La bonne vieille stratégie d'investissement du «Buy-and-Hold» en a pris pour son rhume avec la chute de 50% des Bourses. Dans un marché qui n'a jamais été aussi volatil, aussi casse-gueule, les investisseurs patients ont-ils encore raison de fixer l'horizon sans broncher?

La bonne vieille stratégie d'investissement du «Buy-and-Hold» en a pris pour son rhume avec la chute de 50% des Bourses. Dans un marché qui n'a jamais été aussi volatil, aussi casse-gueule, les investisseurs patients ont-ils encore raison de fixer l'horizon sans broncher?

Les investisseurs patients commencent à trouver le temps long, très long. Depuis le temps qu'on leur dit d'investir à la Bourse à long terme, qu'on leur répète que les actions ont rapporté le double des obligations depuis 100 ans (et c'est encore vrai!), qu'on leur conseille de se moquer des soubresauts des marchés.

Voilà que la stratégie du «Buy-and-Hold» est mise à rude épreuve, avec la baisse de 50% des Bourses depuis un an et demi. Même à plus long terme, la théorie a du plomb dans l'aile.

Au cours de la dernière décennie, les obligations ont battu les actions à plates coutures.

Les obligations du gouvernement américain de 10 ans ont fourni un rendement total de 118%, tandis que les actions américaines ont fondu de 13% (indice S&P 500, incluant dividende), calcule Martin Roberge, stratège quantitatif chez Valeurs mobilières Dundee.

Un différentiel de 131%! Ce n'est pas la première fois de l'histoire que les obligations sont gagnantes sur 10 ans. Mais à ce point-là, c'est du jamais vu. «C'est le pire cycle de 10 ans des 100 dernières années», dit-il.

Est-ce la preuve de l'échec de l'investissement à long terme? En tout cas, «le long terme a raccourci», avoue Stéphane Gagnon, vice-président, Gestionnaire de portefeuille senior, au Fonds des professionnels.

Tout va plus vite: la concurrence s'est accrue, les innovations s'enchaînent. Et cela se répercute à la Bourse, où les fonds spéculatifs ont instillé une culture du court terme, voire de l'instantané. Résultat: la volatilité n'a jamais été aussi intense. L'automne dernier, trois séances quotidiennes sur quatre se sont terminées avec une fluctuation de plus de 1%.

«Une journée à la Bourse, c'est devenu comme un mois avant!» lance François Bourdon, vice-président, chez Fiera Capital.

Temps durs pour les indices

Le «Buy-and-Hold» est-il mort? «Pour l'ensemble du marché, il y a de longues périodes où ça ne fonctionne pas», répond Jean-Paul Giacometti, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Claret.

Il rappelle que le Dow Jones, qui reflète la performance des 30 Blue Chips de la Bourse américaine, a déjà végété pendant 17 ans: «Entre le 31 décembre 1964 et le 31 décembre 1981, le Dow a gagné un seul point», dit-il.

En incluant les dividendes et en utilisant le S&P500, qui prend une mesure plus large de la Bourse américaine, les investisseurs ont tout de même obtenu plus de 5% de rendement sur cette période. Mais bon, ce n'est pas énorme.

Dans l'environnement actuel, l'approche indicielle passive n'est guère judicieuse, considère Martin Roberge. Le stratège croit que les indices boursiers vont osciller à l'intérieur d'une fourchette, sans vraiment prendre d'altitude, d'ici deux ans, peut-être davantage.

En fait, tant que les sociétés financières et les consommateurs n'auront pas assaini leur bilan, les marges de profit des entreprises resteront déprimées et leurs actions vivoteront.

«Le Buy-and-Hold n'aura pas le vent dans le dos», affirme M. Roberge. Selon lui, la pire stratégie en ce moment consiste à acheter un indice boursier reflétant l'ensemble de la Bourse, ou même de grands secteurs industriels.

Dans un climat économique difficile, le choix des bonnes entreprises fera la différence. Par exemple, les investisseurs devront départager les firmes qui ont un bilan solide de celles qui sont endettées, les firmes qui ont fixé à l'avance les prix de leur production de celles qui ne l'ont pas fait. Nous sommes à l'ère du cas par cas.

Des raisons de s'accrocher

Cela ne veut pas dire qu'on doit se détourner de la Bourse. Des raisons? D'abord, l'élastique est étiré en faveur des obligations. Les actions sont très bon marché. «Je ne serais pas surpris que la Bourse connaisse une violente hausse», prédit M. Giacometti.

Selon lui, il y a un plancher à la peur. Les ratios-cours bénéfices sont faibles. On trouve même des entreprises dont la valeur boursière s'approche du montant que l'entreprise a dans ces coffres.

De plus, si vous vendez maintenant, quand allez-vous réinvestir? Probablement plus haut, car il est très difficile d'entrer et de sortir de la Bourse au bon moment. Les investisseurs se trompent le plus souvent.

À preuve, la firme Dalbar a démontré que les détenteurs de fonds communs d'actions aux États-Unis n'ont obtenu que 4,5% de rendement depuis 20 ans (en date de la fin 2007). Il s'agit d'une sous-performance de 7% par rapport à l'indice S&P500, qui est largement attribuable à leurs entrées et sorties, au mauvais moment. D'ailleurs, les épargnants qui préconisent l'épargne systématique s'en sont beaucoup mieux tirés.

Le constat est le même au Canada. En 2008, pendant que la Bourse s'enfonçait, les détenteurs de fonds communs ont retiré une somme record de 14,2 milliards (excluant les fonds de marchés monétaires), selon l'Institut des fonds d'investissement du Canada. L'année précédente, alors que les indices étaient au zénith, ils avaient pompé 27 milliards. Mauvais timing!