(Paris) L’économie mondiale connaîtra en 2020 une récession d’au moins 6 %, selon l’OCDE qui entrevoit une possibilité de rebond rapide si la santé n’est pas sacrifiée sur l’autel de la croissance, et que les gouvernements protègent les plus précaires tout en levant les entraves au commerce.

« Le choix entre la santé et l’économie est un faux dilemme. Si la pandémie n’est pas jugulée, il n’y aura pas de reprise économique robuste », a prévenu lors d’une visioconférence le secrétaire général de l’organisation, Angel Gurria, alors que le confinement de la moitié de l’humanité a brutalement freiné l’activité au printemps.

Dans ses perspectives intitulées « L’économie mondiale sur la corde raide », l’OCDE a échafaudé deux scénarios : l’un où l’épidémie de COVID-19 « reste sous contrôle » et l’autre où elle repart avec une deuxième vague.

Dans le premier cas, le produit intérieur brut (PIB) mondial reculera en 2020 de 6 %, dans le deuxième de 7,6 %. Mais même dans le meilleur des cas, ce recul est « de loin le plus important dans les 60 années depuis que l’OCDE a été créée », a indiqué M. Gurria.  

Sans retour du coronavirus, la croissance mondiale rebondira de 5,2 %, mais seulement de 2,8 % s’il recommence à circuler, avec ce que cela implique de mesures de confinement ou de quarantaine.

La zone euro sera particulièrement touchée avec un recul du produit intérieur brut (PIB) prévu à 9,1 % dans le scénario le plus favorable, et à 11,5 % en cas de deuxième vague en 2020.

La France fait partie, avec l’Italie et l’Espagne, des pays les plus durement frappés : le PIB devrait reculer dans l’Hexagone de 11,4 % en 2020, et même de 14,1 % en cas de deuxième vague. 2021 devrait toutefois amener un puissant rebond de 7,7 % si l’épidémie en reste là, et tout de même de 5,2 % en cas de retour du virus.

Pour les États-Unis, l’OCDE prévoit une diminution du PIB de 7,3 % ou de 8,5 %, selon les scénarios.

La Chine, deuxième économie mondiale derrière les États-Unis et encore championne de la croissance l’an dernier avec 6,1 %, verra elle aussi son économie se contracter, de 2,6 %, voire de 3,7 % cette année si le virus y ressurgit massivement.

tensions sociales

La chef économiste de l’OCDE Laurence Boone a précisé que l’économie planétaire s’était contractée de 3 % au premier trimestre et qu’elle allait encore perdre 10 % au second.

En conséquence, le point de départ pour une reprise « est extrêmement bas pour nous ramener là où nous étions en 2019 », selon Mme Boone, car « après un rebond initial, revenir au niveau initial est plus difficile », certains secteurs ne pouvant pas repartir rapidement.

En dehors d’un possible retour du virus, elle pointé comme facteurs d’incertitudes le « comportement des consommateurs » et « les relations commerciales », qui vont « freiner l’investissement ».

Louant les mesures prises par de nombreux gouvernements pour préserver l’emploi, elle ajouté que « l’une des inquiétudes que nous avons concerne les travailleurs du secteur informel, parce qu’ils sont très difficiles à atteindre », ainsi que les précaires, les auto-entrepreneurs, dont la situation risque de provoquer des « tensions sociales ».

L’OCDE relève toutefois que certains secteurs devraient sortir renforcés de la crise, comme le « e-commerce » ou « les équipements pour la santé ».

Les gouvernements « devraient faciliter la transition » vers ces secteurs tout en « protégeant les revenus des travailleurs », selon Mme Boone.

ne pas revenir à la normale

Face à la concentration de la production de médicaments ou de matériel de protection sanitaire dans certains pays, « il faut passer de la production à flux tendus et à la production “au cas où” » (du ’just in time’ au ’just in case’) et constituer les stocks nécessaires, plaide l’économiste.

« Mais nous devons considérer que le commerce fait partie de la solution », ajoute-t-elle  en mettant en garde contre les blocages des chaînes d’approvisionnement par des mesures protectionnistes.

Car l’épidémie a aussi « accéléré le basculement d’une “grande intégration” vers une “grande fragmentation” » de l’économie mondiale, remarque encore Mme Boone dans un éditorial.

M. Gurria a d’autre part appelé à ce que la crise soit l’occasion d’une transition vers « une croissance plus solide et plus durable ». « Le but ne doit pas être de revenir à la normale », car « la normalité est ce qui nous amenés là où nous nous trouvons actuellement ».

Il a pris pour exemple la pollution atmosphérique qui tue 4 millions de personnes par an et dont on a découvert qu’elle « aggravait les conséquences de la COVID-19 ».

Enfin, face à une situation où la confiance est limitée par l’incertitude, « la communauté internationale devrait s’assurer que lorsqu’un vaccin ou traitement sera disponible il pourra être distribué rapidement dans le monde entier », demande Mme Boone, car « sinon, la menace persistera ».