(Londres) Le Royaume-Uni a sorti l’artillerie lourde mercredi pour aider l’économie à traverser la tempête du coronavirus, avec un soutien budgétaire de 30 milliards de livres et une baisse conséquente des taux de la Banque d’Angleterre.

Le ministre des Finances, Rishi Sunak, arrivé en poste il y a à peine un mois, a présenté sur un ton offensif un premier budget post-Brexit bousculé par l’épidémie de coronavirus, qui menace de plomber l’activité déjà anémique.

Cette crise sanitaire aura un impact « important, mais temporaire », a-t-il déclaré, estimant qu’elle pourrait forcer jusqu’à « un cinquième » de la population active britannique à travailler depuis chez elle tout en perturbant la chaîne d’approvisionnement.

Dans le détail, 12 milliards de livres seront une réponse directe aux conséquences immédiates du coronavirus. Quelque 7 milliards aideront les travailleurs indépendants et les PME, qui sont les plus menacées, tandis que 5 milliards soutiendront le système de santé.

Viennent s’ajouter par ailleurs 18 milliards d’autres mesures, notamment envers les services publics ou les infrastructures, pour stimuler l’économie dans son ensemble. Celle-ci a déjà souffert des incertitudes liées au Brexit, qui a mobilisé et divisé tout le pays depuis le référendum de 2016, mais a à peine été évoqué par M. Sunak.

Londres et Bruxelles doivent entamer la semaine prochaine le deuxième cycle de négociations pour définir leur relation future, mais la crise du coronavirus fait planer la menace d’un report.

Selon les prévisions officielles, publiées par l’organisme OBR, la croissance britannique devrait être de 1,1 % en 2020 et 1,8 % en 2021. Mais ces estimations ne tiennent pas compte de la totalité du choc représenté par l’épidémie, a prévenu le ministre. D’autant que l’OBR écrit dans son rapport mercredi qu’une « récession cette année est très possible si le coronavirus entraîne des perturbations vastes de l’économie ».

M. Sunak a également rappelé que son budget répondait aux promesses du premier ministre. Boris Johnson s’était engagé à investir dans les régions, l’entretien des routes, le haut débit, la protection contre les inondations, la santé ou l’éducation, afin de tourner la page de l’austérité et de satisfaire son électorat, dont beaucoup d’anciens bastions travaillistes au nord et au centre de l’Angleterre.

Cette avalanche de dépenses va se faire au prix d’une aggravation du déficit public et d’un bond de la dette dans les années qui viennent, prévient toutefois l’OBR, expliquant que c’est le plan de soutien budgétaire le plus dispendieux depuis 1992.

Le gouvernement se targue, quant à lui, d’avoir limité le déficit ces dernières années, ce qui lui donne des marges de manœuvre, sans compter qu’il peut emprunter à taux bas.

Le budget, salué par le patronat, « semble mettre fin à des décennies d’orthodoxie des conservateurs et, au passage, chasse sur les terres du Labour, avec des dépenses budgétaires importantes », note Michael Hewson, analyste chez CMC Markets.

La publication de la stratégie pour les infrastructures promise par Boris Johnson a par ailleurs été repoussée, même si M. Sunak a confirmé que plus de 600 milliards de livres seraient dépensés au total au cours des cinq prochaines années.

Action concertée

Ces mesures, notamment sur les transports, doivent aider le pays à respecter son objectif de neutralité carbone d’ici 2050.

Le leader de l’opposition, le travailliste Jeremy Corbyn, a salué les mesures contre le coronavirus, mais estimé que le budget « ne fait rien pour réparer les dégâts » de l’austérité.

M. Sunak s’exprimait quelques heures après la décision surprise de la Banque d’Angleterre de baisser ses taux de 0,75 % à 0,25 % face au « choc » de l’épidémie de coronavirus, dans une action concertée avec le gouvernement.

Se voulant rassurant, le gouverneur Mark Carney, qui tire sa révérence en fin de semaine, a assuré que l’institution se tenait prête à « prendre toutes les autres mesures nécessaires ».

Cette intervention d’urgence survient alors que la croissance britannique est ressortie nulle sur les trois mois achevés fin janvier, comme au quatrième trimestre, avant même l’entrée en vigueur du Brexit et l’arrivée de la crise du COVID-19.