(Ottawa) Les travailleurs situés au bas de l’échelle des revenus sont plus durement touchés que quiconque — même les plus riches — lorsqu’ils obtiennent des revenus supplémentaires, selon des calculs du ministère des Finances.

En plus de payer plus d’impôts, gagner plus d’argent peut faire perdre d’autres avantages visant à réduire la pauvreté.

Comprendre qui perd davantage en gagnant plus et quels programmes fédéraux sont concernés « peut guider l’élaboration d’approches pour alléger le fardeau […] et encourager le travail supplémentaire », ont écrit les fonctionnaires du ministère dans des documents.

Les travailleurs à revenu modeste, qui gagnent de 25 000 à 34 000 $, ont perdu 413 $ pour chaque tranche de 1000 $ de revenu supplémentaire, la récupération la plus élevée de tous les niveaux de revenu.

Juste derrière eux se trouvaient les 10 % des travailleurs les plus riches, avec des revenus supérieurs à 114 570 $, qui ont renoncé à 402 $ pour chaque tranche de 1000 $ de gains supplémentaires.

Les mieux nantis doivent ainsi payer plus d’impôts, alors que les gens à revenus modestes sont confrontés à deux enjeux : les impôts, mais aussi une baisse des prestations fondées sur le revenu, comme l’Allocation canadienne pour enfants.

Dans l’ensemble, les 19 millions de travailleurs du pays auraient perdu, en moyenne, 341 $ pour chaque augmentation de 1000 $ de leurs revenus, selon des données datant de 2017 sur lesquelles s’appuyait le document. Mais le fardeau était plus lourd pour les travailleurs avec enfants.

Un obstacle au travail

Selon les fonctionnaires, le fait que les travailleurs ne se retrouvent pas en meilleure posture, ou qu’ils s’en tirent encore plus mal après avoir engrangé des revenus supplémentaires pourrait dissuader les Canadiens à travailler davantage et freiner l’arrivée de nouveaux travailleurs sur le marché.

Cette dernière situation est particulièrement accentuée chez les « salariés secondaires », qui gagnent moins que leurs partenaires — généralement, des femmes.

La Presse Canadienne a obtenu une copie des rapports et de la note d’information connexe par l’intermédiaire de la Loi sur l’accès à l’information.

Les rapports datant du début du mois de novembre dernier, quelques jours après les élections fédérales qui ont vu les libéraux revenir au pouvoir avec une minorité à la Chambre des communes, ont été déposés alors que la fonction publique tentait de résoudre une série de problèmes relativement à la main-d’œuvre vieillissante.

Une révision du système fiscal nécessaire

Les experts qui ont examiné le document ont suggéré que les résultats pourraient aider à orienter les efforts du gouvernement Trudeau, au moment où les libéraux tentent de mettre à jour les impôts et les avantages liés à la pandémie.

Elliot Hughes, qui était conseiller en politique fiscale de l’ancien ministre des Finances Bill Morneau, croit qu’un examen approfondi du système fiscal semble indispensable pour s’assurer que ceux qui ont besoin d’aide l’obtiennent, et qu’il n’y ait pas d’obstacle au travail.

C’est un problème politique, et cela prendrait probablement deux ans pour y arriver, a souligné M. Hughes, mais « je ne sais pas comment vous en évitez un maintenant ».

« La COVID, et tous les avantages qui ont été ajoutés, et tous les défis que la COVID a exposés ou accélérés rendent l’examen des impôts et des programmes de soutien et de prestations […] encore plus important que jamais », a déclaré M. Hughes, qui est maintenant chez Summa Strategies.

Plusieurs facteurs à considérer

Recouvrer plus rapidement des avantages à mesure que les revenus augmentent pourrait nuire à la promotion de la participation au marché du travail, a selon Garima Talwar Kapoor, directrice des politiques et de la recherche à Maytree, un groupe de réflexion sur la lutte contre la pauvreté.

Mme Talwar Kapoor a également déclaré que toute réflexion sur les impôts et les avantages doit tenir compte d’autres questions qui affectent les décisions professionnelles, telles que le coût de la garde d’enfants, l’accès aux prestations dentaires par le biais du régime d’un employeur ou l’attrait de l’emploi lui-même.

« Un certain nombre de facteurs importent lorsque les gens décident s’ils vont travailler ou non, a-t-elle déclaré. Je crains qu’en l’absence de réflexion réelle sur de bons emplois, par défaut, nous réduisions les prestations fournies sans penser à l’impact que cela a sur les gens à long terme. »