(Québec) Québec versera 4,5 millions par année pour rehausser les services des maisons d’hébergement de victimes de violence conjugale. Ni plus ni moins que des « miettes » selon le milieu communautaire et les partis d’opposition alors que la province est secouée par sept féminicides en autant de semaines.

Le gouvernement Legault attribue 22,5 millions jusqu’en 2025-2026 spécifiquement pour rehausser les services des maisons d’hébergement de victimes de violence conjugale, notamment les ressources d’hébergement d’urgence.

« C’est une situation qui est extrêmement sérieuse », a fait valoir le ministre des Finances, Eric Girard, en conférence de presse. Il est catégorique pour la suite : « Si des sommes supplémentaires sont nécessaires, elles seront allouées. »

Le gouvernement de la Coalition avenir Québec est sur la corde raide depuis quelques jours. Les partis de l’opposition le somment d’abandonner « les belles paroles » et de passer à l’action pour protéger les femmes. La ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, et la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, demandaient mercredi de « surveiller » le dépôt du budget.

Combien ?

22,5 millions sur cinq ans

4,5 millions pour 2021-2022

Pour rehausser les services pour les femmes victimes de violence conjugale

Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale ne mâche pas ses mots se disant « outré » par la réponse du gouvernement. « 4,5 millions par an supplémentaires, ça représente à peine 10 % des besoins que le Regroupement réclame pour consolider et développer le réseau des maisons d’aide et d’hébergement en violence conjugale », déplore la présidente, Chantal Arseneault.

« Même les sept femmes assassinées récemment, et les 14 enfants orphelins laissés derrière elles, n’ont pas fait bouger le gouvernement. Qu’est-ce que ça va prendre pour affirmer haut et fort que la sécurité des femmes et des enfants, ça n’a pas de prix ? », argue-t-elle.

L’an dernier, Québec avait annoncé des sommes de 180 millions (sur cinq ans) pour la réalisation du Plan d’action spécifique pour lutter contre la violence conjugale. De ces sommes, 126 millions devaient aller aux maisons d’hébergement.

« Ce financement était avant la pandémie, mais il était néanmoins important », rappelle le ministre Girard. « Depuis 2019, les budgets pour les maisons d’hébergement ont augmenté de 42 % », a-t-il ajouté.

François Legault a admis mardi que « les chèques » des montants annoncés au dernier budget ont été faits le 29 janvier dernier seulement. « Ç’a pris beaucoup trop de temps », a-t-il déploré. La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a confirmé jeudi que « l’entièreté des sommes » a maintenant été envoyée aux maisons d’hébergement.

« Ils sont un an en retard, a déploré le député libéral, André Fortin. On leur demande d’octroyer dès maintenant les montants qui sont dus pour l’année à venir. »

Le budget Girard réserve également 10,5 millions, dont 9,7 millions seront dépensés dès cette année pour contrer les violences sexuelles, briser l’isolement des femmes et agir sur la détresse psychologique. « C’est vraiment une insulte », a lancé la co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé.

Les sommes pour prévenir la violence conjugale (22,5 millions) s’inscrivent dans un budget total de 255 millions sur cinq ans pour « répondre aux besoins des personnes vulnérables ». Quelque 65 millions vont à l’itinérance et 50 millions aux familles de personnes ayant une déficience ou un trouble du spectre de l’autisme. On déboursera aussi 27,2 millions en 2021-2022 pour le financement des organismes communautaires et l’accès à leurs services. « Le volet social est clairement l’angle mort du budget », a déploré le député péquiste, Martin Ouellet.

288 millions pour la santé mentale

Québec dégagera 287,5 millions sur cinq ans pour « accroître les services de santé mentale », dont 57,5 millions dès 2021-2022. La pandémie a exacerbé les troubles de santé mentale et la détresse psychologique. De cette enveloppe, quelque 25 millions serviront aussi à la prévention du suicide chez les adultes.

C’est un peu moins que ce qui avait été annoncé dans le dernier budget ; Québec avait alors réservé 361,4 millions sur cinq ans pour la santé mentale.

