La plus célèbre des cryptomonnaies, le bitcoin, a de nouveau attiré l’attention ces derniers jours après que l’entreprise de paiements électroniques PayPal eut annoncé son introduction en usage limité dans son vaste réseau de clients.

Cette annonce en milieu de semaine dernière a fait bondir le cours du bitcoin tout juste au-dessus du seuil symbolique des 13 000 $ US (environ 17 000 $ CAN).

Il s’agissait d’un troisième passage à ce niveau pour le bitcoin en trois années de forte volatilité entre le sommet de 18 900 $ US atteint en décembre 2017 et les creux récurrents autour de 3500 $ US.

N’empêche. Cet autre rebond du bitcoin aux environs de 13 000 $ US a attisé l’attention des spéculateurs en cryptomonnaies. Il a aussi ravivé le scepticisme et la méfiance parmi les spécialistes du marché mondial des devises.

« Lorsqu’on regarde l’évolution des cryptomonnaies, il faut distinguer entre les produits d’origine privée, comme le bitcoin, et les projets de devises numériques d’origine gouvernementale, telles que l’e-krona en Suède et le DCEP dérivé du yuan en Chine », indique Luc de la Durantaye, directeur des placements et de la gestion des devises chez Gestion d’actifs CIBC, à Montréal.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Luc de la Durantaye, directeur des placements et de la gestion des devises chez Gestion d’actifs CIBC, à Montréal

« D’une part, les projets gouvernementaux de monnaies numériques sont encore à l’étape des prototypes. D’autre part, je demeure sceptique envers les cryptomonnaies d’origine privée comme le bitcoin, étant donné leur manque de transparence en général et leur usage dans des transactions souvent illicites du point de vue des autorités financières et fiscales. »

Avec ses collègues chez Gestion d’actifs CIBC, Luc de la Durantaye termine ces jours-ci une étude sur l’état du marché des principales monnaies du monde, dites « devises réserves » dans le milieu financier.

Une section de cette étude concerne le développement des devises numériques, avec une série de « feux jaunes » envers les cryptomonnaies d’origine privée comme le bitcoin, dont le fonctionnement et l’usage échappent largement aux régulateurs monétaires.

« Premièrement, il faut faire attention avec la faible capitalisation de ces cryptomonnaies d’origine privée. Elles totalisent actuellement 398 milliards US, mais répartis parmi une grande variété de plusieurs centaines de pièces ou de jetons numériques, et dont seule une poignée a une taille suffisante pour présenter un intérêt potentiel pour les grands investisseurs », signale M. de la Durantaye.

« Deuxièmement, il n’y a pas encore d’utilisateurs fondamentaux et bien établis pour ces cryptomonnaies d’origine privée. Entre autres, les détaillants locaux ne les accepteront pas en paiement direct. Et la facturation réelle en cryptomonnaies est pratiquement inexistante. »

Selon Luc de la Durantaye, « ce manque d’utilisateurs bien établis des cryptomonnaies rend très difficile la détermination de leur valeur réelle comme unité comptable crédible dans les activités commerciales et financières ». Il estime aussi que cette difficulté de valorisation des cryptomonnaies privées se manifeste dans la « volatilité démesurée » de leur taux de change au fil des mois.

Luc de la Durantaye rappelle qu’il faut se méfier de l’anonymat des transactions en cryptomonnaies d’origine privée propices aux activités les plus louches. « Cet anonymat les rend particulièrement attrayantes pour ceux qui recherchent des transactions d’évasion fiscale ou d’autres activités criminelles. En dépit des messages de sécurité d’utilisation de la part des promoteurs de ces cryptomonnaies privées. »