(Bruxelles) L’Union européenne et le Canada ont jugé mercredi « regrettable » dans une déclaration commune la décision des États-Unis de permettre des actions en justice contre les entreprises étrangères présentes à Cuba.

« La décision des États-Unis […] aura un impact important sur les opérateurs économiques de l’UE et du Canada à Cuba […] et ne peut que mener à une spirale inutile de poursuites judiciaires », ont déclaré la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström, la chef de la diplomatie de l’UE Federica Mogherini et la ministre des Affaires étrangères du Canada Chrystia Freeland.

« Nous sommes déterminés à travailler ensemble pour protéger les intérêts de nos entreprises dans le cadre de l’OMC (Organisation mondiale du Commerce) et en interdisant l’exécution ou la reconnaissance des jugements étrangers […] tant dans l’UE qu’au Canada », ont annoncé les Européens et les Canadiens.

« Nos lois respectives permettent que toute réclamation américaine soit suivie de demandes reconventionnelles devant les tribunaux européens et canadiens », ont-ils fait valoir.

« Nous nous opposons fermement » à cette décision et « appelons les États-Unis à revoir leur position », a également affirmé le ministre français de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, dans une réaction transmise à l’AFP.

« L’application extraterritoriale de ces mesures unilatérales est inacceptable », a-t-il ajouté en se disant prêt à « utiliser tous les outils » à sa disposition, « y compris un recours devant l’OMC ».

Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a annoncé mercredi que Washington ouvrirait à partir du 2 mai la voie à des milliers d’actions en justice contre des entreprises étrangères présentes à Cuba, malgré les avertissements de l’Union européenne qui a menacé de représailles.

Son adjointe Kimberly Breier a toutefois assuré que « la majorité des entreprises européennes ne ser(aie)nt pas inquiétées », car elles n’utilisent pas des bâtiments ou des biens nationalisés après la révolution de 1959 dans l’île des Caraïbes.

Le chapitre III de la loi Helms-Burton adoptée par les États-Unis en 1996 permet aux exilés cubains de poursuivre devant les tribunaux fédéraux américains les entreprises qui ont réalisé des gains grâce à des sociétés nationalisées après 1959.  

Cette disposition avait été systématiquement suspendue depuis son adoption par les présidents américains, depuis Bill Clinton, pour justement ne pas froisser les alliés internationaux des États-Unis.

La décision du président Donald Trump de la réactiver risque de compliquer la recherche par les Européens de solutions négociées à leurs différends commerciaux avec Washington, notamment les contentieux sur les subventions accordées aux constructeurs Boeing et Airbus et celui des taxes sur les importations d’acier et d’aluminium européen.

« Ce n’est pas bon », a confié à l’AFP un responsable européen. « Nous ne souhaitons pas une guerre commerciale, mais nous défendrons nos intérêts », a-t-il insisté.

L’Union européenne a approuvé lundi un mandat de négociation pour permettre à la Commission de négocier en son nom un accord commercial sectoriel limité aux biens industriels avec les États-Unis afin d’éviter la taxation des automobiles européennes.

L’agriculture a été exclue de ces négociations et « cela a été entendu par le président Donald Trump lors de sa rencontre avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker en juillet 2018 à Washington », a rappelé le responsable européen.

Les États-Unis refusent en effet d’accepter l’ouverture de leurs marchés publics et l’absence de toute concession avait fait échouer les négociations du projet de TTIP (Traité de libre échange transatlantique) en 2016.

« Si l’agriculture entrait dans le champ de la négociation avec Washington, l’accord recherché deviendrait global. Or l’UE ne peut pas négocier d’accord global avec des pays qui ne font pas parti à l’accord international sur le Climat conclu à Paris en 2015 et dont les États-Unis se sont retirés », a expliqué le responsable européen.