Si la hausse des prix du panier d’épicerie pousse les consommateurs à fréquenter davantage les magasins au rabais, les supermarchés bios Avril poursuivent leur expansion avec l’ouverture récente d’un 12e magasin à Repentigny et celle prochaine d’une nouvelle enseigne dans Griffintown. À 68 et 70 ans, Sylvie Senay et Rolland Tanguay, les fondateurs de la chaîne, sont encore loin de la retraite, trop occupés à bâtir un nouveau fleuron québécois.

Les deux adeptes de la saine alimentation et de l’exercice physique ont entrepris tardivement leur expérience dans le commerce des aliments bios lorsqu’ils ont racheté une petite épicerie de 1000 pieds carrés à Granby en 1995.

Sylvie Senay, qui travaillait jusque-là dans le secteur bancaire, avait pris une année sabbatique, alors que Rolland Tanguay, entrepreneur en construction, venait de prendre le virage santé. Après avoir épaulé sa conjointe les week-ends, il s’est joint à l’aventure à temps plein quatre ans plus tard.

Après deux agrandissements et le déménagement dans un local de 10 000 pieds carrés dans la rue Principale à Granby, Rolland Tanguay était mûr pour voir plus grand.

« Il m’a dit si on ne grandit pas, je prends ma retraite. On a alors ouvert un deuxième magasin à Longueuil en 2007 et on est maintenant rendu à 12. On a 10 sites potentiels où on devrait ouvrir de nouveaux magasins au cours des prochaines années », m’explique Sylvie Senay, attablée au bistro de l’épicerie Avril des Promenades St-Bruno.

La semaine précédente, le couple avait participé à l’inauguration d’un nouveau magasin Avril aux Galeries Rive-Nord de Repentigny dans l’ancien local qui abritait un Toys “R” Us.

« C’est une épicerie de 25 000 pieds carrés, ce qui est la taille moyenne de nos magasins si on fait exception de nos trois grands Avril à Laval, Saint-Bruno et Québec, qui font plus de 45 000 pieds, et notre petit magasin de Longueuil, qui fait 16 000 pieds carrés », précise Rolland Tanguay.

On retrouve dans chaque magasin Avril un Bistro, où on sert quotidiennement des repas bios aux clients. Le prêt-à-manger représente une part importante des revenus du groupe Avril, soit 30 % du volume de vente total.

« On est un peu modèle hybride restaurant-épicerie. On est rendu à 1200 employés au Québec, dont une centaine au siège social, 60 à notre cuisine centrale et 80 à notre entrepôt, qui sont tous situés à Granby. On a plus de 400 produits de marque maison », souligne Rolland Tanguay.

On favorise l’économie circulaire puisque 75 % de nos produits frais, légumes et fruits ou poulets bios proviennent du Québec. On est le plus gros acheteur de produits bios au Québec, ce qui nous permet d’avoir des prix compétitifs. Ce n’est pas vrai que le bio est toujours plus cher.

Sylvie Senay

Le groupe est également propriétaire d’une serre à Laval, où sont cultivées toutes les micropousses qui sont vendues dans les 12 magasins Avril. On a également aménagé une serre verticale à l’épicerie Avril de Saint-Bruno-de-Montarville, où poussent toutes les laitues qui sont vendues sur place au magasin.

Un marché de niche en expansion

Les deux entrepreneurs de l’alimentation ont entrepris en 2020 d’accélérer le rythme lorsqu’ils sont allés chercher un actionnaire de l’extérieur, alors que Capital Desjardins a pris une participation de 20 % dans l’entreprise.

« On commence l’aménagement d’un autre magasin dans Griffintown qui va ouvrir en mai prochain. On prévoit implanter deux nouveaux magasins par année. On veut aller du côté de Gatineau, Trois-Rivières, Drummondville et Saguenay. On reçoit des appels de consommateurs qui veulent un magasin près de chez eux », souligne Sylvie Senay.

La mode des magasins au rabais comme les Maxi et les Super C n’est pas une menace pour des épiceries de niche comme le sont les magasins bios Avril.

« Les médias n’arrêtent pas de dire que l’inflation pousse les consommateurs à choisir massivement les épiceries à escompte, mais nous, on enregistre chaque année une hausse de l’achalandage dans nos magasins comparables », relève Sylvie Senay.

Au rythme où Loblaws transforme ses supermarchés Provigo en magasins Maxi, Avril comptera bientôt plus de magasins de son enseigne au Québec que Provigo, croit d’ailleurs Rolland Tanguay.

« Chaque fois qu’un Provigo ferme pour se transformer, ça nous apporte de nouveaux clients qui cherchent de la qualité », poursuit l’entrepreneur.

Qu’est-ce qui les pousse ainsi à poursuivre le développement de l’enseigne Avril alors qu’ils pourraient commencer à prendre davantage de temps pour eux ?

« On est en train de bâtir un fleuron. Beaucoup d’entrepreneurs vendent leur entreprise à 50 ou 60 ans. Nous, on veut poursuivre l’expansion d’Avril. On ne s’occupe plus des opérations, on s’est entourés d’une équipe solide, ce qui nous permet que de nous concentrer seulement sur le développement », expose Rolland Tanguay.

« On travaille pour la santé des Québécois. On veut continuer comme Jean Coutu l’a fait, comme Couche-Tard ou Simons le font. On n’est pas pressés de vendre », ajoute Sylvie Senay.

À cet égard, Rolland Tanguay avoue qu’il n’est pas inquiet. Avril est le dernier acteur dans le secteur de l’épicerie au Québec et l’entreprise fait déjà l’objet de la convoitise des grandes enseignes, qui vont vouloir élargir leur offre, comme Sobeys l’a fait en rachetant de la faillite le groupe Rachelle-Béry.