(Montréal) Si elles plaident en faveur d’une prolongation de l’aide gouvernementale aux industries en difficulté, des associations représentant le milieu des affaires demandent aux partis politiques de revoir l’aide aux travailleurs au moment où les entreprises peinent à recruter.

Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) réclame l’abandon « pur et simple » de la Prestation canadienne pour la relance économique (PCRE) au moment de son échéance, le 23 octobre prochain. Le programme d’aide aux personnes sans emploi, qui portait auparavant le nom de Prestation canadienne d’urgence (PCU), a été prolongé à plus d’une reprise depuis son instauration, au printemps 2020.

« Selon nous, c’est une erreur, commente Karl Blackburn, président et chef de la direction de l’association qui représente les intérêts des employeurs, en entrevue avec La Presse Canadienne. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, il n’y a pas de raisons pour qu’un gouvernement doive continuer d’avoir ce programme, qui, dans certains cas, peut faire en sorte que les gens préfèrent recevoir l’aide du programme plutôt que d’aller sur le marché du travail. »

La PCRE est « un irritant » pour le milieu des affaires, ajoute Charles Milliard, président et chef de la direction de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ). « Nos membres nous appellent pour nous le dire. Ils ne peuvent pas croire qu’on la maintienne quand le principal problème de la relance, c’est qu’il manque d’employés dans nos commerces. »

La reprise économique a toutefois été inégale d’un secteur à l’autre. Certains professionnels, comme les pilotes ou les musiciens, n’ont pas nécessairement le profil des postes à pourvoir. « Pour éviter cette situation, il faut prolonger l’aide salariale aux secteurs en difficulté, dont l’aéronautique, le tourisme, l’hébergement et la restauration, afin de maintenir le lien d’emploi avec ces gens-là », répond M. Blackburn.

M. Milliard, pour sa part, croit que des changements temporaires à l’assurance-emploi pourraient venir en aide aux cas particuliers. La PCRE dans sa forme actuelle envoie toutefois « le mauvais message aux employeurs qui peinent à recruter ».

Toujours à propos de la pénurie de main-d’œuvre, la FCCQ déplore un problème « frappant » dans le délai de traitement des demandes d’immigration au gouvernement fédéral. « On veut entendre les partis sur la façon dont ils comptent traiter les listes d’attente tandis que des dizaines de milliers de personnes au Québec sont en attente de vivre pleinement l’expérience canadienne. »

Besoin de maintenir les soutiens aux entreprises

Malgré la reprise, certains secteurs de l’économie ont encore besoin d’un soutien du fédéral, croit Jasmin Guénette, vice-président aux affaires nationales de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). La pandémie a été particulièrement éprouvante pour de nombreux entrepreneurs. « Il y a encore plusieurs PME qui se trouvent dans une situation très difficile, pas parce qu’elles ont fait de mauvais choix d’affaires, mais simplement parce qu’elles ont dû cesser complètement ou en partie leurs activités. Il faut que les partis fédéraux aient un plan pour la relance économique et pour les PME. »

Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) croit qu’il faut prolonger jusqu’au printemps 2022 les programmes d’aide pour les entreprises, mais seulement pour les secteurs les plus touchés : l’aéronautique, le tourisme, l’hébergement et la restauration. « Pour certains secteurs cycliques, la reprise du printemps n’a pas été suffisante pour compenser les pertes de la dernière année et demie. Si on ne les aide pas, ces entreprises pourraient ne pas passer à travers l’automne ou l’hiver. Au printemps prochain, on aura fait un cycle normal complet. »

Des questions sur la réforme de l’assurance-emploi

La possibilité d’une réforme de l’assurance-emploi préoccupe également le milieu des affaires, qui attend d’en connaître les détails. La ministre fédérale de l’Emploi, Carla Qualtrough, avait dit en juillet que les consultations pourraient commencer en août, malgré les élections.

Du côté syndical, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) a réclamé dimanche la bonification du programme de l’assurance-emploi. « La pandémie nous a fait comprendre l’importance d’avoir un filet social fiable et solide, estime son président, Daniel Boyer, dans un communiqué. Nous avons le devoir de le protéger et même de le bonifier afin de faire de notre société une société encore plus juste, plus démocratique et plus verte. C’est pourquoi ceux et celles qui aspirent à nous diriger doivent être à l’écoute de la population. »

M. Milliard n’est pas nécessairement en défaveur d’une bonification de l’assurance-emploi. Si les Canadiens font ce choix de société, il faudra cependant trouver une autre source de financement et ne pas ajouter d’autres charges salariales aux entreprises pour financer le programme, affirme-t-il.

Les cotisations à l’assurance-emploi représentent une lourde charge pour les PME, ajoute M. Guénette. « Le programme est financé à 60 % par les entreprises et à 40 % par les travailleurs. Le gouvernement ne met pas d’argent dans la caisse. S’il veut faire un changement, il faudra qu’il écoute les cotisants, et les PME canadiennes sont d’importantes cotisantes. »

Besoin d’un plan clair

Les trois associations jointes ne formulent pas une demande précise quant à un retour à l’équilibre budgétaire, mais elles veulent que les partis présentent un plan « clair » et « crédible ». Si les finances publiques demeurent hors de contrôle, l’inflation pourrait représenter un risque économique, s’inquiète-t-on.

M. Blackburn espère que la campagne privilégiera les idées plutôt que les attaques entre les partis. « Ce que j’aimerais voir dans cette campagne, c’est qu’au lieu de critiquer les autres, qu’on présente ce qu’on a la volonté de faire. Je veux entendre parler de la pénurie de main-d’œuvre, d’environnement, de technologie et de dette publique. »