ce budget « électoraliste ». « On aurait dû être beaucoup plus ciblé. Il y a certainement des groupes qui sont plus vulnérables et affectés par la hausse du coût de la vie, et on a donné 500 $ à tout le monde. Je ne trouve pas ça particulièrement brillant », a dit M. Leitão. Plus directe, la députée de Québec solidaire Manon Massé estime que M. Legault fait « pleuvoir des chèques » pour « passer à la caisse » le 3 octobre prochain.

L’invasion russe

Après la pandémie en 2020, une autre crise vient bousculer le budget du ministre Girard : la pression inflationniste s’explique notamment par l’invasion russe de l’Ukraine. Les prévisionnistes du ministère des Finances s’attendent à ce qu’elle se maintienne jusqu’en 2023. On souligne par exemple que « la guerre en Ukraine [a] déjà entraîné une hausse des prix de l’énergie ». La menace d’une récession plane et M. Girard a inclus dans son cadre financier une « provision pour risques économiques » de 2,5 milliards de dollars pour l’année en cours afin de se protéger.

Mais à court terme, les finances publiques vont bien. Le PIB réel s’est accru en 2021 de 6,3 %, après un recul de 5,5 % en 2020, et sera en croissance de 2,7 % en 2022. L’économie québécoise a retrouvé son niveau prépandémique, contrairement à l’Ontario.

En mars dernier, le ministère des Finances prévoyait un déficit structurel de 6,5 milliards cette année. Il sera finalement de 2,8 milliards. Québec est donc deux ans en avance sur son échéancier de retour à l’équilibre budgétaire, même si le ministre Girard croit toujours l’atteindre en 2027-2028. Cette année, le déficit total, incluant les versements au Fonds des générations, est de 6,5 milliards, mais il fondra rapidement dans les prochaines années. Quant au poids de la dette, il est « sous contrôle à long terme ».

Baisses d’impôts

« Le retour à l’équilibre budgétaire, on le voit à l’horizon », a dit le ministre des Finances, Eric Girard. La semaine dernière, le premier ministre François Legault avait laissé entendre qu’une baisse d’impôt pourrait se retrouver dans la plateforme électorale de la Coalition avenir Québec. M. Girard ne ferme pas la porte à une diminution du fardeau fiscal. Pour y parvenir, dit-il, il faut « voir l’équilibre budgétaire », pas nécessairement l’atteindre.

À plus long terme, la croissance économique sera plus limitée avec une hausse annuelle de 1,5 % à compter de 2024. Pour effacer complètement le déficit structurel sans aide d’Ottawa, « il faudrait une hausse annuelle de 2 % », a reconnu le ministre Girard. Le gouvernement Legault, qui a fait du rattrapage de l’écart de richesse avec l’Ontario son cheval de bataille, voit également l’économie canadienne croître plus rapidement que celle du Québec en 2022 et en 2023.

En plus de l’aide aux particuliers, M. Girard vise les missions essentielles de l’État, soit la santé, l’éducation, l’économie et l’environnement. Pour les détails, Québec y va avec la stratégie du strip-tease. Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, présentera la mise à jour de son Plan pour une économie verte avec une bonification de 1 milliard dans quelques semaines, tout comme le ministre de la Santé, Christian Dubé, et sa « refondation » de 5,2 milliards. Le secteur communautaire recevra 1,2 milliard en cinq ans, à voir plus tard.

En enseignement supérieur, la croissance des dépenses de 13 % comprend notamment les bourses « Perspective Québec », annoncées à l’automne. En éducation, la hausse de 5,4 % s’explique par exemple par la bonification du programme du tutorat.

Réactions des oppositions

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Carlos J. Leitão, Parti libéral du Québec

C’est un budget purement électoraliste et sans vision. La CAQ nous démontre que sa réelle priorité n’est pas le bien-être des Québécois, mais de se faire réélire. François Legault ne regarde pas plus loin que le 3 octobre prochain. Il pourrait même renommer ce budget : horizon élections.

Carlos J. Leitão, Parti libéral du Québec

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Manon Massé, Québec solidaire

Avec son chèque, il y en a qui vont s’acheter des New Balance haute performance et d’autres qui vont peut-être réussir à acheter des souliers à leurs enfants quand l’épicerie va être payée […] Ce budget-là était supposé répondre aux besoins des Québécois […], on se rend bien compte que c’est de la frime.

Manon Massé, Québec solidaire

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Paul St-Pierre Plamondon, Parti québécois

Vraisemblablement, on repousse les limites de l’électoralisme à des niveaux inégalés. Si vous vous demandez quels sont les critères pour fixer à 100 000 $ le revenu maximal pour avoir un chèque de 500 $, la réponse est que ça permet de rejoindre 6,4 millions d’électeurs.

Paul St-Pierre Plamondon, Parti québécois

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Éric Duhaime, Parti conservateur du Québec

François Legault vient vous piger quelques milliards de dollars supplémentaires dans vos poches en taxes et impôts pour ensuite penser que vous le remercierez lorsqu’il vous remettra un chèque de 500 $ à la veille des élections.

Éric Duhaime, Parti conservateur du Québec

Avec Fanny Lévesque, La Presse