Le ministre du Développement économique, Raymond Bachand, s'envole ce matin pour Pékin. Quatorze entreprises et cinq agences gouvernementales l'accompagnent dans cette mission, la troisième des libéraux de Jean Charest en Chine.

Le ministre du Développement économique, Raymond Bachand, s'envole ce matin pour Pékin. Quatorze entreprises et cinq agences gouvernementales l'accompagnent dans cette mission, la troisième des libéraux de Jean Charest en Chine.

Modeste, la mission économique. Mais il faut savoir qu'au départ, ce n'en était pas une. Le ministre Bachand devait seulement se rendre à Dalian, une station balnéaire au nord-est de la Chine.

C'est là que les organisateurs du Forum économique mondial de Davos lancent un nouveau rendez-vous annuel, la «Rencontre des nouveaux champions». Plus de 1700 dirigeants venus de partout, dont 600 PDG, participeront à cette rencontre qui sera inaugurée par le premier ministre chinois, Wen Jiabao.

C'est une belle occasion pour les prospecteurs d'investissements de la Société générale de financement et d'Investissement Québec. D'autant que Montréal est mise en valeur comme l'une de neuf villes dites concurrentielles - elles ne sont que deux en Amérique du Nord, l'autre étant Houston.

Le ministre Bachand, aussi responsable de l'Innovation et de l'Exportation, a toutefois décidé d'étirer son séjour pour renouer avec les dirigeants chinois et pistonner des entreprises québécoises en quête d'alliances et de contrats en Chine.

La Presse a interviewé Raymond Bachand mercredi tandis qu'il rentrait en voiture de Québec.

Q Si vous pouviez réussir une seule chose lors de cette mission, ce serait quoi?

R Je vais reculer d'un cran. Ce n'est pas d'annoncer des «deals». Je trouve cela très artificiel quand tu connais comment cela se fait dans la vie. Ce n'est pas dans une réunion de 20 minutes que cela se conclut. D'ailleurs, 80% des MOU (ententes de principe) annoncées dans le passé ne se sont jamais faites.

Dans ce cas-ci, la priorité, c'est à la fois de rencontrer des investisseurs et d'aider nos entreprises à vendre en Chine. Pour cela, il faut planter dans la tête des participants gouvernementaux chinois à Pékin que le Québec est une terre d'opportunités avec des compagnies très solides.

Q Dans une ville comme Pékin où les délégations et les limousines se succèdent, comment le Québec peut-il se démarquer?

R On trouve notre place, car les Chinois remontent dans l'histoire. De Normand Bethune à Pierre Elliott Trudeau à la famille d'André Desmarais, il y a une continuité dans les missions du Québec. Cette continuité donne des ouvertures à nos compagnies.

Mais il faut être patient en Chine. Si Bombardier est devenu si important là-bas, c'est qu'elle a préparé le terrain pendant des années.

Q Lors de sa grande mission en Chine, à l'automne de 2005, Jean Charest avait eu des entretiens avec des industriels chinois qui songeaient sérieusement à investir au Québec. Le premier ministre anticipait des annonces. Or, depuis deux ans, rien ne s'est concrétisé. Pourquoi?

R Mon métier pendant 20 ans, cela a été le corporate development. Quand tu essayes d'attirer des investissements, c'est comme dans le capital de risque, c'est très long. Tu sèmes, tu sèmes. Et un jour, tu récoltes. Souvent, ce n'est même pas ce que tu visais initialement!

Q On a parfois l'impression que c'est une relation à sens unique: nous investissons en Chine, nous achetons des produits chinois...

R Les investissements chinois au Québec, ce n'est pas mon objectif numéro un. C'est un long shot. Ma priorité, c'est d'aider nos compagnies à percer ce marché gigantesque, car cela crée des jobs ici.

Q On entend souvent dire que les Québécois manquent d'intérêt envers la Chine. Qu'en pensez-vous?

R La plupart des grandes entreprises comprennent l'importance de la Chine. Toutes les compagnies doivent examiner leur chaîne de valeur. Pour les morceaux qui n'ont pas de valeur ajoutée, elles doivent faire des alliances (avec des partenaires chinois qui abaisseront leurs coûts), ce qui les renforcera.

Q La PME y est-elle aussi sensible?

R Par la force des choses, sinon elle mourra. On voit de plus en plus de compagnies qui ont de telles alliances: Louis Garneau, Poulies Maska, Ressorts Liberté...

À côté de cela, tu as l'entrepreneur qui n'a rien investi depuis cinq ans. Et qui me dit: «M. Bachand, je vais perdre avec les Chinois.» Notre défi, c'est de descendre l'innovation et la productivité dans la moyenne entreprise. On a encore du travail. Faut le faire par secteur industriel et par région.

Je rêve du jour - c'est méchant quand je dis cela - où l'entrepreneur qui n'a pas modernisé son usine sera gêné d'aller dans une réunion de la chambre de commerce.

Q Est-ce que les problèmes de contrôle de la qualité en Chine peuvent favoriser le Québec?

R Je distinguerais le secteur alimentaire des autres secteurs. Dans les autres secteurs, le contrôle de la qualité est un défi. Mais les grandes entreprises qui ont leur marque de commerce en jeu vont être les premières à refuser cela et à faire des rappels.

En agroalimentaire, il faut qu'il y ait une réflexion. Sans parler d'autarcie, il y aurait une sagesse à garder une certaine autosuffisance, ne fut-ce que parce qu'il existe des problèmes de sécurité comme la vache folle, le SRAS, etc.

Q Comment faire cela dans un contexte de production agricole à grande échelle où les petits producteurs peinent souvent à tirer leur épingle du jeu?

R On pourrait développer chez les Québécois une fierté, en favorisant l'achat chez les producteurs locaux et régionaux. Regardez les producteurs de fromage qui ont littéralement pris le marché. Le rapport qualité/prix est là.

Est-ce qu'on est capable de développer un étiquetage Made in Québec? Il faut développer cela, car ce n'est pas toujours facile pour le consommateur de s'y retrouver.

Q Nous avons un bel exemple de coopération entre Bombardier et des constructeurs chinois en aérospatiale. En même temps, les Chinois ont leurs ambitions dans cette industrie. Est-ce que cela vous inquiète?

R Non. C'est un marché gigantesque. On ne peut pas espérer que les Chinois ne veuillent pas bâtir leur propre base industrielle étant donné l'importance de leurs achats. J'ai confiance. Mais c'est une lutte perpétuelle, et personne ne te fera de cadeaux. Faut qu'on soit constamment en mouvement.