Même si l’économie canadienne a déjà récupéré les deux tiers des emplois perdus à cause de la crise du coronavirus, beaucoup d’emplois occupés surtout par des jeunes et des femmes ne reviendront pas, a souligné jeudi le gouverneur de la Banque du Canada, qui s’inquiète de cette récession « anormalement inégale ».

La pandémie, qui a frappé plus fort les secteurs des services comme l’hébergement et la restauration, risque de laisser derrière une main-d’œuvre majoritairement constituée de jeunes et de femmes, a prévenu Tiff Macklem, qui était l’invité virtuel de la Chambre de commerce du Canada.

Beaucoup d’entreprises de ces secteurs ont fermé et ont licencié leurs employés, qui pourraient mettre du temps à revenir sur le marché de travail. « Plus les membres d’un groupe touché restent longtemps sans travailler, plus il leur est difficile de réintégrer le marché du travail », a-t-il dit.

La même catégorie de travailleurs pourrait aussi être touchée par une autre conséquence de la pandémie, soit la croissance du commerce et de l’activité en ligne. Ce changement des habitudes provoquera des pertes d’emplois, même s’il peut être positif à long terme pour l’économie, croit le gouverneur.

« Comme pour les précédentes vagues d’innovations, on peut s’attendre à ce que la numérisation offre des gains économiques généralisés et rehausse le niveau de vie avec le temps. Mais il y a aussi des risques, surtout en période de transition. Au début, il est probable que les travailleurs aux revenus faibles et moyens supportent une grande partie du coût initial des pertes d’emplois. »

L’emploi d’abord

Tiff Macklem estime que la meilleure façon de sortir de la crise est « de remettre la population au travail et de lutter contre les inégalités ». « Œuvrer pour l’égalité des chances est tout simplement la bonne chose à faire, a-t-il plaidé. C’est bon aussi pour la croissance. »

Les pertes d’emplois chez les femmes, les jeunes et les petits salariés sont un problème pour nous tous. En effet, si ces travailleurs en venaient à se décourager et à quitter la population active, ou encore s’ils perdaient des compétences précieuses au fil du temps, leur participation réduite à l’activité économique affaiblirait notre potentiel de croissance. Et le niveau de vie de tout le monde s’en trouverait diminué.

Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada

Comme le gouvernement fédéral, qui a déployé des moyens sans précédent pour atténuer les effets de la pandémie, la banque centrale entend continuer à utiliser les moyens à sa disposition pour relancer l’économie.

« En abaissant le coût du crédit, nos politiques préparent le terrain pour que les consommateurs puissent dépenser et que les entreprises puissent investir et se développer », a précisé le gouverneur dans son discours.

La Banque du Canada a annoncé mercredi le maintien de son taux directeur à son niveau plancher de 0,25 % et son intention de continuer son rachat massif d’obligations fédérales sur le marché « jusqu’à ce que la reprise soit bien engagée ».

L’économiste Jocelyn Paquet, de la Banque Nationale, estime qu’il n’y a pas grand-chose que la banque centrale puisse faire de plus, étant donné que son gouverneur a exclu les taux d’intérêt négatifs. Il note d’ailleurs que l’engagement à « accentuer la détente monétaire si cela s’avère nécessaire » a été retiré du communiqué de cette semaine.

Selon lui, la Banque du Canada devra clarifier ce qu’elle entend par « reprise économique bien engagée ».