La fragilité de l'économie mondiale est revenue à l'avant-scène hier. Elle a mis en lumière que les mesures d'assouplissement extraordinaires annoncées par la Réserve fédérale (Fed) jeudi ne visaient pas à doper les marchés boursiers, mais à oxygéner une croissance à bout de souffle.

De ce côté-ci de l'Atlantique, l'indice Empire State publié hier montre que la production manufacturière a reculé dans les États de New York, du New Jersey et du Connecticut pour le deuxième mois d'affilée en septembre. L'indice cote à son niveau le plus faible depuis avril 2009, quand la Grande Récession s'approchait de son creux.

Cette faible activité est de bien mauvais augure pour les fournisseurs canadiens des manufacturiers américains, alors que notre balance commerciale a enregistré un déficit record durant juillet.

Hausse du huard

Le repli léger de notre monnaie par rapport au billet vert hier ne doit pas faire oublier que le huard a gagné plus de 4% d'équivalence sur le billet vert depuis janvier. En outre, les deux rondes précédentes d'assouplissement quantitatif lancées par la Fed, en 2008-2009 et en 2011, avaient aussi pour but non avoué de stimuler les exportations américaines en affaiblissant le billet vert.

Cela avait créé beaucoup de tension, au point où le Brésil avait parlé de guerre des monnaies. Hier, le pays de la samba, qui connaît aussi une grave baisse de tempo, a annoncé qu'il allait défendre un taux de change favorable à ses exportations par des mécanismes de contrôle des capitaux.

La Banque du Canada laisse flotter notre dollar depuis la crise du peso mexicain, il y aura bientôt 20 ans. Normalement, la faiblesse de nos exportations et le ralentissement économique chez leur principal débouché auraient dû le faire reculer bien en deçà de la parité.

C'est oublier cependant que le Canada fait partie du club sélect des sept pays (avec l'Australie, le Danemark, la Norvège, Singapour, la Suède et la Suisse) qui bénéficient de la meilleure note de crédit avec perspective stable. Les investisseurs sont donc friands des obligations canadiennes, ce qui crée de la demande pour le huard.

En juillet, ils en ont acquis pour 6,1 milliards, a révélé hier Statistique Canada. Depuis le début de l'année, ils en ont acheté pour 38,6 milliards, soit 12 milliards de plus que durant les sept premiers mois de 2011. Tant qu'ils en voudront, le huard restera dopé.

Zone euro

Outre-Atlantique, la crise sociale qui s'étend en Espagne a fait de nouveau grimper les taux obligataires du royaume bourbon. Le taux d'une obligation de 10 ans a atteint 6,0% hier à Londres. C'est un niveau qui ne s'était pas vu depuis le 6 septembre. Ce jour-là, la Banque centrale européenne avait annoncé sa volonté d'acheter des titres souverains sur le marché secondaire afin de faciliter la transmission de sa politique monétaire accommodante et de permettre ainsi à tous les membres de la zone euro d'emprunter à des taux acceptables.

S'en était suivi une baisse significative des taux obligataires de l'Italie et de l'Espagne, jusque-là pris d'assaut par les spéculateurs.

Le dollar américain, qui s'était affaibli dans la foulée de l'annonce de la Fed d'imprimer 40 milliards par mois pendant une durée illimitée pour soutenir le marché de l'habitation, a gagné un peu de terrain par rapport à la plupart des devises occidentales.

Cela pourrait être de courte durée. Il y a beaucoup moins de spéculateurs à parier sur l'éclatement de la zone euro, ce qui a pour effet de renforcer la monnaie unique. Selon l'agence Bloomberg, l'euro s'est apprécié contre chacune des 16 monnaies les plus importantes depuis la fin de juillet, malgré le marasme économique. Cette force relative pourrait d'ailleurs nuire à la relance de la zone.