Si le Québec était un pays membre à part entière de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), son produit intérieur brut (PIB) par habitant (une mesure commode de sa richesse) se classerait au 20e rang, loin derrière la neuvième place du Canada.

Il se classerait premier ou deuxième, cependant, selon les critères de l'OCDE pour mesurer le bien-être de ses habitants.

Telle est la conclusion étonnante de l'analyse faite par Luc Godbout et Marcelin Joanis, qui signent la première d'une douzaine de contributions, réalisées par une vingtaine de chercheurs rattachés au CIRANO, de 2011 Le Québec économique Un bilan de santé du Québec qui paraît aujourd'hui. «Au chapitre du bien-être de sa population, le Québec présente d'incontestables forces par rapport aux pays de l'OCDE: qualité du logement, compétences en lecture, état de santé, faible criminalité, etc.», écrivent-ils après avoir mesuré la vingtaine d'indicateurs qui cernent la notion de bien-être. Le Québec fait toutefois face à d'importants défis quant à sa capacité à maintenir ce niveau de bien-être, qui ne doivent pas être occultés.»

Comment y arriver? Par la croissance et la saine gestion des finances publiques. Or, le Québec est face à plusieurs défis économiques, souligne François Dupuis, économiste en chef chez Desjardins: population vieillissante, secteur manufacturier déclinant, déficit commercial qui se creuse et, surtout, faible productivité. Après les avoir analysés un à un, il reste optimiste. «La société québécoise dispose de toutes les ressources nécessaires pour y parvenir et ainsi saisir les nombreuses nouvelles occasions qui se présenteront à elle. Avons-nous vraiment le choix de ne pas en profiter?»

Le système de santé représente 12,6% de la taille de notre économie, soit 40 milliards, dont plus de 70% est assumé par l'État. Il y consacre près de la moitié de ses dépenses de programmes. Et tout cela augmente sans cesse.

Nous devons faire mieux avec chaque dollar investi, mais comment?

Selon Joanne Castonguay et Claude Montmarquette, dans un régime universel comme le nôtre, «la demande excède toujours l'offre et un sentiment de rationnement ou de pénurie existera toujours», car «il n'y a pas de signal de prix qui permette de déterminer à quel niveau de production l'offre et la demande seront en équilibre».

Ils préconisent de «redonner au patient sa capacité de décider» et privilégient une concurrence entre le public et le privé au sein même du système public.

Ils concluent par une mise en garde. «Si on veut un meilleur système de santé, il faudra être en mesure de le payer. Les semaines de moins de 30 heures de travail et la retraite à 60 ans ne sont pas compatibles avec une augmentation des dépenses publiques.»

D'autres chercheurs se penchent sur la promotion de la santé et la prévention en milieu de travail. Ils mettent en lumière les coûts de l'absentéisme, mais aussi ceux du présentéisme, c'est-à-dire des employés malades qui restent au travail sans pouvoir donner leur pleine mesure.

L'apport du privé peut faire l'affaire des employeurs et des employés, en réduisant le temps d'attente. Chacun mesure l'économie à faire entre la lente gratuité et le traitement rapide facturé.

On se penche aussi sur l'importance du médecin de famille pour le dépistage hâtif de certaines maladies. On étudie les modes de rémunération des médecins généralistes et spécialistes en les comparant à ce qui se fait ailleurs: un mode de rémunération mixte présente plusieurs avantages.

Wendy Thomson y va d'une audacieuse proposition de réforme. Elle pourfend l'approche bureaucratique actuelle qui dicte les réformes du haut vers la base. «Si une planification centralisée n'est pas parvenue à diriger la production de l'industrie légère, même à l'apogée du régime totalitaire de l'URSS, pourquoi faisons-nous confiance à ce type de planification pour anticiper et gérer la demande dans un système aussi complexe de services personnels que celui des soins de santé?»

En étant aussi efficace que les pays d'Europe de l'Ouest, le Canada pourrait économiser jusqu'à l'équivalent de 2,4% de son PIB en 2017, sans affecter la qualité des soins. «Il nous faut plutôt un système qui favorise le changement de la base vers le haut, de même que du haut vers la base, ou les responsabilités seront avant tout axées sur le patient et les systèmes de paiement dans un cadre réglementaire national», conclut-elle.

2011 Le Québec économique Un bilan de santé du Québec. Collectif sous la direction de Luc Godbout, Marcelin Joanis et Nathalie de Marcellis-Warin. CIRANO PUL. 436 pages.