(QUÉBEC ) Le gouvernement de François Legault a annoncé jeudi des mesures économiques pour donner de l’oxygène aux entreprises frappées de plein fouet par la crise du coronavirus. L’État prévoit des prêts « aux conditions très avantageuses » et le report du paiement des impôts pour les sociétés.

Mais du même coup, le premier ministre du Québec a admis que les turbulences actuelles vont avoir raison de bien des sociétés et notamment de nombreuses PME.

« J’aime mieux le dire, on ne pourra pas sauver toutes les entreprises. On va essayer de faire le maximum qu’on est capables de faire, avec des marges de manœuvre qui, heureusement, sont importantes, mais on ne pourra pas sauver toutes les entreprises », a affirmé François Legault.

Les fermetures de commerces et les mises à pied se succèdent dans la foulée des mesures de confinement. Jeudi, le Cirque du Soleil a annoncé la mise à pied temporaire de 95 % de son personnel, soit 4679 employés.

L’aide du gouvernement vise justement à servir de bouée – de « pont » selon le mot du premier ministre – pour passer à travers la crise. Le gouvernement a mis de côté 2,5 milliards pour des prêts ou des garanties de prêts. Ces prêts seront de 50 000 $ minimum.

Comme le gouvernement fédéral mercredi, Québec annonce aussi que les entreprises n’auront pas à payer d’impôts avant le 1er septembre. 

Ça, ça représente 8,3 milliards de liquidités pour l’économie québécoise.

Eric Girard, ministre des Finances

Le premier ministre a rappelé que la crise était « temporaire ». Mais le gouvernement est incapable de savoir pour l’instant combien de temps encore dureront les consignes de confinement. Le ralentissement durera certainement des mois, prévient François Legault.

« À un moment donné, l’économie va repartir. On ne sait pas quand. On sait que ça ne sera pas dans les prochaines semaines, ça va prendre un certain nombre de mois », dit le premier ministre.

Acheter québécois

François Legault a profité de ce point de presse économique pour lancer un nouvel appel à la population. Dans les derniers jours, il a demandé aux Québécois de donner du sang et aux influenceurs de sensibiliser les jeunes quant à l’importance du confinement. Dans les deux cas, ses appels ont eu un impact immédiat.

Cette fois-ci, pour fouetter l’économie, le premier ministre a fait plaidoyer en faveur de l’achat local.

« Je sais que je demande beaucoup de choses aux Québécois, mais j’ai une autre chose à demander aux Québécois, a commencé le premier ministre. S’il vous plaît, dans les prochaines semaines, les prochains mois, c’est plus important que jamais d’acheter des produits qui sont faits au Québec. Ça inclut les achats en ligne. »

Cet appel vise à « se donner des chances que le maximum de nos entreprises passent au travers ». « Ça va aider les travailleurs du Québec », a ajouté le premier ministre.

La construction continue

Le premier ministre a aussi réitéré qu’il n’entendait pas demander la fermeture des chantiers de construction. Leur fonctionnement est d’ailleurs primordial dans la stratégie du gouvernement, qui a annoncé lundi sa volonté de devancer plusieurs projets d’infrastructure pour fouetter l’économie.

Les deux principaux syndicats du domaine de la construction dans la province ont enjoint à Québec de fermer les chantiers pour des raisons de santé et sécurité.

François Legault a expliqué que son ministre du Travail avait eu des rencontres à ce sujet jeudi.

On est d’accord pour dire que sur certains chantiers où il y avait des roulottes, où les gens allaient manger le midi, ou allaient se laver les mains, que ce n’était pas une situation qui était idéale pour l’hygiène. On est en train de corriger ça. Donc, moi, j’ai bon espoir qu’on soit capables de garder les chantiers de construction ouverts.

François Legault, premier ministre du Québec

Le travail des banques

Quant au domaine de la restauration, très durement frappé par les règles de confinement, il semblait peu touché par l’annonce de jeudi.

Les employés mis à pied seront pris en charge par l’assurance-emploi, a expliqué le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon.

Pour les propriétaires en manque de liquidités, le ministre a affirmé que « souvent, ces entreprises-là, c’est des emprunts personnels. Alors, les banques, à date, font un très bon travail ».

« Écoutez, quand il y aura des chaînes de restaurants ou d’autres, on regardera s’il y a quelque chose à faire. Mais on veut faire attention pour ne pas, non plus, se ramasser dans 250 000 entreprises au Québec à faire des liquidités alors que ce n’est peut-être pas requis, là. Il faut être très prudent avec l’argent du public. »

Le milieu d’affaires espérait plus

MEQ : des subventions, pas seulement des prêts

Les prêts mis en place par le gouvernement pour offrir des liquidités aux entreprises qui en ont cruellement besoin ont laissé sur leur faim Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ). « Ça donne un peu d’oxygène aux entreprises, mais ce n’est pas une aide directe. On annonce des prêts », déplore Véronique Proulx, présidente-directrice générale de MEQ. « On demande de l’aide directe : des subventions, des congés fiscaux pour compenser les pertes des entreprises pour qu’elles soient en bonne posture après la crise, et non plombées par des dettes supplémentaires », dit-elle.

Le CPQ demande un allègement des taxes

Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) a salué un « pas dans la bonne direction ». Mais son président et chef de la direction a demandé dans un communiqué d’autres mesures, notamment un allègement des taxes sur la masse salariale. « Bien qu’il soit pertinent d’avancer par étapes, le CPQ s’attend à ce que le gouvernement fasse d’autres annonces dans les meilleurs délais, par exemple, ce qui concerne les taxes sur la masse salariale », a avancé Yves-Thomas Dorval.

FCCQ : un premier pas concret

Du côté de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), on a salué les mesures totalisant 2,5 milliards comme un « premier pas concret », mais la Fédération appelle à d’autres gestes pour relancer l’économie. « Le déploiement des mesures devra être accéléré pour permettre aux entreprises, particulièrement les petites et moyennes entreprises, de faire face à leurs obligations, dont le versement des salaires », a dit le PDG Charles Milliard. La FCCQ appelle, elle aussi, au report des versements de TVQ entre autres mesures à prévoir.