Si l’explosion du nombre de travailleurs étrangers temporaires joue un rôle important pour combler des besoins du marché du travail, elle occasionne aussi des dommages collatéraux : le nombre d’employeurs qui ont commis des infractions dans le traitement de ces travailleurs explose aussi.

Le nombre d’entorses aux normes du travail est passé, au Québec, de 14 en 2022 à 111 en 2023. On observe également une très forte augmentation des lésions professionnelles, lesquelles ont triplé depuis 2018.

Ces données de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) montrent que la forte présence de travailleurs étrangers temporaires fait que le Québec se heurte à une réalité nouvelle, qui exige une plus grande vigilance et un ajustement des pratiques pour mieux encadrer et protéger cette population plus vulnérable.

C’est dans cet esprit que l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) a lancé une opération de sensibilisation auprès des employeurs et des organisations à la veille de l’été, où le nombre de ces travailleurs est en forte augmentation.

On voulait marquer l’ouverture de la saison, prendre cette opportunité pour rappeler aux employeurs qui font appel aux travailleurs étrangers temporaires les bonnes pratiques à mettre en place.

Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des CRHA

Selon les données du gouvernement fédéral, au moins 81 employeurs québécois ont reçu des constats d’infraction entre 2017 et 2023, que ce soit en raison des salaires, des conditions de travail ou encore de la non-correspondance entre les emplois et le contenu des offres d’emploi.

La hausse du nombre de constats d’infraction en matière de normes du travail s’explique, du moins en partie, par un effet arithmétique : la forte augmentation. Ceux dont il est question dans ces données sont surtout les titulaires de permis de travail délivrés en vertu du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), qui s’adresse principalement à des gens peu qualifiés. Ces travailleurs, qui sont en majorité titulaires de permis de travail fermés, liés à un employeur unique, restent souvent au Québec une partie de l’année.

Le secteur agricole est celui qui fait le plus appel aux travailleurs étrangers temporaires. Mais d’autres secteurs d’activité y recourent davantage depuis quelques années, notamment la restauration, la fabrication, la santé et les technologies de l’information.

Le nombre de titulaires de permis du PTET est passé de 17 660 en 2018 à 58 725 en 2023, selon les données fédérales.

Mais la présence de ces travailleurs a d’autres effets indirects, soulevés par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés ; le nombre de lésions professionnelles, par exemple, est passé de 1681 en 2019, l’année prépandémique, à 4391 en 2023.

Ces chiffres fournis par la CNESST portent sur l’ensemble des travailleurs. Mais il est difficile d’expliquer cette très forte augmentation autrement que par la présence de ces travailleurs étrangers, moins intégrés.

C’est d’ailleurs une hypothèse formulée par Manon Poirier. « Les lésions professionnelles, ça nous préoccupe toujours, et ça met en lumière la grande importance de former le travailleur étranger dès le départ. Il faut s’assurer que l’on comprend bien les règles de sécurité, les enjeux, et qu’on expose aux employés leurs droits », insiste-t-elle.