Combien ?

287,5 millions sur cinq ans

57,5 millions pour 2021-2022

Pour accroître les services de santé mentale et prévenir le suicide

Il reste qu’au lendemain de la tuerie du Vieux-Québec, en novembre, le gouvernement Legault a débloqué 100 millions supplémentaires pour assurer l’accès aux services spécialisés, déjà engorgés avant la pandémie. Cet argent a déjà été transféré au ministère de la Santé et des Services sociaux.

Québec doit également dévoiler au cours de la prochaine année, un nouveau plan d’action interministériel en santé mentale. En septembre 2020, plus de 37 % des Québécois de 18 à 24 ans ont affirmé avoir présenté des symptômes anxieux dépressifs durant la pandémie, selon une enquête de l’Université de Sherbrooke.

D’ici 2026, 252 millions serviront aussi à accroître la sécurité et le bien-être des enfants et des jeunes en difficulté. On indique que ces sommes permettront « d’améliorer les délais d’accès aux services psychosociaux de proximité ». La cible est qu’un suivi soit offert dans un délai de 30 jours suivant une demande. Québec verse aussi 7,5 millions pour soutenir Tel-Jeunes.

Aide aux familles

Le gouvernement Legault déboursera 116,1 millions sur cinq ans pour accompagner les familles québécoises. La part du lion de cette enveloppe (97,4 millions) va à la « stimulation » de création de nouvelles places de garde en milieu familial. Pour 2020-2021, c’est 16,3 millions qui iront à cette mesure. Le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, doit en présenter les détails cette année. Il doit aussi réaliser une étude de marché en 2021 pour cibler « les besoins de gardes atypiques » et favoriser la conciliation famille-travail pour les parents à horaire atypique. On ajoute 18,6 millions sur deux ans pour accroître la main-d’œuvre qualifiée dans les services de garde.

Violences sexuelles

Québec donne suite au rapport de la commission transpartisane sur l’exploitation sexuelle des mineurs et accorde 150 millions sur cinq ans pour la mise en œuvre des recommandations – 58 au total – pour combattre ce fléau. Ces sommes doivent servir à élaborer une campagne de sensibilisation, renforcer la capacité de l’Équipe intégrée de la lutte contre le proxénétisme et bonifier le soutien financier aux organismes communautaires qui viennent en aide aux victimes.

Logements abordables

Le gouvernement dépensera 408,2 millions sur six ans pour le développement de logements abordables, dont 150,9 millions pour l’année 2021-2022. On débloque 250 millions pour les trois prochaines années afin d’accélérer la livraison d’environ 5000 unités du programme AccèsLogis Québec. L’ajout de 37,6 millions sur quatre ans permettra également la construction de 500  logements. On estime donc que 2411 logements seront construits en 2021.

Réforme de l’IVAC

Le gouvernement ajoute 108,2 millions d’investissements pour réformer le régime d’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC). Les nouvelles orientations retenues dans le projet de loi 84, déposé en décembre, pour réviser le régime, ne sont pas étrangères à cet ajout. La pièce législative prévoit notamment le versement d’indemnités de décès aux parents d’un enfant majeur décédé et aux enfants d’un parent décédé. Dans le budget 2020-2021, on avait prévu 201,1 millions pour la réforme de l’IVAC, ce qui porte à 309,3 millions les investissements totaux d’ici 2026.

Enfants autochtones

Au total, 37 millions seront dépensés d’ici 2026 pour la réussite éducative des élèves autochtones, apprend-on dans le budget Girard. Québec débourse également 2 millions sur deux ans pour permettre la mise en place d’une équipe de soutien dont le mandat sera d’accompagner les familles d’enfants autochtones disparus entre 1950 et 1980. Cette aide permettra un accompagnement culturellement adapté aux familles. Québec a déjà réservé 200 millions en 2020-2021 pour la mise en œuvre des recommandations de la commission Viens et de l’Enquête nationale sur les femmes autochtones disparues. Il n’y a pas d’élargissement de cette enveloppe dans le budget.