Si la crise du coronavirus nous a appris quelque chose, c’est que des réserves de produits essentiels peuvent parfois être une question de vie ou de mort.

La plupart des pays ont été pris au dépourvu lorsque la demande mondiale de masques et d’équipement jetable de protection personnelle s’est emballée l’an dernier. Quelques rares avaient, comme des écureuils, constitué une petite réserve, qui s’est avérée précieuse pendant la pénurie.

À l’ère du juste-à-temps, du moins avant la pandémie, le fait de faire des réserves n’avait plus la cote. Mais pour certains pays, ç’a toujours été considéré comme une nécessité. Le Québec a bien sa réserve stratégique de sirop d’érable, qui sert à équilibrer l’offre d’une année à l’autre et à maintenir un prix stable. Jusqu’à tout récemment, les producteurs de raisins de la Californie maintenaient aussi une réserve annuelle pour éviter les pénuries et les fluctuations de prix.

Les États-Unis maintiennent une réserve stratégique de pétrole depuis la crise de 1970. Cette réserve, considérée comme la plus importante du monde, contiendrait plus de 700 millions de barils stockés au Texas et dans les États voisins.

La Chine stocke du porc depuis l’ère Mao. À l’époque, les famines menaçaient la république naissante, et le gouvernement a commencé à faire des réserves de viande, de porc surtout, pour les prévenir.

Les Chinois sont les plus gros consommateurs de viande de porc au monde. Ils en mangent 50 millions de tonnes par année. C’est la moitié de tout le porc consommé dans le monde. La Chine en produit aussi de plus en plus et vise l’équilibre entre la production et la consommation.

Mais le pays dépend toujours des importations pour combler ses besoins. La Chine achète du porc du Canada (et du Québec), en quantité qui varie selon les années, mais qui est toujours considérable.

Sa réserve stratégique ne sert plus à contrer la famine, mais plutôt à éviter que la population ne grogne quand l’offre ne suffit pas à la demande et que les prix grimpent au marché.

Cette réserve de porcs entiers est conservée à une température de - 18 °C dans une douzaine d’entrepôts géants répartis autour de la capitale. Ils sont normalement mis sur le marché tous les trois mois pour assurer un roulement et remplacés pour maintenir la réserve à un niveau constant et jugé satisfaisant par les autorités chinoises.

Une réserve sollicitée

Combien ce trésor contient-il de viande ? C’est impossible de le savoir avec précision, parce qu’il s’agit d’un secret d’État.

Ce que l’on sait, toutefois, c’est que cette réserve stratégique a été très sollicitée depuis deux ans. Une maladie, la peste porcine africaine, a décimé le cheptel de la Chine, qui a dû acheter des quantités phénoménales de porcs sur les marchés internationaux en 2019 et en 2020.

Selon des chiffres publiés par Reuters, la Chine a acheté l’an dernier la moitié de tous les porcs exportés par les pays producteurs. En même temps, le gouvernement chinois débloquait des millions de tonnes de sa réserve pour les mettre sur le marché afin de limiter la hausse des prix causée par la réduction de sa production locale.

Même si le gouvernement chinois fait bien attention de ne pas proclamer que le pays risque de manquer de viande, l’arrivée sur le marché du porc en provenance de la réserve stratégique fait toujours l’objet d’une annonce officielle.

En 2020, le gouvernement chinois a puisé 38 fois dans ses réserves de porcs, pour en retirer 670 000 tonnes. Depuis le début de l’année, la réserve a été utilisée presque chaque semaine, pour des quantités qui varient entre 20 000 et 30 000 tonnes de viande chaque fois.

Ça indique que la Chine est encore loin d’être sortie de la crise de la peste porcine et que les producteurs de porcs d’ailleurs dans le monde ont de bonnes années devant eux.

La réserve stratégique de porcs devra être regarnie. Si le prix du jambon augmente au supermarché, on saura pourquoi.