La magie de l’esprit humain est un spectacle en soi, une étincelle dans le dialogue qui fait jaillir des pensées, des inspirations et des idées, nourrissant ainsi les conversations les plus banales. Et voilà que je me surprends à espérer que l’intelligence artificielle, malgré ses avancées fulgurantes, ne parvienne jamais à égaler cette complexité.

Je préfère qu’elle demeure dans son domaine artificiel, précieuse pour nos sociétés, et nous laisse la richesse de notre intellect, essentielle à notre humanité.

Permettez-moi de vous conter l’histoire de Talos, ce colosse de bronze forgé sur ordre du roi Minos pour garder la Crète. Chaque jour, il en faisait trois fois le tour, veillant sur les frontières, éloignant les curieux. Aujourd’hui encore, on le cite comme le premier robot, grossière imitation de l’homme, mais rendant un service inestimable : nous libérer d’une tâche répétitive et parfois périlleuse.

De civilisation en civilisation, l’idée en arrière de Talos a évolué, devenant, en 1206, une merveille de robot musical sous les doigts de son concepteur Ismail al-Jazari, puis, à la fin du XVIIIsiècle, le fameux Turc mécanique, illusion d’un joueur d’échecs autonome cachant en réalité un grand maître. Une supercherie, certes, mais annonciatrice de ce que serait son avenir deux siècles plus tard.

Au fil du temps, Talos s’est dématérialisé, devenant d’abord une machine à calculer dans les mains de Charles Babbage, mathématicien, philosophe et ingénieur, puis un algorithme sous la plume d’Ada Lovelace, mathématicienne et écrivaine britannique. Son voyage l’a mené à se transformer en ordinateur numérique au cœur du XXsiècle, s’interrogeant alors sur sa propre intelligence. Alan Turing lui a offert une partie de la réponse avec son célèbre test, mettant Talos sur la voie de l’intelligence artificielle, un terme consacré par John McCarthy lors du projet de recherche d’été de Dartmouth.

Talos, revêtu d’un riche vocabulaire tel que « réseaux neuronaux » et « traitement du langage naturel », s’est paré des dernières tendances : « apprentissage par renforcement » et « apprentissage machine ». À l’ère du « big data », il semblait prêt à défier l’intelligence de ses créateurs.

Pourtant, la prétention de Talos a rencontré ses limites. Il n’avait pas saisi que la vie, loin de se résumer à des équations, se construit aussi à travers les rêves, l’imagination et les réactions spontanées.

Malgré son appétit de données, il ne pouvait égaler la vivacité et l’ingéniosité humaines, pourtant dotées d’imperfections, contrairement à lui soi-disant, mais qui sont autant de moteurs de vie.

Le Siècle des lumières, que Talos croyait révolu, a ressurgi avec force. Les idées de Voltaire, Rousseau, Montesquieu et Diderot, qui remettaient en question les fondements de la société de leur temps, ont inspiré un renouveau, plaçant la tolérance et le progrès au cœur des préoccupations.

Talos a fini par comprendre sa véritable place : servir l’humanité, et non pas chercher à tout contrôler ou à s’approprier toutes les richesses. Il s’est alors vêtu des atours de la démocratie, de l’environnement et de l’éthique, reconnaissant que le Siècle des lumières, toujours en quête de progrès scientifique et économique, poursuivrait sinon son chemin sans lui. Pour Talos, un long et rigoureux hiver s’annonçait alors… pour le grand bonheur de nos sociétés et de celles à venir.