Québec, l'irréductible. La ville dont le parc immobilier sommeille à l'abri de l'investissement étranger. Vrai?

Québec, l'irréductible. La ville dont le parc immobilier sommeille à l'abri de l'investissement étranger. Vrai?

Faux ! Depuis cinq ans, le paysage de l'immobilier commercial a radicalement changé dans la Vieille Capitale. Un grand nombre d'immeubles à bureaux, commerciaux et industriels sont passés entre les mains de fonds de placements canadiens attirés par la bonne santé économique de Québec.

«Les acheteurs de l'extérieur paient de très, très, très gros prix», observe Steve Gilbert, directeur de la section régionale du Groupe Altus Helyar, qui a réalisé une étude du marché immobilier de la région de Québec.

«Même que les propriétaires locaux ne pensaient jamais vendre leur portefeuille à des prix comme ceux-là», ajoute-t-il.

D'ailleurs, en 2006 seulement, les entreprises cotées à la Bourse de Toronto ont réalisé des acquisitions de plus de 150 millions $ sur le marché de l'immobilier commercial de Québec.

«Ça engendre une nouvelle dynamique, explique Guillaume Neveu, directeur régional de l'Institut de développement urbain du Québec. Les anciens propriétaires locaux dégagent des capitaux (de leurs ventes). Ces gens-là ne resteront pas inactifs trop longtemps. Certains vont réinvestir dans le marché et lancer de nouveaux projets de développement.»

Même les grandes entreprises familiales toujours prospères – encore très nombreuses –n'échappent pas au changement. Cominar, qui possède le quart des immeubles commerciaux dans la région de Québec, est devenue société publique en 1998. Cette transformation a permis à l'entreprise dirigée par Michel Dallaire de garnir son portefeuille. D'ailleurs, elle pourrait bientôt acquérir la société Alexis Nihon, ce qui en ferait le propriétaire immobilier le plus important au Québec, avec 204 immeubles.

Un brin de mystère

Ouverte sur le monde, Québec demeure malgré tout mystérieuse. Présentement, le taux d'inoccupation des loyers commerciaux « s'élève » à 3,2 % dans les immeubles à bureaux et à 3,4 % dans les immeubles industriels. Un seuil historiquement bas. «Demain matin, si vous nous demandez un local de 25 000 pi2, il faut le construire», illustre Michel Dallaire. Pourtant — et étrangement —, le prix des loyers peine à monter.

«C'est le reflet d'un marché très conservateur, lance Jean Morency, pdg de SSQ Société immobilière. Les gens sont très prudents dans leurs investissements. Ils posent des gestes réfléchis.»

De son côté, Michel Dallaire estime que les loyers restent stables car la majorité des locataires sont de petites entreprises qui occupent en moyenne 3000 pi2 et qui n'ont pas toujours une grande capacité de payer.

La forte présence du gouvernement comme locataire explique aussi le bas prix des loyers, selon Guillaume Neveu et Steve Gilbert. À elle seule, la Société immobilière de Québec (SIQ) loue un espace de 4 900 000 pi2 dans la région de Québec, en plus d'être propriétaire de 6 000 000 de pi2. C'est 35 % de tout son parc immobilier : une plus grande part que Montréal (25,6 %). Cette omniprésence lui donne un fort pouvoir de négociation.

«On ne sait jamais quelle orientation le gouvernement va prendre, mentionne M. Gilbert. Vont-ils faire des coupures drastiques de postes ? Les propriétaires sont sur leurs gardes.»

Problème de visibilité

Malgré son développement, Québec est absente de la plupart des études des grandes firmes nationales de courtage en immobilier, ce qui la prive sans doute de nouvelles entreprises et de nouveaux investisseurs.

Pour illustrer le phénomène, Guillaume Neveu exhibe une étude pancanadienne de la firme J.J. Barnicke. En plus des métropoles, de petites villes telles Kingston, Waterloo, Saskatoon et Victoria sont bien en évidence. Mais Québec brille par son absence. « On essaie de renverser la tendance », insiste M. Neveu.

De l'action sur le boulevard Laurier

Malgré tout, certains secteurs sont dynamiques. Revitalisé, le quartier Saint-Roch a attiré de nombreux investisseurs. Deux fiducies de placement canadiennes, Whiterock et Allied Properties, ont récemment acquis des bâtiments du centre-ville.

Et le boulevard Laurier bourgeonne. Cominar a construit une tour adjacente à sa Place de la Cité. SSQ Immobilier vient d'inaugurer l'édifice Roland-Giroux — où siège Hydro-Québec — qui a pris la place de l'ancien bunker de Radio-Canada. Trois autres projets sont sur le point de voir le jour.

« C'est l'entrée de la ville, dit M. Morency pour expliquer l'effervescence près des centres commerciaux. Et il y a encore quelques espaces dans la trame qui permettent le développement. De plus, on sait que cette artère va rester importante pour Québec. »

Sur l'autre rive...

Rive-Nord et Rive-Sud, même combat ? Au fil des entrevues se dégage l'impression que le développement se fait plus facilement à Lévis, où les projets sont nombreux. Mais personne n'ose le confirmer clairement.

« Sur la Rive-Sud, il y a des choses qui se passent, dit quand même M. Neveu. Il y a une dynamique différente entre Québec et Lévis. La ville de Québec est mature, le développement immobilier est en grande partie complété. À Lévis, il y a encore de grands espaces à consolider. »

Cominar développe en ce moment une dizaine de projets sur la Rive-Nord et la Rive-Sud. Michel Dallaire préfère ne pas comparer l'une et l'autre, mais il estime toutefois que, dans les deux cas, « la fusion des villes a alourdi le processus ».