En se disant « ouvert » à implanter plus de formation professionnelle dans les communautés autochtones, François Legault a lancé vendredi un appel aux jeunes des Premières Nations : le Québec « manque de monde » dans de nombreux secteurs d’emploi. Son allocution a toutefois laissé les chefs amers, qui se sont dits « extrêmement déçus » par le ton du gouvernement.

« On manque de monde ! On manque beaucoup d’infirmières, d’enseignants, d’éducatrices en services de garde, de gens en technologie de l’information, par exemple », a lancé le premier ministre dans un discours devant une salle comble au Grand cercle économique des peuples autochtones et du Québec, qui s’est tenu à Montréal jeudi et vendredi.

Il affirme que le Québec doit être en mesure d’avoir plus de jeunes Autochtones en technologies de l’information, tout particulièrement, un domaine qui sera une voie d’avenir, selon lui. « S’il y en a qui ont le goût des sciences, il y a aussi de la place », a-t-il souligné, rappelant que la province manque aussi cruellement d’ingénieurs et d’ouvriers dans le milieu de la construction, notamment.

M. Legault estime par ailleurs que le télétravail est une « opportunité extraordinaire » de créer des « emplois de qualité » dans plusieurs régions du Québec, y compris dans les communautés autochtones. « J’espère qu’aujourd’hui sera le début d’un nouveau chapitre », a-t-il déclaré, appelant les peuples autochtones à « s’unir » avec le gouvernement et le milieu privé.

Son gouvernement a par ailleurs profité de sa présence au Grand cercle pour annoncer qu’il soutiendrait à hauteur de 10 millions l’École des dirigeants des Premières Nations, qui sera située au nouveau pavillon de HEC Montréal. La première cohorte doit être accueillie le 9 décembre prochain. « C’est important que les programmes soient mieux adaptés aux langues autochtones, à vos cultures », a lancé M. Legault à la foule. Il affirme vouloir « faire la même chose » pour les Autochtones que ce que Québec inc. a déjà fait pour les francophones depuis la Révolution tranquille, en leur permettant d’accéder aux directions de grandes entreprises. « Je pense qu’avec les peuples autochtones, c’est tout à fait possible de faire la même chose. Je veux un Premières Nations et Inuits inc. »

Le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, a répété qu’il importait d’avoir une « approche nation à nation » pour signer des traités avec les peuples autochtones. « Le premier ministre a déjà rencontré plusieurs chefs et grands chefs. On va continuer de le faire », a-t-il assuré.

Des chefs « extrêmement déçus »

Les chefs autochtones, eux, n’ont pas du tout apprécié le passage du premier ministre. « Je suis extrêmement déçu. Le fait qu’il a saisi l’opportunité de l’évènement pour faire quelques annonces, à la limite, ça reflète une certaine arrogance. J’ai l’impression, à la lumière de ce que j’ai vu depuis quelques mois, que c’est comme si le gouvernement du Québec nous faisait une faveur. Ce n’est pas le ton qui est recherché », a déploré le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard.

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Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador

C’est un scénario qu’on revoit malheureusement trop souvent, c’est-à-dire un gouvernement qui apparaît publiquement avec du pétage de bretelles classique et quelques millions. Il polit son image.

Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador

Même son de cloche pour le chef de Gesgapegiag, John Martin. Selon lui, le premier ministre Legault « n’a répondu à aucune question » sur le fond de la réconciliation, mais a simplement « continué de promouvoir ses projets et ses développements, qui ne sont pas une question fondamentale pour nous ».

À la fin de son allocution, M. Legault s’est contenté de répondre à trois questions du public, ce qui « est totalement injuste et malhonnête », a aussi dénoncé M. Picard. « Il nous parle et il s’en va comme s’il n’avait pas de respect pour ces gens. On ne rentre pas et on ne sort pas comme ça. On est des chefs élus par le peuple ! », s’est aussi indigné le chef de la communauté innue de Matimekush-Lac John, Réal McKenzie.

Les chefs ont néanmoins souligné qu’une issue positive de ce grand rassemblement était notamment la signature d’une « déclaration d’engagement » avec les communautés autochtones incluant plus de 100 acteurs du milieu québécois des affaires. « C’est de très bon augure pour la suite », a dit M. Picard.