Pour combler une partie du retard qu’accuse le Québec en matière de productivité, le gouvernement Legault est prêt à assumer jusqu’à la moitié de la facture lorsqu’une entreprise souhaite jeter les bases d’un plan afin de prendre le virage numérique.

L’Offensive de transformation numérique (OTN), annoncée lundi, est dotée d’une enveloppe de 130 millions qui sera distribuée à des organismes dont le mandat sera d’offrir des services-conseils aux petites et moyennes entreprises (PME) de tous les secteurs et les régions de la province.

« On parle d’accompagnement humain pour aider à amener un plan de numérisation, a expliqué le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, en conférence de presse, à Montréal. Beaucoup d’entrepreneurs ont besoin de se faire accompagner. Pas parce qu’ils ne comprennent pas, mais parce qu’ils sont pris dans leur quotidien. »

Dans le cadre de l’annonce, celui-ci était accompagné de la ministre déléguée à l’Économie, Lucie Lecours, du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, ainsi que de Claude Martel, président et chef de la direction d’Inno-centre ­ – un des deux premiers organismes à bénéficier des sommes offertes par Québec.

Le concept de numérisation ratisse large : il peut par exemple concerner un projet de plateforme transactionnelle et de gestion des stocks pour un détaillant et d’outils de planification de projets pour une entreprise du secteur de la construction.

Dans un premier temps, Inno-centre recevra 20 millions de Québec dans le cadre d’un projet évalué à 43,8 millions visant à épauler les PME sélectionnées dans leurs démarches de transformation numérique. Pour sa part, Groupe BIM obtiendra 13,7 millions, essentiellement pour se pencher sur le secteur de la construction, qui est « traditionnel, tant au niveau de la conception que de la réalisation », a souligné le ministre du Travail.

« Tout part de la planification stratégique, a dit M. Martel. Le choix de la technologie est très coûteux et doit être compatible avec les objectifs de l’entreprise. C’est le conseil d’affaires qui précède la transformation. »

M. Fitzgibbon a expliqué que le soutien financier octroyé aux organismes devrait permettre d’assumer jusqu’à 50 % des coûts associés à la planification d’une stratégie numérique. En ce qui a trait à la phase de développement, les entrepreneurs pourront par exemple se tourner vers d’autres programmes, comme l’initiative Productivité innovation d’Investissement Québec, qui vise des financements de 2,4 milliards.

Au cours des deux prochaines semaines, c’est environ 50 millions qui seront déployés. Selon Québec, il sera ainsi possible d’accompagner quelque 8000 entreprises et d’en sensibiliser plus de 43 000 autres aux enjeux entourant la transformation numérique. Le reste des 130 millions, qui avaient été annoncés dans la mise à jour économique automnale, sera distribué plus tard cette année.

Du retard

Une accélération du virage numérique des entreprises constituerait l’une des façons, pour le Québec, de combler une partie de son retard en matière de productivité.

D’après le plus récent bilan Productivité et prospérité au Québec du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal, publié en décembre dernier, le Québec se classait en queue de peloton sur un groupe de 30 provinces et pays étudiés. Le niveau de productivité du travail du Québec se trouve également sous la moyenne de 20 pays qui font partie de l’Organisation de coopération et de développement économiques.

Avec une productivité du travail évaluée à 64,67 $ par heure, le Québec ne devançait que la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande, le Japon, le Manitoba ainsi que trois provinces maritimes, selon le rapport.

« Il faut voir (l’OTC) comme un accélérateur de la relance économique que nous devons faire au Québec, a dit M. Boulet. Je pense que c’est un incontournable, surtout dans le secteur de la construction. »

L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APQCH), qui compte 18 000 entrepreneurs, a salué l’initiative, qui devrait donner un élan à une industrie « largement composée de petites entreprises », a expliqué son vice-président aux affaires publiques, François Bernier.

En accélérant par exemple la numérisation des plans d’un chantier, toutes les parties prenantes, jusqu’au dernier soumissionnaire, pourraient savoir sur quoi elles travaillent précisément, a-t-il souligné, au bout du fil.

« Autrement, on sort nos cahiers, on prend le téléphone pour appeler nos fournisseurs et cela prend du temps, a dit M. Bernier. Lorsque nous sommes pleinement intégrés, le travail est plus rapide et c’est là que tout le monde y gagne. »

À la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), l’annonce a été accueillie favorablement. Son vice-président Québec, François Vincent, a estimé qu’il s’agissait d’un « pas dans la bonne direction ».

« C’est d’avoir des ressources et de l’accompagnement qui va aider les PME, a-t-il dit au cours d’un entretien téléphonique. Il y a des entreprises qui sont rendues à cette étape (la numérisation), mais elles ne savent pas à quelle porte cogner. »

Interrogé à savoir si une somme de 130 millions pour accompagner les PME était suffisante alors que de grandes entreprises bénéficiaient de plusieurs centaines de millions en prêts-subventions, M. Fitzgibbon a répondu que les interventions effectuées au cours de la dernière année par IQ concernaient essentiellement des PME.