En même temps que tout le monde, le Japon a souligné la semaine dernière le premier anniversaire du début de la pandémie qui a fait à ce jour plus de 2,5 millions de morts sur la planète, dont plus de 8000 chez eux.

C’était une double journée de deuil pour les Japonais, qui ont été frappés par une catastrophe d’une ampleur sans précédent il y a maintenant dix ans, le 11 mars 2011.

Le tremblement de terre, suivi d’un raz-de-marée et de la fusion des réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima, a fait près de 20 000 morts et disparus.

Se remettre d’une telle catastrophe prend du temps et de l’argent, et le Japon n’a pas lésiné sur les moyens. Même inachevée, la reconstruction de la zone dévastée permet maintenant le retour de ses habitants et la reprise des activités économiques. Des sommes colossales y ont été consacrées. La plupart des anciens habitants, toutefois, refusent toujours de revenir.

Dix ans plus tard, la question de l’avenir du nucléaire qui s’est imposée dans le débat public après le désastre de Fukushima déchire plus que jamais les Japonais.

Après le drame, le gouvernement a ordonné l’arrêt complet des réacteurs nucléaires pour inspection et le pays a dû se tourner vers d’autres sources d’énergie. La consommation de pétrole, de charbon et de gaz naturel a explosé, les émissions de gaz à effet de serre (GES) aussi.

Une course aux énergies « alternatives » a été lancée, et le pays a augmenté considérablement son approvisionnement en énergie propre. Entre 2012 et 2019, par exemple, la capacité de production d’énergie solaire a été multipliée par dix.

Dépendance aux énergies polluantes

Aujourd’hui, 33 des 54 réacteurs nucléaires que comptait le Japon avant Fukushima sont considérés comme pouvant être remis en marche. Neuf l’ont été, ce qui, avec le recours aux énergies solaire et éolienne, a permis de réduire la part des énergies fossiles dans la production d’électricité.

En 2012, 85 % de l’électricité consommée au Japon était générée par de l’énergie fossile, gaz naturel et charbon surtout. En 2019, cette proportion est descendue à 70 %.

Même si le pays est encore très dépendant des énergies polluantes, son gouvernement vient de s’engager à devenir carboneutre en 2050, conformément aux exigences de l’accord de Paris sur le climat.

L’électricité de source nucléaire ne génère pas d’émissions polluantes, même si des risques importants sont associés à la radioactivité. Le nucléaire, et notamment les minicentrales, connaît un regain de faveur dans un monde qui a fait des émissions de GES son ennemi numéro un.

Une tâche ardue

Le Japon vient actuellement au 5e rang des plus importants émetteurs de gaz à effet de serre de la planète. Le niveau actuel d’émissions, d’un milliard de tonnes, doit diminuer à 930 millions de tonnes en 2030, puis à zéro en 2050. La tâche s’annonce ardue.

Ce sera impossible sans recours au nucléaire, croient le gouvernement et beaucoup de spécialistes. Même si l’objectif n’est pas d’ajouter de la capacité nucléaire, mais d’utiliser les réacteurs existants pour assurer la transition vers une économie carboneutre, ça voudrait dire que la part du nucléaire dans la production d’électricité pourrait augmenter de quasi rien, depuis Fukushima, à 20 % en 2030.

Maintenant comme après la catastrophe, la majorité de la population s’oppose vigoureusement au nucléaire et voudrait au contraire que le Japon abandonne complètement cette forme d’énergie pour s’en remettre, au moins pour un temps, aux énergies fossiles importées et polluantes.

L’énergie nucléaire a permis au pays, pauvre en ressources, d’acquérir une certaine indépendance énergétique et de se hisser parmi les premières économies mondiales.

Le Japon ne sait pas encore s’il pourra accueillir les Jeux olympiques comme prévu cet été. Il doit relancer son économie mise à mal par la pandémie, et qui a plongé de 4,8 % en 2020. Ses besoins en électricité, notamment dans le secteur des transports, sont en augmentation, comme ailleurs dans le monde.

Vu d’ici, dans notre continent qui n’a jamais manqué d’énergie, il est difficile d’imaginer avoir un jour à faire un choix aussi lourd de conséquences pour la population, et pour la planète. Faut-il continuer de consommer massivement des combustibles fossiles importés en attendant que les énergies renouvelables puissent prendre la relève ? Ou se servir du nucléaire local pour préparer un avenir carboneutre ?