(Ottawa) Le gouvernement libéral prévoit toucher 500 millions par année grâce au pipeline Trans Mountain élargi et promet de tout investir dans des sources d’énergie plus propres et des projets qui retirent le carbone de l’atmosphère.

Le ministre des Finances, Bill Morneau, a déclaré cette semaine à La Presse canadienne que le gouvernement libéral minoritaire n’était pas disposé à négocier avec les autres partis fédéraux à propos de l’élargissement de l’oléoduc. Au contraire, a-t-il déclaré, il s’agit d’un élément crucial du casse-tête du financement de la transition du Canada vers une économie basée sur l’énergie propre.

« Nous l’avons acheté pour une raison, a déclaré M. Morneau. Nous voyons maintenant comment cela peut nous aider à accélérer notre transition vers les énergies propres en intégrant les revenus que nous en tirerons dans cette transition. Nous pensons que c’est la meilleure façon de progresser dans notre contexte actuel. »

Le gouvernement libéral a acheté le pipeline existant pour 4,5 milliards en 2018, afin de surmonter l’opposition du gouvernement de la Colombie-Britannique à l’expansion.

Sur le plan fédéral, les deux partis ayant le plus de points communs avec les libéraux en matière de changement climatique estiment que l’expansion devrait être annulée.

M. Morneau a déclaré que les travaux sur le pipeline étaient en cours et que la décision d’aller de l’avant avait été prise, ce qui signifie qu’il n’y a vraiment aucun moyen de l’utiliser comme monnaie d’échange dans le gouvernement minoritaire.

« Mon attente est que nous ayons beaucoup de points communs avec les autres partis qui ont été élus », a indiqué M. Morneau.

« Nous rechercherons un consensus sur la manière dont nous pourrons avancer sur ce terrain d’entente. Ce projet a déjà été lancé. »

Les travaux d’élargissement devraient être terminés d’ici le milieu de 2022. La plateforme libérale prévoyait tirer des revenus de 125 millions de Trans Mountain Canada en 2021-2022, puis 500 millions lors de chacune des deux années suivantes.

M. Morneau a indiqué que le plan était d’éventuellement le revendre au secteur privé et que tous les revenus de la vente iraient ensuite au développement d’énergie propre et à d’autres projets d’action liés au changement climatique.

La seule promesse spécifique faite par les libéraux concernant les revenus du pipeline a été un fonds annuel de 300 millions pour des solutions climatiques naturelles, notamment la plantation d’arbres, ainsi que la conservation et la restauration des forêts, des prairies, des terres agricoles et des zones côtières.

Les travaux sur l’oléoduc ont été suspendus en septembre 2018, la Cour d’appel fédérale ayant annulé l’approbation fédérale, citant l’insuffisance des consultations sur l’environnement et avec les peuples autochtones.

Le cabinet a entrepris de nouvelles séries de négociations et a approuvé le projet d’expansion une deuxième fois en juin.

La construction du pipeline a ensuite repris en août, en commençant par les terminaux maritimes en Colombie-Britannique et les stations de pompage en Alberta. Les 50 premiers kilomètres d’oléoduc commenceront bientôt à être installés dans la région d’Edmonton, a déclaré mercredi un porte-parole de Trans Mountain Canada.

Jusqu’à présent, plus de 2200 travailleurs ont été embauchés.

Le pipeline relie un terminal situé à l’est d’Edmonton à un terminal maritime à Burnaby, en Colombie-Britannique. L’expansion verra la construction d’un deuxième pipeline presque parallèle au premier, capable de transporter près de deux fois plus de pétrole brut chaque jour.

Une nouvelle contestation devant la Cour fédérale est toutefois en cours de la part des communautés autochtones.

Divisions au sein de la gauche

Au niveau fédéral, le Nouveau Parti démocratique, le Bloc québécois et le Parti vert — qui ont le plus en commun avec les libéraux sur la lutte aux changements climatiques — pensent que l’expansion devrait être abandonnée. Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh l’a réitéré dans une déclaration jeudi qui relatait sa conversation téléphonique de la veille avec son homologue albertaine Rachel Notley.

« Mme Notley a réitéré son appui à l’expansion du pipeline de Trans Mountain et je lui ai dit que je continue de m’y opposer », a déclaré M. Singh, qui a cependant ajouté : « Bien que nous ne soyons pas d’accord sur l’expansion, nous partageons les mêmes préoccupations pour les travailleurs et travailleuses. »

Le NPD a assez de sièges pour soutenir les libéraux dans une situation de gouvernement minoritaire. Même si le chef du NPD fédéral souhaite plus d’action climatique, M. Singh n’a pas statué si l’annulation de Trans Mountain serait une condition sine qua non à son appui pour un vote de confiance.

Cette même ambiguïté s’est reflétée lors d’une conférence de presse de groupes environnementaux qui demandaient plus de garanties pour la protection de la nature, jeudi matin à Ottawa.

Questionnée au sujet de l’effet qu’aura Trans Mountain sur les espèces menacées, la directrice des campagnes de Nature Canada, Gauri Sreenivasan, a dénoncé l’« incohérence » dans la position libérale d’aller de l’avant dans son plan de lutte contre les changements climatiques tout en investissant dans les infrastructures pétrolières.

Sandra Schwartz, de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP), a rapidement pris ses distances de la position de sa collègue et a relaté qu’il y a « des différences d’opinions sur une variété de sujets » au sein du mouvement environnemental.

Le chapitre de SNAP en Colombie-Britannique avait pourtant exprimé par le passé des préoccupations quant à l’augmentation du trafic maritime en raison de l’expansion de l’oléoduc et son impact sur la population d’épaulards dans la mer des Salish. Mme Schwartz continue pourtant de dire que son organisation n’a pas de position officielle sur le sujet.

-Avec la collaboration de Catherine Lévesque