(Toronto) L’écart entre les prix du cannabis légal et illégal au pays s’est accru au quatrième trimestre de l’année dernière, ce qui fait dire à certains experts que l’industrie devrait porter une attention particulière aux prix de ses produits cette année.

Le prix moyen du cannabis légal est passé à 10,30 $ le gramme entre octobre et décembre 2019, comparativement à 9,69 $ le gramme un an plus tôt, a indiqué jeudi Statistique Canada.

Pendant ce temps, le prix moyen du cannabis illégal est tombé à 5,73 $ le gramme au cours du quatrième trimestre, contre 6,44 $ le gramme un an plus tôt. Le prix moyen global du cannabis est ainsi passé à 7,50 $ le gramme entre octobre et décembre 2019, une augmentation par rapport à 7,46 $ le gramme un an plus tôt.

Statistique Canada appuie ses conclusions sur les devis recueillis à l’aide de son application d’approche participative StatsCannabis entre le 1er octobre et le 31 décembre. Sur 291 soumissions de prix, 248 ont été jugées plausibles, a expliqué l’agence.

L’industrie cherche à éliminer l’influence du marché noir du cannabis — l’une des principales raisons pour lesquelles le pays a choisi de légaliser le cannabis récréatif en octobre 2018. Ses efforts ont cependant été entravés par des contraintes d’approvisionnement et, dans certaines régions, un manque de magasins physiques, réduisant l’accès pour ceux qui ne veulent pas ou peu susceptibles d’acheter la drogue en ligne.

« Le prix du cannabis légal est beaucoup plus élevé que celui du marché noir depuis le premier jour de la légalisation », a souligné Michael Armstrong, professeur agrégé à la Goodman School of Business de l’Université Brock, en Ontario.

« Je pense que pour n’importe lequel des producteurs du marché de masse, (le prix) doit être l’objectif pour cette année, s’il ne l’est pas déjà. »

Dans le but de nuire au marché noir, le producteur autorisé Hexo a déployé en octobre Original Stash, un produit de 28 grammes offert dans les magasins de cannabis du Québec pour 125,70 $ taxes incluses, ou 4,49 $ par gramme.

À l’époque, le chef de la direction d’Hexo, Sébastien St-Louis, a expliqué que son entreprise était en mesure de l’offrir à ce prix pour diverses raisons, comme la quantité moindre d’emballages en plastique requise pour le produit de plus grande taille, l’augmentation de l’échelle de production et la faiblesse des coûts d’électricité au Québec.

Lorsque M. Armstrong a récemment consulté le site web de la Société ontarienne du cannabis, il a repéré quelques produits offerts à 5 $ ou 6 $ le gramme, mais a constaté que ceux-ci étaient « toujours minoritaires ».

Les prix sont par ailleurs très différents d’une région du pays à l’autre.

Selon les données de Statistique Canada, le Québec affiche le prix légal du cannabis le plus bas au Canada, à 7,88 $ le gramme, a précisé l’agence, et l’Ontario, le prix du cannabis illégal le plus élevé, avec une moyenne de 6,21 $ le gramme.

Pendant ce temps, le Nouveau-Brunswick montrait le prix le plus bas du cannabis illégal, à une moyenne de 4,90 $ par gramme, mais aussi le prix le plus élevé pour le cannabis légal, à 11,36 $ par gramme.

L’avantage concurrentiel du marché noir

Il peut être difficile de réduire le prix du cannabis légal pour égaler les taux illégaux, mais c’est possible, a estimé M. Armstrong. Les serres qui cultivent du cannabis sont exigeantes en main-d’œuvre, car elles nécessitent souvent le déplacement, la taille et la récolte des plantes, mais l’automatisation et l’amélioration des plans d’étage peuvent aider.

Les grossistes et les détaillants provinciaux ont aussi du pain sur la planche.

« Pendant la première année, l’efficacité n’était pas vraiment un gros problème parce qu’il y avait une pénurie de produits, alors il était possible de vendre au prix de 10 $ et vider ses stocks […], mais à l’avenir, le prix va être un problème », a souligné M. Armstrong.

Omar Khan, chef de file national du secteur du cannabis chez Hill+Knowlton Strategies, a indiqué dans un courriel qu’une grande partie du travail que l’industrie doit faire était motivée par deux facteurs.

Le marché noir ne connaît aucun coût lié à la surveillance réglementaire et il place « délibérément » ses prix plus bas pour conserver sa part du marché.

« Ceci, jumelé à sa capacité à offrir une plus grande variété de produits et à la lenteur du déploiement des magasins autorisés au Canada, lui donne un avantage concurrentiel par rapport au marché légal », a-t-il expliqué.

M. Khan a également observé que les producteurs autorisés voient leurs marges réduites par les taxes d’accise et de vente, ce qui les pousse à fixer des prix de gros plus élevés pour maintenir leur rentabilité.

« Les données d’aujourd’hui montrent que l’objectif politique déclaré des gouvernements fédéral et provinciaux (de s’attaquer) au marché illicite n’est tout simplement pas atteint », a-t-il affirmé.

« Tous les niveaux de gouvernement doivent examiner sérieusement quels leviers politiques peuvent être déployés pour réduire les charges réglementaires inutiles, afin que les détaillants et les producteurs autorisés puissent concurrencer efficacement ceux qui choisissent de mener leurs activités en dehors de la loi. »