Découragés parce que la nouvelle voiture, l’ordinateur de remplacement ou le sofa tant désiré tarde à arriver ? C’est la faute à la pandémie, qui a bouleversé les chaînes d’approvisionnement partout dans le monde et occasionné des ruptures de stock et des pénuries de toutes sortes.

Quand on se compare à la Grande-Bretagne, il y a de quoi se consoler. Ici, au moins, le lait, les fruits et légumes et autres biens essentiels n’ont pas disparu des tablettes des magasins. Le quotidien britannique The Guardian rapporte régulièrement la disparition soudaine de produits usuels : le lait, le poulet, les milk shakes de McDonald’s et même certaines bières dans les pubs !

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« Veuillez être compréhensifs, nous expérimentons une forte demande », peut-on lire sur des pancartes disposées sur les étagères vides d’un supermarché de Rowley Regis, près de Birmingham.

Au pays de Boris Johnson, l’impact de la pandémie est aggravé par une autre crise, celle du Brexit, qui est loin d’être terminée.

Une des principales causes de toutes les pénuries qui frustrent les Britanniques, c’est qu’il n’y a pas assez de chauffeurs de camion pour assurer le transport des marchandises vers les consommateurs.

C’est un vieux problème, que le Brexit a transformé en véritable crise. Le pays est à court de chauffeurs de poids lourd depuis des années, et plutôt que d’améliorer les conditions de travail des chauffeurs, les employeurs, là comme ailleurs, ont choisi la solution la plus facile. Ils ont embauché massivement des travailleurs étrangers, venus surtout de l’ancienne Europe de l’Est, Pologne ou Hongrie, pour qui les conditions de travail étaient satisfaisantes.

Ça a roulé ainsi, si on peut dire, jusqu’à ce que le Brexit soit consommé, à la fin de 2020.

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À court de chauffeurs depuis des années, les employeurs britanniques ont embauché massivement des travailleurs venus surtout de l’ancienne Europe de l’Est.

Le Royaume-Uni et l’Europe ont divorcé en mauvais termes, et les règles sur le commerce et l’immigration qui sont apparues ont compliqué la libre circulation des biens et des personnes, y compris celle des chauffeurs de poids lourd.

De difficile à insupportable

De difficile et mal aimé qu’il était, le métier est devenu infernal, selon les témoignages de chauffeurs recueillis par les médias britanniques. Des kilomètres de camions immobilisés aux contrôles frontaliers, des chauffeurs emprisonnés dans leur véhicule, des bords d’autoroute transformés en toilettes à ciel ouvert, la nouvelle réalité a poussé un grand nombre de chauffeurs vers la sortie.

Les mesures sanitaires liées à la COVID-19 et la paperasserie à traiter par des chauffeurs qui connaissent mal les nouvelles règles ont provoqué un exode des conducteurs étrangers, qui sont retournés chez eux.

Des chiffres du Bureau national des statistiques du Royaume-Uni, cités par le Financial Times, indiquent que 50 000 chauffeurs ont profité de l’occasion pour prendre leur retraite. Sur les 300 000 chauffeurs de camion britanniques, 40 000 venaient de l’Europe continentale, et la moitié d’entre eux sont repartis dans leur pays.

Certains sont revenus depuis que les mesures sanitaires ont été assouplies, mais les règles post-Brexit qui s’appliquent en matière d’immigration font en sorte que l’embauche de travailleurs européens est plus compliquée qu’avant le divorce. Le résultat, c’est qu’il manquerait actuellement près de 100 000 chauffeurs dans le pays.

L’impact de cette pénurie ne se fait pas sentir seulement dans les magasins. Toute l’économie du Royaume-Uni en souffre. Comme les autoroutes permettent de circuler dans les deux sens, les exportations des insulaires vers le continent en subissent le contrecoup.

L’Allemagne, principal partenaire commercial du Royaume-Uni, rapporte une baisse de 11 % de ses importations depuis le début de l’année. Pour certains produits frappés de règles sanitaires strictes, comme le fromage et les produits agricoles, la baisse des exportations du Royaume-Uni vers l’Allemagne atteint 80 %.

L’Allemagne est encore le principal partenaire commercial du Royaume-Uni, devant la Chine et les États-Unis. Mais pour la première économie d’Europe, le Royaume-Uni est un pays parmi d’autres, qui ne compte même plus depuis cette année parmi ses dix plus importants partenaires commerciaux.

Les récents chiffres sur les échanges commerciaux indiquent que l’Europe commence à réorganiser ses activités commerciales en se passant des Anglais.