Cette fois, c’est le gouverneur de la Banque du Canada lui-même qui le dit : il n’y aura pas de hausse des taux d’intérêt avant 2023, ce qui confirme les prévisions de la plupart des économistes.

L’économie canadienne va prendre « pas mal de temps » à se remettre complètement de la pandémie, a indiqué mercredi Tiff Macklem en conférence de presse après l’annonce qui n’a surpris personne, à savoir le maintien du taux directeur à 0,25 %.

La résurgence des infections fait en sorte que la récupération sera longue, estime maintenant la banque centrale, qui a l’intention de maintenir son taux directeur au niveau plancher actuel de 0,25 % jusqu’à la fin de cette période de récupération.

Ce ne sera pas avant 2023, et probablement plus tard que ça, selon plusieurs économistes.

Dans son Rapport sur la politique monétaire publié mercredi, la banque centrale se risque à faire des prévisions pour la première fois depuis le début de la crise. L’économie canadienne reculera de 5,7 % cette année et renouera avec la croissance en 2021, au rythme de 4,2 %, avance-t-elle.

Ces prévisions tiennent pour acquis qu’il n’y aura pas de reconfinement généralisé de l’économie et que des vaccins efficaces seront offerts à tout le monde au milieu de 2022.

« Tout ça dépend de l’évolution du virus », a résumé Tiff Macklem.

À plus court terme, le gouverneur entrevoit une croissance à peine positive pour le quatrième trimestre en cours. « L’économie a rebondi plus que prévu, mais il manque encore 700 000 emplois par rapport au niveau d’avant la pandémie », a-t-il souligné. Le retour à la croissance se fera « en dents de scie », et beaucoup d’emplois ne reviendront pas.

Feu vert à la consommation

La vitesse et la vigueur de la reprise dépendront de la volonté des ménages de dépenser l’épargne accumulée au cours des derniers mois, alors que les occasions de dépenser se sont faites rares.

Le gouverneur Macklem a reconnu que le maintien des taux d’intérêt très bas encourage les ménages à emprunter pour l’achat de maisons, de voitures et d’autres biens durables, ce qui accroît le risque de surendettement.

La surchauffe du marché hypothécaire, qui était une inquiétude majeure de la banque centrale avant la crise, est maintenant moins préoccupante, a expliqué la première sous-gouverneure, Caroline Wilkins. Parce que les jeunes sont plus touchés par la pandémie et que l’immigration a beaucoup ralenti, les pressions à la hausse sur le marché hypothécaire devraient s’atténuer un peu, a-t-elle fait valoir.

L’investissement des entreprises et les exportations, qui sont les autres moteurs de croissance de l’économie canadienne, continueront de tourner au ralenti.

La Banque du Canada estime que ses achats massifs d’obligations fédérales doivent se poursuivre pour soutenir l’économie, mais elle en modifie légèrement le tir. Le montant maximal d’achat d’actif passera graduellement de 5 à 4 milliards par semaine et ciblera les titres de plus longue échéance, « qui ont une influence plus directe sur les taux d’emprunt les plus importants pour les ménages et les entreprises », explique-t-elle.

Cet ajustement était nécessaire, selon les économistes Taylor Schleich, Jocelyn Paquet et Warren Lovely, de la Banque Nationale. « Le Programme d’achat d’obligations du Canada était trop important pour certaines parties du marché », soulignent-ils dans un commentaire publié mercredi.

« L’achat de 4 milliards par semaine reste une somme très importante, qui dépasse le rythme d’achat d’autres banques centrales en proportion de la population, du PIB ou du total des obligations en circulation », estiment-ils.

Tiff Macklem, pour sa part, a répété mercredi que le bilan de la Banque du Canada était moins élevé que ceux des banques centrales des autres pays industrialisés. Il est d’avis que ce bilan devrait être réduit un jour, mais que le problème se poserait plus tard. « Pour le moment, nous avons besoin de ces mesures et nous les utilisons », a-t-il dit.