(Ottawa) La Banque du Canada a maintenu son taux directeur à son niveau actuel, mercredi, ce qui fait du pays une exception alors que d’autres banques centrales ont déjà commencé à réagir face à la détérioration des conditions économiques mondiales.

Dans son explication, la banque centrale a affirmé que l’inflation était conforme à son objectif et que l’économie nationale avait bien résisté à de nombreux égards, même si elle subissait les effets négatifs du ralentissement de la croissance mondiale.

« Nous ne sommes pas une île, nous ne sommes pas à l’abri de ces développements mondiaux — mais nous pensons être en mesure de faire face à tout ce qui nous attend, sachant que l’inflation est conforme à notre objectif et que le chômage est près d’un creux historique », a affirmé le gouverneur Stephen Poloz lors d’une conférence de presse à Ottawa.

« Les personnes en bonne santé tombent toujours malades, mais elles se rétablissent plus rapidement lorsque cela survient et, selon moi, l’économie canadienne est globalement dans cette situation. »

M. Poloz a ajouté que son conseil de direction s’attendait à ce que la résilience de l’économie canadienne soit « de plus en plus mise à l’épreuve » en raison des conflits commerciaux et des incertitudes persistantes. Dans les prochains mois, la banque surveillera dans quelle mesure le ralentissement mondial s’étendra au-delà du secteur de la fabrication et des investissements, a-t-il ajouté.

Une exception dans le monde

La décision de maintenir le taux directeur à 1,75 % était largement attendue par les marchés. Il se trouve à ce niveau depuis un peu plus d’un an.

Avec ce statu quo, la Banque du Canada se distingue des banques centrales d’autres pays. Elle a reconnu mercredi que des dizaines de responsables politiques du monde entier avaient pris des mesures pour amortir le choc de l’affaiblissement de l’économie mondiale.

Depuis la publication de sa dernière mise à jour trimestrielle en juillet, la banque a indiqué que plus de 35 banques centrales des économies avancées et émergentes avaient assoupli leur politique monétaire pour affronter la baisse de la croissance et la faiblesse de la situation inflationniste dans leur pays.

« Un nombre grandissant de pays ont réagi en prenant des mesures de politique monétaire et d’autres mesures pour soutenir leur économie », a affirmé la banque dans un communiqué.

Mercredi après-midi, la Réserve fédérale américaine a abaissé ses taux d’intérêt pour la troisième fois depuis le début de l’année, une décision qui laisse le Canada avec le taux le plus élevé du monde industrialisé, selon les experts. La Fed, qui a abaissé son taux pour soutenir l’expansion économique américaine, a maintenant un taux directeur compris entre 1,50 % et 1,75 %, ce qui le ramène sous le taux de la Banque du Canada.

Le fait que la Banque du Canada devienne un cas particulier va probablement accroître la pression sur M. Poloz pour qu’il ajuste son taux directeur au cours des prochains mois.

Pour éclairer ses décisions futures, la banque centrale a annoncé qu’elle surveillerait toute modification aux sources de vigueur de l’économie du Canada, notamment en ce qui a trait aux dépenses de consommation et aux marchés de l’habitation.

Elle prévoit également de surveiller l’éventuel déploiement du soutien fiscal du gouvernement fédéral, ainsi que son calendrier. La récente campagne électorale a vu des promesses de réduction d’impôts de plusieurs milliards de dollars, susceptibles de soutenir la relance de l’économie.

Un soutien budgétaire donnerait également une marge de manœuvre à la banque centrale. Toute réduction des taux d’intérêt risquerait d’alimenter l’endettement des Canadiens, qui se situe déjà à un niveau record.

Depuis l’été, la banque a indiqué que les perspectives mondiales continuaient de se dégrader, ce qui a freiné les investissements des entreprises, la croissance et le commerce. La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine et ses retombées mondiales ont été le principal facteur à l’origine du ralentissement.

Mise à jour des prévisions

Dans un rapport distinct publié mercredi, la banque centrale prévoyait que la croissance mondiale en 2019 glisserait à son plus bas niveau depuis la crise financière.

Elle a également dévoilé mercredi une mise à jour de ses prévisions nationales, afin de refléter l’évolution de la situation depuis ses prévisions de juillet.

Après une croissance inattendue du Canada au deuxième trimestre, au taux annuel de 3,7 %, la banque prévoit une croissance à un rythme annuel de seulement 1,3 % pour chacun des deux derniers trimestres de 2019.

Pour 2019, la banque vise une croissance de 1,5 %, en hausse par rapport à sa prévision de 1,3 % de juillet. La banque prévoit également une croissance de 1,7 % pour 2020, contre 1,9 % précédemment, et de 1,8 % en 2021, par rapport à sa prévision précédente de 2,0 %.

La banque note que l’économie nationale a bien résisté dans de nombreux domaines : l’emploi est resté vigoureux, les salaires ont progressé dans certaines régions et l’activité de logement a progressé sur la plupart des marchés. Sur l’horizon de ses projections, la banque prédit que l’inflation restera proche de la cible idéale de 2,0 %, à l’exception d’un repli temporaire prévu en 2020 en raison de l’effet décroissant de la flambée des prix de l’énergie survenue plus tôt.