Règle générale, la CSST impute à l'employeur les frais des prestations qu'elle verse à ses travailleurs malades ou accidentés. Dans certains cas, l'ensemble des patrons paient la facture.

Règle générale, la CSST impute à l'employeur les frais des prestations qu'elle verse à ses travailleurs malades ou accidentés. Dans certains cas, l'ensemble des patrons paient la facture.

En avril 2002, un travailleur se déchire un ligament au poignet gauche. Son médecin recommande une opération. L'intervention, prévue en août, est reportée en raison d'un manque d'équipement au Centre hospitalier de l'Université Laval. Elle a finalement lieu en juillet 2004.

L'employeur, Transport SAS Drummond, conteste la facture de la CSST devant la Commission des lésions professionnelles (CLP). En 2005, la CLP décide que tous les employeurs partageront les frais entre la date prévue pour l'opération et juillet 2004.

«Le commissaire Clément a jugé que les raisons du délai - le manque d'équipement et l'absence de transfert à un autre hôpital - constituaient des circonstances exceptionnelles qui se démarquaient des contraintes habituelles de quotas opératoires et de manque de personnel auxquelles font face les hôpitaux», résume Me Marie-André Miquelon, de la Société québécoise d'information juridique (SOQUIJ), dans un article de doctrine publié le 23 juillet.

Parmi les 11 décisions recensées par Me Miquelon, la CLP a rendu des verdicts similaires dans quatre cas et a décidé d'imputer en partie les frais à l'ensemble des employeurs dans deux autres.

La CLP a pris cette décision lorsque les délais étaient totalement indépendants de la volonté des employeurs ou quand le traitement avait été retardé parce que le travailleur n'avait pas sa carte d'assurance-maladie.

Par contre, la CLP a rejeté la contestation des employeurs lorsque les lourdeurs de la CSST ou du système de santé étaient responsables des retards.

Ainsi, l'employeur a dû supporter seul sept mois de prestations causés uniquement par l'absence d'une conseillère en réadaptation de la CSST.

«Il est vrai que l'employeur n'a pas de reproches à se faire et qu'il n'est pas responsable des problèmes administratifs de la CSST. Toutefois, les problèmes de personnel et d'assignation des dossiers au sein d'un organisme public font partie des aléas», a estimé la CLP.

Dans un autre demande rejetée par la CLP, le travailleur avait attendu près de deux ans avant d'être opéré. Un an plus tôt, la CSST avait refusé que l'intervention ait lieu dans une clinique privée, comme le souhaitait son employeur, la Ville de Montréal-Nord.

Me Miquelon résume: «La commissaire Couture convient que le délai d'attente pour la chirurgie a été très long et que, du fait même de ce délai, le temps de récupération a été très important.»

Elle précise: «Ce délai, même s'il est important - voire exorbitant - est le même pour tous et, en ce sens, on ne peut convenir que la situation vécue par l'employeur soit tellement inhabituelle que l'on puisse parler d'une situation injuste au sens de la Loi.»

Pointe de l'iceberg

Richard Goyette, directeur général adjoint de la FTQ-Construction et président du comité santé-sécurité de la FTQ, affirme que les litiges étudiés par Me Miquelon sont la pointe de l'iceberg.

«Dans les cas soumis, nous sommes devant des employeurs qui tentent, en contestant, d'être dispensés des coûts. Nous ne sommes pas en santé-sécurité. On est en gestion de budget», commente-t-il.

Selon le syndicaliste, les principes qui guident l'établissement des cotisations à la CSST ont créé une énorme machine de la contestation qui regroupe des experts en tous genres: médecins, spécialistes en relations du travail, avocats, mutuelles de prévention, etc.

«Le taux de cotisation de l'employeur augmente si les lésions et les maladies sont reconnues par la CSST. Une entreprise qui déclare tous ses accidents et fait de la prévention va payer plus cher que celle qui camoufle ou conteste», explique-t-il.

Au-delà des contestations de facture, ce sont les délais révélés par ces causes et les impacts sur la santé et la vie des travailleurs concernés qui soulèvent la colère de Richard Goyette.

«Ces causes révèlent la faillite du système. Tous ces travailleurs ont été en absence prolongée du travail pour des motifs qui n'ont rien à voir avec leur lésion ou leur maladie. Ces délais ont souvent comme conséquence d'augmenter la douleur», note pour sa part le Dr Patrick Goyette, professeur à la faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke.

Ce chirurgien-orthopédiste déplore également le fait que, faute de réels programmes de réadaptation ou de réintégration progressives au travail, des victimes d'accidents ou de maladie soient empêchées pendant des mois, voire des années, de jouer leur très précieux rôle de travailleurs dans notre société.