(Québec) Hydro-Québec proposera des pistes de solution pour retourner les trop-perçus passés et futurs, mais il reviendra au gouvernement Legault de faire ses choix, prévient le président-directeur général de la société d’État.

Et Éric Martel est clair : si l’on décide de réparer les erreurs du passé, ce qui était un cheval de bataille de la Coalition avenir Québec (CAQ) alors qu’elle était dans les banquettes de l’opposition, il y aura un impact dans les coffres du gouvernement.

« Ce n’est pas à Hydro-Québec de faire un chèque parce qu’on ne l’a plus cet argent-là, a-t-il expliqué lors d’un entretien exhaustif avec La Presse canadienne visant à faire le point sur la situation. Adresser le passé, c’est dans les bénéfices du gouvernement. »

Rencontré à son bureau de Montréal, il a décortiqué le débat des trop-perçus, un débat « populaire » à ses yeux, lancé en 2017 par la CAQ, et plus spécifiquement par la députée de Saint-Hyacinthe et ex-employée d’Hydro-Québec Chantal Soucy.

Vu d’Hydro-Québec, cet enjeu des plus complexes, qui représente un défi de communication majeur, a été exagérément simplifié, « très politisé » et entache désormais sa réputation. « Les gens pensent qu’on a volé, a-t-il lâché. Ça ne nous a pas aidés, parce que ça a créé la perception qu’Hydro-Québec gardait de l’argent et qu’on ne retournait pas ça. C’est dommage parce que c’est faux, on l’a toujours retourné. »

Les trop-perçus représentent l’écart entre le rendement autorisé par la Régie de l’énergie et le rendement réel réalisé par Hydro-Québec. Dans l’opposition, la CAQ avait exigé le remboursement complet des trop-perçus, estimant qu’ils correspondaient à une « taxe déguisée ». Une fois au pouvoir, elle n’en a rien fait.

Jusqu’en 2017, Hydro-Québec retournait les trop-perçus directement au gouvernement, tel qu’exigé par la loi. La formule a été revue par le gouvernement Couillard pour que 50 % des trop-perçus soient reversés aux abonnés. Ce sera dorénavant 100 %, a récemment annoncé le gouvernement caquiste, qui a fini par plier devant le tollé populaire.

Selon Éric Martel, la question n’est pas de retourner ou non les sommes versées en trop, elles ont toujours été retournées. Il s’agit plutôt de décider, en tant que société, comment on veut qu’elles soient retournées.

« Moi, à la fin, je vais appliquer ce que la loi va me dire de faire, a-t-il dit. Si la loi me dit de le mettre dans les bénéfices, on va le mettre dans les bénéfices, si la loi nous dit faites un chèque à tout le monde, on fera un chèque à tout le monde. »

Trop-perçus passés

Il affirme qu’Hydro-Québec et le ministère de l’Énergie sont à pied d’œuvre pour trouver une façon de rembourser les trop-perçus, y compris ceux du passé. La CAQ avait calculé qu’entre 2008 et 2016, les Québécois avaient payé 1,5 milliard de plus que ce qu’ils auraient dû sur leur facture d’électricité.

Rembourser le 1,5 milliard, « ça fait partie des réflexions qu’on a », a déclaré Éric Martel. Le premier ministre François Legault ne s’est jamais engagé à retourner ces trop-perçus passés aux Québécois.

L’idée serait peut-être en train de faire son chemin. « On est en train de regarder des mécanismes qui pourraient permettre de retourner […] ces écarts de rendement-là qui ont été perçus dans le passé ou qui seront perçus dans le futur, a renchéri M. Martel. Est-ce qu’on fait un chèque à chaque (client), on donne un crédit sur la facture à tout le monde, un crédit dans la base tarifaire pour réduire le coût du kilowattheure à tout le monde ? »

Des trois options, il privilégie la dernière, puisqu’elle est plus « simple ». Envoyer des chèques de 15 $ à tous les clients d’Hydro-Québec pourrait coûter plus cher que ce que le gouvernement souhaite rembourser, prévient-il.

« Il n’y a jamais de système parfait. […] Il y a des gens qui vont peut-être dire que c’était mieux comme c’était avant, ça ne me donne rien de recevoir un chèque de 15 $ par année. »

D’une façon ou d’une autre, ce sera au gouvernement, et non à Hydro-Québec, de faire ses choix, a-t-il rappelé. Il a également mis en garde les caquistes contre le danger de demander un trop grand effort à Hydro-Québec. Plus de 70 % de ses équipements ont passé la moitié de leur vie utile, souligne-t-il.

« Il faut faire attention de ne pas brimer la qualité du service qu’on rend aux Québécois. Ça peut être facile de couper juste pour couper, mais après ça on peut avoir des conséquences de ça. Il faut juste s’assurer de bien maintenir les centaines de milliers d’équipements qu’on doit maintenir », a-t-il déclaré en ajoutant que c’était pour lui « non négociable ».