Les commerçants qui ne profiteront pas de l’affluence du Boxing Day cette année se consolent en se disant qu’au moins, les grandes surfaces comme Walmart, Costco et Canadian Tire devront s’en tenir aux produits essentiels. Mais ils insistent pour dire que la « pause des Fêtes » décrétée par Québec ne doit pas s’éterniser.

« On a appris »

Les détaillants québécois se réjouissent que leurs revendications aient été entendues par le gouvernement. « Il y avait vraiment un sentiment d’injustice le printemps dernier », rappelle Stéphane Drouin, directeur général du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD).

Cette fois, pendant la fermeture obligatoire des commerces non essentiels, les grandes surfaces multicatégories ne pourront pas vendre de tout. Les rangées de jouets, d’articles de cuisine et de vêtements, par exemple, ne seront pas accessibles aux clients par souci « d’équité avec les petits commerces », a fait savoir le premier ministre François Legault.

« Ce n’est pas une bonne nouvelle [d’apprendre qu’on doit fermer]. Mais ça aurait pu être bien pire ! C’est une demi-victoire », a commenté le PDG de SAIL, Norman Décarie. Au printemps, le dirigeant avait été le premier à dénoncer dans nos pages la concurrence déloyale des grandes surfaces. « Ils vendent des bicyclettes, des vêtements… Ça nous démolit. »

« On a appris de la première vague. C’est bien qu’on rajuste le tir », estime Benoit Doyon, propriétaire des magasins de jeux L’Imaginaire. S’il avait fallu que les grandes surfaces n’aient pas de restrictions, « ça aurait été un coup de massue » pour les petits détaillants, assure Stéphane Drouin.

Le 11 janvier, pas plus

« Comme citoyen, il faut faire notre part pour que le rouge foncé arrête », croit Benoit Doyon, des magasins L’Imaginaire, tout en se trouvant « bien chanceux » par rapport aux restaurateurs. Si les détaillants acceptent de bon cœur d’apporter leur contribution pour casser la deuxième vague, ils croisent les doigts pour que la « pause » se termine à la date prévue.

« Il faut que ça rouvre le 11 janvier. Dans la mode, il y a déjà beaucoup d’entreprises à l’abri de leurs créanciers. Et après ça, on va perdre des employés », fait valoir Marc Fortin, président de la division québécoise du Conseil canadien du commerce de détail (CCCD).

« La plus grosse crainte », pour les membres du CQCD, c’est que « la date du 11 janvier devienne le 18 janvier et que le 18 devienne le 25 », dit Stéphane Drouin. « Ce serait vraiment dommageable », car les liquidations de stocks d’hiver deviendraient alors difficiles à faire. Généralement, fin février, les stocks de printemps font déjà leur entrée dans les magasins.

Le Boxing Day… avant Noël !

La fermeture des commerces décrétée par Québec signifie que le Boxing Day, qui ferait le plaisir des consommateurs depuis 1871, devra se vivre autrement.

En apprenant que ses 12 magasins n’auront pas le droit d’ouvrir le 26 décembre, SAIL a décidé de jouer avec le calendrier. « On va lancer notre Boxing Day plus tôt. On ne pourrait pas le faire le 12 janvier. Ça perdrait de son charme et de son élan », nous confie Norman Décarie. Le traditionnel grand solde de l’Après-Noël aura donc lieu avant la messe de minuit. L’enseigne spécialisée dans les articles de plein air ne voulait pas sauter une année, puisqu’elle acquiert des stocks spécialement pour l’évènement.

D’autres détaillants miseront sur leur site web. Selon le CQCD, parmi les 48 % de Québécois qui prévoient profiter du Boxing Day, 44 % envisagent d’acheter en ligne.

Gestion cauchemardesque ?

Québec n’a pas fourni de liste précise des produits jugés essentiels. « C’est laissé au jugement de chaque détaillant », rapporte Marc Fortin, du CCCD. En somme, pour se qualifier, un bien doit servir à se nourrir, à l’hygiène, à la santé, à réparer ou à la sécurité. Mais comme tout est relatif, cette approche provoque parfois des situations délicates.

« Au Manitoba, ç’a été un peu bordélique. Tu avais le droit d’acheter du savon, mais pas de l’assouplisseur. Il fallait toujours revoir la liste des produits avec le gouvernement. C’était cauchemardesque », poursuit M. Fortin.

En Europe, raconte-t-il, la sécurité d’employés de magasin a été compromise par des clients qui jugeaient que le produit qu’ils désiraient se procurer était essentiel. « On espère ne pas vivre ça. On demande à la population de travailler avec nous. » Aussi faut-il que les détaillants aient un peu de latitude, fait-il valoir. S’il y a une panne de courant, les commerces pourront-ils vendre des bougies ? demande-t-il.

Le premier ministre a indiqué que les grandes surfaces seraient visitées par un plus grand nombre d’inspecteurs de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et qu’il y aurait une présence policière accrue afin que les biens non essentiels ne soient pas vendus.

Flou autour de la cueillette à l’auto

Les détaillants sont par ailleurs déçus que la cueillette à l’auto ne soit pas permise partout pendant la « pause des Fêtes ». Cette nouvelle façon de récupérer sans contact des achats effectués dans un magasin est pourtant « très sécuritaire », fait valoir Marc Fortin. À son avis, ce service « aurait permis de garder du monde au travail ».

En conférence de presse, François Legault a indiqué que la cueillette à l’auto serait permise, mais selon le site internet du gouvernement, seuls les commerces essentiels peuvent remettre des achats à leurs clients dans un stationnement.

Ce qu’il faut savoir sur le reconfinement

Commerces qui pourront rester ouverts :

Épiceries, dépanneurs, pharmacies, quincailleries (biens essentiels seulement), magasins de fournitures pour les animaux, garages (pour réparations seulement, pas de vente de voitures), commerces offrant des services de réparation d’équipement informatique et électronique, grandes surfaces multicatégories (biens essentiels seulement), Société des alcools du Québec (SAQ), Société québécoise du cannabis (SQDC)

Voir la liste complète sur https://www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/a-z/coronavirus-2019/liste-commerces-prioritaires/

Centres commerciaux

Les aires de circulation pourront être ouvertes dans les centres commerciaux afin d’assurer l’accès aux commerces qui ne sont pas visés par les fermetures du 25 décembre 2020 au 10 janvier 2021.

Services de soins personnels

Les salons de coiffure, de manucure et les spas, par exemple, devront fermer du 25 décembre 2020 au 10 janvier 2021 inclusivement, et ce, sur l’ensemble du territoire québécois.

Restaurants

Les services de livraison et de commandes pour emporter demeurent autorisés