Bien que les 1125 débardeurs du port de Montréal aient voté à la quasi-unanimité en faveur d'une grève générale illimitée en décembre dernier, leur débrayage ne pourra avoir lieu avant plusieurs mois encore, tant les procédures s'étirent pour déterminer les services essentiels.

La grève ne peut être exercée tant que le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) - un tribunal quasi judiciaire de compétence fédérale - n'a pas statué sur les services essentiels à maintenir.

Ces audiences pour déterminer les services essentiels avaient commencé le 4 février. Or, d'autres dates d'audiences ont été arrêtées çà et là jusqu'au 28 juin, a-t-on indiqué au CCRI.

« Une vraie farce »

L'Association des employeurs maritimes, qui regroupe les employeurs des débardeurs, a assigné pas moins de 29 témoins, uniquement pour discuter des services essentiels à maintenir, s'est insurgé en entrevue avec La Presse canadienne Michel Murray, conseiller syndical au Syndicat canadien de la fonction publique. Le SCFP, affilié à la FTQ, représente les 1125 débardeurs du port de Montréal.

« La stratégie patronale, avec leur pléiade d'avocats qu'ils ont sur place, est à l'effet de retarder au maximum à la fois les audiences et, par conséquent, une décision sur les services essentiels. C'est une vraie farce », s'est exclamé M. Murray.

Il affirme qu'alors que les dispositions sur les services essentiels prévoient qu'il doit y avoir un danger imminent pour la population, les employeurs ont assigné comme témoins des représentants d'une compagnie de sucre, par exemple.

« Éviter une crise majeure »

L'Association des employeurs maritimes, de son côté, a fait valoir que le syndicat lui aussi a assigné six témoins et qu'il est donc tout aussi responsable des délais.

L'association patronale ajoute également que ses représentants sont disponibles, contrairement à ce qu'affirme le syndicat, et que s'ils ne sont pas au CCRI, ils se trouvent à la table de négociation. « Nous négocions aujourd'hui avec le syndicat des débardeurs et nous sommes disponibles sept jours sur sept pour négocier afin d'éviter une crise majeure », a-t-elle fait savoir.

L'Association des employeurs maritimes a demandé qu'advenant le déclenchement d'une grève des débardeurs, toutes les tâches qu'ils exécutent soient considérées comme des services essentiels, donc maintenues.

Les négociations

Entre-temps, les négociations se poursuivent entre les parties. « Ça avance au train normal », a jugé M. Murray.

Il rapporte néanmoins que les débardeurs sont frustrés, parce que plusieurs concessions leur avaient été imposées à l'époque du gouvernement conservateur de Stephen Harper. Or, aujourd'hui, l'activité économique est florissante et le port de Montréal est prospère.

Les débardeurs souhaitent donc récupérer ces concessions passées, ce qui signifie des augmentations de salaire, des améliorations aux conditions de travail et aux horaires. « On veut que nos membres puissent bénéficier de la prospérité du port de Montréal. Quand ça allait mal, ils nous ont demandé des concessions. Présentement, ça n'a jamais été aussi bien que ça. Alors c'est sûr et certain qu'on va aller chercher le maximum pour les débardeurs qu'on représente en termes de conditions de travail. Ça, c'est sûr et certain », s'est exclamé M. Murray.

Puisque le mandat de grève date du 16 décembre dernier, le syndicat devra éventuellement redemander à ses membres de lui accorder un mandat de grève, à cause du délai qui s'est écoulé depuis. Mais M. Murray ne doute pas de la volonté renouvelée de ses membres, compte tenu de leur frustration et du fait que le premier mandat avait été accordé dans une proportion de 99,5 %.