(Montréal) Le Québec vit une situation inédite, avec à la fois quelque 190 000 chômeurs additionnels liés à la pandémie et une pénurie de travailleurs dans certains secteurs.

Toute la journée vendredi, 250 personnes ont participé au Forum sur la requalification de la main-d’œuvre et l’emploi — auquel La Presse Canadienne a pu assister. Des associations patronales, les centrales syndicales, le milieu de l’éducation, le milieu communautaire et six ministres du gouvernement Legault y ont participé, soit deux du Travail, de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur, de l’Immigration, des Finances et de l’Économie.

D’entrée de jeu, le ministre du Travail, Jean Boulet, a souligné que malgré la reprise en bonne partie de l’économie, trois secteurs d’activité affichaient encore en août des baisses de l’emploi de plus de 10 % par rapport à février 2020. Il s’agit de l’hébergement et de la restauration, de la culture et des loisirs, ainsi que du transport et de l’entreposage.

« La courbe de recouvrement des emplois au Québec, il faut voir qu’elle va quand même assez bien, même qu’elle va mieux qu’ailleurs. Mais les derniers pourcentages qui nous manquent vont être très, très difficiles à aller chercher. Et c’est pour ça que la requalification de la main-d’œuvre va jouer un rôle, en essayant de combler cet écart-là et de revenir à notre taux d’emploi qui était si bien le 11 mars dernier », a commenté Charles Milliard, PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Mia Homsy, PDG de l’Institut du Québec, a souligné que quatre groupes de travailleurs ont été plus durement affectés par la pandémie : les jeunes, les femmes, les bas salariés et ceux qui ont moins de huit années de scolarité.

Tout à l’opposé, des secteurs manquent de travailleurs : l’enseignement, la santé (infirmières notamment) et les éducatrices à la petite enfance.

Stéphane Forget, vice-président chez Sollio (anciennement La Fédérée), a souligné qu’à lui seul, le secteur agroalimentaire a de 6000 à 7000 postes à pourvoir… alors qu’on a souvent dit, durant la pandémie, que le Québec devait accroître son autosuffisance au plan agricole et alimentaire.

Culture de la formation continue

Pour requalifier ces travailleurs, les voies habituelles ont été suggérées et tous les participants ont proposé de les développer : microprogrammes de formation, formation segmentée, alternance travail-étude, stages en entreprise, formation rémunérée, reconnaissance des acquis des travailleurs immigrants et régionalisation de l’immigration.

« La culture de la formation continue, il faut développer ça. L’éducation est la pierre angulaire de notre défi », a lancé le ministre du Travail et de l’Emploi.

Luc Vachon, président de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), a objecté qu’avant de songer à la formation, il faudra passer par un rehaussement de la littératie et de la numératie, en plus des programmes de francisation. Pour le moment, il y a là « un blocage » pour plusieurs travailleurs, a-t-il rapporté.

Le ministre Boulet a lui-même souligné que 53 % des Québécois âgés de 16 à 65 ans n’atteignent pas le niveau de compétence leur permettant de lire des textes denses et longs et d’interpréter diverses informations pour en tirer des conclusions.

Le ministre du Travail et de l’Emploi a conclu la journée d’échanges en appelant l’ensemble de la société civile à effectuer « une corvée de requalification et de rehaussement des compétences, qui permettra à terme au Québec de se positionner par la qualité de sa main-d’œuvre ».