COVID-19 ou pas, on ne vit pas en vase clos. La Terre s’est uniformisée, que ce soit en musique ou en économie, dans les sports et tout le reste. Et les médias sociaux ont accéléré ce processus.

On peut juger que c’est une bonne ou une mauvaise chose, déplorer que la diversité culturelle s’efface au profit des grands courants, notamment au Québec, douter de sa pertinence, mais le fait est que les particularités locales s’amenuisent.

Est-ce aussi le cas de la fiscalité ? Les impôts et taxes que nous payons sont-ils de plus en plus semblables à ceux des autres nations, ou, au contraire, tendent-ils à diverger avec les récentes crises financières et courants politiques ? Pas si simple de répondre à cette question, compte tenu de la complexité et du nombre des systèmes fiscaux.

C’est ce que deux chercheurs sont tout de même parvenus à faire, nommément Luc Godbout et Michaël Robert-Angers, de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke. Et plus intéressant : ils ont pu voir dans quelle mesure le Canada et le Québec s’inscrivent ou non dans cette tendance. Leur analyse porte sur les 24 pays de l’OCDE pour lesquels des données comparables existent depuis 1981. Voir ici :

D’abord, il faut comprendre ce que les deux chercheurs ont fait. Essentiellement, ils ont mesuré pour chaque année et chaque pays l’écart du poids de la fiscalité par rapport à la moyenne des 24 pays de l’échantillon. Ils ont ensuite vérifié si cet écart avec la moyenne diminuait avec le temps ou s’il augmentait.

Leurs résultats sont clairs : les administrations fiscales des grands pays industrialisés dans le monde tendent à imiter le système fiscal de leurs voisins. La tendance est manifeste tant pour les recettes fiscales globales que pour chacune des grandes composantes, qu’on pense à l’impôt sur le revenu des particuliers ou aux taxes de vente.

Par exemple, en 1986, l’écart moyen entre les 24 grands pays concernant la proportion du total des recettes prélevées par les particuliers était de 31,5 %. Cet écart a constamment reculé dans le temps, passant à 29,2 % en 1996, puis à 25,2 % en 2018.

La tendance est la même pour les taxes à la consommation (TPS et TVQ), comme pour l’impôt des entreprises. Les charges sociales sont celles qui convergent le plus fortement entre les pays.

Attention, une courbe dont la tendance est à la baisse ne signifie pas que les pays lèvent moins d’impôts, mais que leur différence dans le prélèvement s’amenuise.

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Bien sûr, des variations peuvent être importantes sur la période. Par exemple, la crise financière de 2008 a fait bondir les différences dans le poids des prélèvements des impôts sur les profits des entreprises. Peut-être que certains des pays qui ont davantage souffert ont vu leurs impôts des entreprises chuter davantage ? Quoi qu’il en soit, sur le long terme, il y a convergence.

Comment expliquer cette convergence ? Trois raisons probables. Premièrement, de nombreuses études économiques ont démontré que certaines formes de recettes fiscales sont plus dommageables et d’autres moins. Il est donc vraisemblable que les administrations fiscales des divers pays aient appliqué ces principes à leur politique fiscale, malgré leur impopularité politique, à l’occasion.

Deuxièmement, plusieurs pays de l’OCDE ont des contraintes quant à certaines formes de taxation. Par exemple, en vertu du traité de Maastricht, les pays européens ont des fourchettes à respecter pour leurs taxes sur la valeur ajoutée (TVA, soit notre TPS ou TVQ), explique M. Robert-Angers.

Enfin, et surtout, les pays se livrent une forte concurrence pour attirer les cerveaux, les entreprises et les consommateurs. Tout indique que cette concurrence les force à adopter des formes de prélèvements fiscaux plus semblables qu’il y a 25 ans.

Maintenant, comment se comportent le Canada et le Québec à cet égard ? Globalement, selon les résultats des chercheurs, le Canada ne suit pas la tendance et son système fiscal diverge de la moyenne des pays de l’OCDE, comme celui de 5 des 24 pays.

Plus précisément, l’écart relatif du Canada a convergé pour seulement trois facettes d’imposition sur sept, expliquent les auteurs. Le poids des charges sociales (assurance-emploi, RRQ, etc.) converge, comme l’impôt sur le patrimoine (taxes foncières) et les droits de douane. Mais ce n’est pas le cas de la taxe de vente, ni de l’impôt sur le bénéfice des entreprises, ni de l’impôt sur le revenu des particuliers.

Le Québec ? L’ensemble de notre système fiscal a tendance à ressembler de plus en plus à celui des autres. Toutefois, le Québec s’écarte de la moyenne pour l’impôt sur le revenu des particuliers et, plus encore, pour les taxes à la consommation.

Et dans ce cas, le Québec a emprunté le chemin inverse de ce que recommandent les économistes : il a haussé l’impôt sur le revenu (12,4 % du PIB en 1981 contre 13,3 % du PIB en 2018) – un impôt jugé plus dommageable pour l’économie – mais a abaissé la proportion de ses recettes tirées des taxes à la consommation (de 8 % du PIB à 6,9 % du PIB). Les taxes à la consommation, lorsque leurs effets sont compensés par un crédit pour les moins nantis, entre autres, sont moins nuisibles.

L’étude est intéressante vue sur une perspective mondiale. J’aurais aimé que les auteurs s’attardent davantage à la comparaison entre le Québec et les provinces voisines ou encore les États américains voisins. Nos autorités fiscales, quand vient le temps de faire varier la taxation, sont très sensibles à celle des voisins, notamment l’Ontario.

Une TVQ à 20 % au Québec, par exemple, serait impossible si l’Ontario et le Nouveau-Brunswick fixaient la leur à 10 %. Notre convergence serait probablement bien plus claire avec ces provinces qu’avec les autres pays industrialisés.