Depuis lundi, l’évènement C2 Montréal bat son plein. Mais ce haut lieu du réseautage invite cette fois les participants à se connecter, échanger et conclure des affaires en ligne. Il n’est pas le seul. Les gens d’affaires sont appelés à entrer en contact différemment, depuis mars, plutôt que de se mettre sur pause et attendre que le virus s’estompe.

En temps normal, Jacques-André Dupont aurait vécu son premier évènement C2 Montréal à titre de président et chef de la direction de C2 International entouré de milliers de gens d’affaires. Mais les Jane Fonda, Patrisse Cullors, Stéphanie Harvey et autres conférenciers invités qui sourient sur nos écrans, cette fois, ne sont pas pour lui déplaire.

« On voit qu’une conférence qui attire en ligne 1500 personnes va ultimement en rejoindre 15 000 à cause de la vidéo sur demande et des opérations après-évènement », explique-t-il.

À ses dires, l’évènement virtuel, pour lequel 8000 billets ont été mis en circulation, est couru. « C2 arrive à un moment où il n’y a pas grand-chose qui se passe, juge-t-il. Chaque fois qu’on a annoncé un conférencier important, l’impact sur les ventes a été immédiat. » Et il sent le besoin de réseauter des participants en cette période marquée par le télétravail.

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Jacques-André Dupont, président et chef de la direction de C2 International.

Beaucoup de gens inscrits se cherchent un emploi. Or, actuellement, comment fait-on pour se faire voir ? Ce n’est pas pour rien qu’il y a un développement accéléré des technologies pour regrouper les gens en ligne en ce moment.

Jacques-André Dupont, président et chef de la direction de C2 International

Cocktails, soupers au restaurant, bals, rondes de golf, rencontres fortuites… L’agenda social d’affaires est mis sur pause, mais le besoin de socialiser demeure. « Tous nos lieux communs ont disparu, note Sébastien Fauré, partenaire-fondateur du Regroupement des firmes de services professionnels indépendantes (RFSPI) et chef de la direction de l’agence de publicité bleublancrouge. Le flux d’opportunités non prévu n’existe plus. »

Afin que les entrepreneurs et gens d’affaires puissent rester en contact et échanger sur leurs problématiques, le RFSPI a organisé un évènement en deux dates, en juillet et septembre. Baptisé Conquête 2021, il a réuni une centaine de personnes. « On a créé des espaces d’échanges sécuritaires et on a mis en contact des gens qui auraient le potentiel de s’aider, explique Sébastien Fauré. Les inscriptions ont été rapides. C’était un besoin criant d’avoir des conversations entre personnes de même calibre. Le niveau de la conversation monte ainsi de trois crans. On se dit plus de vérités. On écoute autrement. »

De la pandémie a découlé un désir de connecter différemment ces derniers mois, selon M. Fauré. La relation a pris le dessus sur la transaction. Les entrepreneurs ont dû reconsidérer le type de personnes avec qui ils voulaient être en contact, également. « Il faut se rendre compte que toutes les relations ne sont pas égales », dit-il.

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Sébastien Fauré (à droite), chef de la direction de l'agence Bleublancrouge

Il faut bâtir des relations et ensuite garder cette garde proche avec qui on va être généreux, écouter et discuter. En s’occupant bien de certaines personnes, on deviendra un partenaire essentiel.

Sébastien Fauré, chef de la direction de l’agence de publicité bleublancrouge

Éviter l’isolement

La crise ne fera pas moins mal si on s’isole. Et cet isolement, Ruth Vachon le constate chez les entrepreneures. La pandémie affecte particulièrement les femmes qui n’ont pas le réseautage dans le sang. « On n’écrit pas du jour au lendemain à un étranger, explique la PDG du Réseau des femmes d’affaires du Québec (RFAQ). Tout va plus vite pour celles qui ont un réseau. »

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Ruth Vachon, PDG du Réseau des femmes d'affaires du Quebec

Un récent sondage nous a démontré que 79 % des femmes disent vouloir des contrats, donc ça veut dire que leur réseau n’est pas assez grand.

Ruth Vachon, PDG du Réseau des femmes d’affaires du Québec

Rapidement, quand le confinement a été imposé au printemps dernier, le RFAQ a mis sur pied notamment des midi-virtuels. En groupe de 25, les entrepreneures de toutes les régions de la province peuvent échanger en lunchant. « On ne veut pas des foules, dit Ruth Vachon. Les femmes veulent parler. C’est un succès. Dès mars, on s’est virés sur un 10 cents. On a ouvert le réseau à toutes les femmes du Québec. On a aussi des cellules d’entraide virtuel. On n’a pas le choix, car on veut être une organisation responsable. »

« Quand la pandémie est arrivée, ce qu’on a pu transformer en évènement virtuel, on l’a fait et on en a créé d’autres, dit aussi Déborah Cherenfant, présidente de la Jeune chambre de commerce de Montréal. C’était inadmissible de rester passif. »

Mercredi, le concours Arista, pour la relève d’affaires du Québec, s’est tenu virtuellement, grâce à l’entreprise québécoise Connexion.tv. Dès le mois de mai, la Jeune chambre organisait des 5 à 7 virtuels baignés de musique avec son comité de direction, puis ses membres.

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Déborah Cherenfant, présidente de la Jeune chambre de commerce de Montréal

Selon un sondage maison, 67 % des membres ont besoin de connecter et développer leur réseau. Mais migrer vers les plateformes virtuelles pour rencontrer des gens est devenu une habitude.

Déborah Cherenfant, présidente de la Jeune chambre de commerce de Montréal

Déborah Cherenfant note toute l’importance de réseauter pour un jeune catapulté dans le monde des affaires. « N’étant pas née ici, réseauter m’a beaucoup aidée à comprendre la culture d’affaires, dit celle qui est arrivée d’Haïti il y a 15 ans. Les opportunités circulent en priorité dans son réseau. Et se mettre à l’écart ne contribue pas aux échanges informels. »

L’après-COVID-19

Si les organisateurs d’évènements et présidentes de regroupements ont évidemment hâte au retour à la normal, ils s’accordent pour dire que cette nouvelle façon de se réunir et échanger restera. « Tout n’est pas de même qualité, mais les gens ont appris », dit Jacques-André Dupont, qui assure que « les deux mondes » vont se côtoyer à C2 Montréal en 2021.

A-t-on trouvé une nouvelle façon de réseauter ? « Oui, répond Sébastien Fauré. Mais va-t-on remplacer le réseautage traditionnel ? Non. Les évènements en personne manque à beaucoup de gens. On ne se rend pas compte à quel point la douleur est profonde. Le réseautage, ce n’est pas que de faire des deals, mais d’être en contact avec d’autres. Les connexions émotionnelles ne peuvent être compensées par les connexions numériques. »