(Québec) C’est Noël avant l’heure à Québec. Comme les coffres se regarnissent beaucoup plus vite que prévu, le gouvernement Legault ajoute 5 milliards de dollars en nouvelles dépenses cette année, dont un chèque de 200 $ à 275 $ aux 3,3 millions de Québécois à faible et à moyen revenu pour faire face à la hausse du coût de la vie. Le déficit anticipé fond presque de moitié, révèle le minibudget déposé jeudi.

Quelque 700 000 aînés à bas revenus toucheront également jusqu’à 200 $ de plus. Les milliers de parents dont les bambins fréquentent un service de garde non subventionné auront droit à un crédit d’impôt plus généreux : 1310 $ de plus par année pour ceux dont le revenu familial se situe entre 60 000 $ et 100 000 $.

Le gouvernement Legault se fait généreux grâce à la « performance exceptionnelle » de l’économie québécoise, supérieure à celle du Canada et des États-Unis, et non parce qu’il est à moins d’un an de la fin de son mandat, selon le ministre des Finances, Eric Girard.

« Je ne me concentre pas sur les élections, croyez-moi », a-t-il lancé en conférence de presse. « Honnêtement, je n’ai pas pensé à l’élection une fois dans les 12 deniers mois. […] Ce sont des montants qui vont aider. Le gouvernement est là pour ça, aider. »

Pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre, Québec crée des bourses généreuses destinées aux étudiants inscrits dans des programmes de six secteurs : santé et services sociaux, éducation, services de garde, génie, technologies de l’information et construction. À la fin de leur formation, les étudiants auront touché jusqu’à 9000 $ au collégial, et de 15 000 $ à 20 000 $ à l’université, selon que le programme est de trois ou quatre ans. C’est en sus de l’aide financière aux études.

Pour inciter les retraités entre autres de l’enseignement, des services de garde et des soins infirmiers à revenir en poste, Québec met sur la table une prime salariale temporaire, jusqu’au 31 mars 2023, qui représente environ 3000 $ par année pour une personne dont le revenu de travail est de 40 000 $.

C’est tout un revirement de situation qu’expose le minibudget d’Eric Girard par rapport à son exercice du printemps. La forte croissance de l’économie bouscule les prévisions.

Comme le produit intérieur brut réel devrait bondir de 6,5 % cette année, en hausse de 2,3 points de pourcentage par rapport aux prévisions de mars, les recettes du gouvernement gonflent de façon beaucoup plus importante que prévu.

Les revenus autonomes grimpent de 5 milliards de dollars. Les impôts des particuliers et des sociétés, tout comme la TVQ, rapportent davantage.

Les transferts fédéraux sont en hausse de 2,6 milliards. C’est grâce aux ententes récentes avec le gouvernement Trudeau, sur les services de garde et le logement, et à l’aide d’Ottawa pour lutter contre la pandémie.

Les revenus en provenance des entreprises du gouvernement sont plus élevés de 831 millions. Hydro-Québec et Investissement Québec sont principalement à l’origine de cet afflux d’argent.

Au total, ce sont 9 milliards de plus qui se trouvent dans les coffres de l’État.

Le gouvernement en prend une partie, 5 milliards, pour financer le bouquet de mesures de son minibudget, en particulier pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre. Quelque 3,6 milliards servent à renforcer le système de santé, avec les primes aux infirmières déjà annoncées, par exemple. Il y a un plan pour réduire la liste d’attente pour une intervention chirurgicale, avec l’injection de 800 millions en trois ans.

Le déficit anticipé pour l’année en cours passe de 12,3 à 6,8 milliards de dollars. Le déficit structurel, celui qui restera après la crise sanitaire, fond lui aussi. Il est maintenant estimé à 4 milliards, plutôt qu’à 6,5 milliards par année.

Moins le déficit structurel est lourd, moins les efforts pour sortir du trou sont exigeants. Québec maintient le cap sur un retour à l’équilibre budgétaire d’ici 2027-2028.

« En prenant sept ans, ça permet de faire une transition plus douce », a indiqué Eric Girard, soulignant que ses prévisions au chapitre des revenus sont « conservatrices » pour les prochaines années.

Des mesures en bref…

Pour les aînés

Québec donne un coup de pouce aux aînés qui doivent composer avec la hausse soudaine du coût de la vie avec une aide fiscale de près de 200 $. Pour avoir droit à cette aide, il faut avoir 70 ans ou plus et avoir un revenu de 31 575 $ ou moins, ou 54 340 $ pour un couple dont les deux conjoints sont âgés de 70 ans ou plus. « Les revenus des personnes aînées les plus démunies évoluent peu d’une année à l’autre et sont majoritairement constitués de prestations gouvernementales. Ainsi, ces aînés ne profitent pas d’autres sources de revenus qui peuvent leur permettre de faire face à la hausse du coût de la vie », explique-t-on dans le document budgétaire présenté par le ministère des Finances jeudi. Cette mesure est en fait une bonification de la somme pour le soutien aux aînés, mise en place en 2018. La somme maximale de cette aide annuelle passe donc de 209 $ à 400 $ dès cette année. Cette somme est toutefois réduite de façon progressive à partir du seuil de revenu familial de 23 575 $.

Pour le coût de la vie

Le gouvernement Legault enverra un chèque de 200 $ à 400 $ à 3,3 millions de personnes pour les aider à absorber la hausse du coût de la vie causée par l’inflation. « La prestation exceptionnelle, combinée à l’indexation des paramètres du régime fiscal, permettra de compenser une grande partie de la hausse du coût de la vie à laquelle doivent faire face les ménages québécois à faible ou à moyen revenu », peut-on lire dans la mise à jour économique du Québec, dévoilée jeudi. Cette prestation correspond à une somme de 400 $ pour les couples, de 275 $ pour les personnes vivant seules et de 200 $ pour les personnes seules vivant en colocation. Pas besoin de faire une demande à Revenu Québec pour l’obtenir ; elle sera « versée automatiquement à tous les ménages admissibles au crédit d’impôt pour solidarité ». La mesure a une incidence budgétaire de 740 millions. « Elle va faire face à la hausse conjoncturelle du coût de la vie observée en 2021 », précise le document. Le calcul : l’initiative « compensera jusqu’à 100 % de l’écart entre l’augmentation de la valeur de la mesure du panier de consommation à la suite d’une inflation de 4 %, et l’indexation du régime fiscal de 2,64 % ». Pour bénéficier du crédit d’impôt, il faut avoir un revenu familial inférieur à 50 645 $ pour une personne seule, ou à 55 912 $ pour un couple.

Avec Charles Lecavalier, La Presse