À une semaine du renouvellement des licences des chaînes de télé au pays, le président du CRTC Jean-Pierre Blais aimerait que les conglomérats médiatiques prennent plus de risques - autant dans le choix de séries à l'écran qui pourraient s'exporter que dans leur modèle d'affaires.

« Les entrepreneurs doivent prendre des risques. [...] La difficulté dans n'importe quelle industrie où on a des joueurs d'une certaine maturité : la tendance lourde est de continuer à faire ce qu'on faisait avant. L'ancien modèle était adéquat, donc on va continuer. Surtout pour les sociétés à capitalisation ouverte [les sociétés inscrites en Bourse] », dit Jean-Pierre Blais en entrevue à La Presse.

Le président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) s'est dit « déçu » et a eu « un choc » d'apprendre que Shomi, le service de visionnement en ligne de Rogers et Shaw, a été fermé en septembre dernier après seulement deux ans.

« Loin de moi l'idée de vouloir critiquer les décisions de gens d'affaires aguerris, mais je ne peux m'empêcher d'être surpris lorsque des joueurs importants jettent l'éponge par rapport à une plateforme qui représente l'avenir du contenu, seulement deux ans après son lancement. »

« Je me demande s'ils ne sont pas trop habitués à recevoir un loyer mensuel de leurs abonnés dans un écosystème protégé », a dit M. Blais hier lors d'un discours à Ottawa.

Au Québec, le président du CRTC note toutefois les « succès » de Tou.tv et Club illico, « très présents dans le marché ».

La fin des «ambitions de clocher» ?

Jean-Pierre Blais aimerait aussi des chaînes et des producteurs télé plus ambitieux à l'international. Dans son discours hier à Ottawa, le président du CRTC a critiqué les « ambitions de clocher » de certains producteurs canadiens, qui doivent « modifier leur approche afin de favoriser l'exploitation » des séries télé et des films canadiens. « Ils ont des ambitions de clocher alors qu'ils devraient avoir des visées planétaires », a-t-il dit.

«  [La télé francophone] est extrêmement populaire, mais il y a très peu de place pour une deuxième diffusion, c'est parfois du contenu qui parle tellement au marché local. Il faut penser dès le départ [à l'exportation] », dit Jean-Pierre Blais en entrevue à La Presse, donnant l'exemple du film québécois La grande séduction, « un thème universel, international » qui s'exporte bien.

La semaine prochaine, le CRTC tiendra des audiences sur le renouvellement des licences des chaînes télé francophone (les chaînes anglophones auront leurs audiences la semaine suivante). En changeant les règles du contenu canadien en 2015 - on misera maintenant sur les dépenses en contenu canadien plutôt que les heures de diffusion -, le CRTC espère avoir créé un environnement propice au développement de séries télé de plus grande envergure qui pourront mieux s'exporter.

« Nous ne voulons pas leur dire quoi faire [comme séries]. Nous connaissons l'environnement, tout le monde est d'accord que ça s'en va vers l'écoute en continu, que le marché international devient important, que les revenus publicitaires sont en décroissance, que les consommateurs de télé agissent différemment. Alors quelle est votre stratégie ? », explique Jean-Pierre Blais.

En 2015, le CRTC s'est doté d'une nouvelle politique misant sur un plancher de dépenses en contenu canadien plutôt qu'un nombre d'heures de diffusion. Les chaînes généralistes devront continuer à diffuser 50 % de contenu canadien aux heures de grande écoute (18 h-23 h), mais le quota pour l'ensemble de la journée (auparavant : 55 %) a été aboli. Cette nouvelle politique sera appliquée pour la première fois cet automne lors du renouvellement des licences télé.

Le CRTC a déjà indiqué aux chaînes de télé qu'il portera aussi une attention particulière à la diversité de leur programmation ainsi qu'à leurs nouvelles locales. La diffusion de nouvelles locales « est la première obligation du privilège » d'opérer une chaîne de télé généraliste, rappelle Jean-Pierre Blais. Même si « c'est la partie la plus dispendieuse » de ses activités, convient-il.