Le financement des énergies fossiles par les grandes banques canadiennes a atteint plus de 140 milliards de dollars en 2023, accaparant une part croissante de ce secteur que les scientifiques appellent plutôt à abandonner pour freiner le réchauffement climatique, révèle le rapport Banking on Climate Chaos (« Miser sur le chaos climatique »), publié ce lundi.

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Cinq banques canadiennes figurent dans la liste des plus grands bailleurs de fonds des projets d’énergies fossiles, en 2023. La Banque Royale du Canada (RBC) mène le bal avec 38,6 milliards de dollars, ce qui la place au 7rang mondial.

15 % du total mondial

Cinq banques canadiennes figurent dans la liste des plus grands bailleurs de fonds des projets d’énergies fossiles, en 2023, pour un total de 142 milliards de dollars. Cette somme représente près de 15 % du total de 962 milliards des 60 plus grandes banques du monde. La Banque Royale du Canada (RBC) mène le bal avec 38,6 milliards de dollars, ce qui la place au 7rang mondial. Depuis l’Accord de Paris sur le climat, en 2015, les engagements financiers de la RBC dans les énergies fossiles totalisent 350,6 milliards de dollars.

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Les banques canadiennes figurent aussi parmi celles qui consacrent la plus grande part de leurs engagements financiers aux énergies fossiles. La Banque Scotia arrive au 2rang mondial.

Financement disproportionné

Les banques canadiennes figurent aussi parmi celles qui consacrent la plus grande part de leurs engagements financiers aux énergies fossiles. La Banque Scotia arrive au 2rang mondial, avec 2,33 % de ses actifs consacrés aux hydrocarbures, tout juste devant la Banque impériale de commerce du Canada (CIBC), à 2,24 %. La Banque de Montréal (BMO) et la RBC arrivent ex æquo au 7rang mondial, avec 1,83 %. La Banque Scotia et la RBC font par ailleurs partie des 10 banques accordant le plus de financement aux projets d’expansion des énergies fossiles, souligne le rapport.

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Les banques canadiennes ont financé 49 % des 6 milliards de dollars versés en 2023 aux 36 entreprises des sables bitumineux les plus importantes, un secteur dans lequel les autres banques du monde ont diminué leurs investissements, note le rapport.

Sables bitumineux

Les banques canadiennes ont financé 49 % des 6 milliards de dollars versés en 2023 aux 36 entreprises des sables bitumineux les plus importantes, un secteur dans lequel les autres banques du monde ont diminué leurs investissements, note le rapport. Ailleurs dans le monde, c’est le financement de projets de gaz naturel liquéfié (GNL) qui gagne en importance. L’industrie présente le gaz comme une énergie de transition, alors que « d’un point de vue climatique, ce gaz provient principalement de la fracturation hydraulique, ce qui le rend presque aussi [nuisible] que le charbon sur l’ensemble du cycle de vie », déplore Patrick Bonin, de Greenpeace Canada, qui soutient le rapport.

Baisse mondiale… insuffisante

Le financement total des énergies fossiles par les 60 plus grandes banques du monde s’est élevé à 965 milliards de dollars, en 2023, en baisse par rapport au sommet de 1307 milliards de 2019. « Ça reste quand même des montants astronomiques, lance Patrick Bonin. Ce sont des centaines de milliards qui s’en vont dans des projets qui aggravent la crise climatique alors qu’ils devraient aller dans des solutions pour la régler », dit-il. Les banques canadiennes suivent dans une moindre mesure cette tendance à la baisse, menée plutôt par les banques chinoises. En revanche, des banques japonaises et étatsuniennes augmentent leur financement, ralentissant la décroissance mondiale.

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Le rapport appelle les banques à cesser « immédiatement » de financer tout projet d’expansion des énergies fossiles et à adopter des objectifs de réduction des « émissions de gaz à effet de serre financées » cohérents avec l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C.

Action immédiate réclamée

Le rapport appelle les banques à cesser « immédiatement » de financer tout projet d’expansion des énergies fossiles et à adopter des objectifs de réduction des « émissions de gaz à effet de serre financées » cohérents avec l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C. « Il faut arrêter d’en rajouter, il y en a déjà trop, des énergies fossiles », lance Patrick Bonin, qui rappelle que l’Agence internationale de l’énergie appelle à réduire les émissions de moitié d’ici 2030. Les fonds ainsi rendus disponibles devraient être consacrés à des solutions à la crise climatique, conclut le rapport.

Méthodologie : Le rapport Banking on Climate Chaos est produit par une coalition d’une dizaine d’organisations non gouvernementales, notamment les étatsuniennes Oil Change International et Rainforest Action Network et l’allemande Urgewald, et soutenu par plus de 600 autres. Les données utilisées proviennent du London Stock Exchange Group, entreprise de gestion de places boursières et de diffusion d’informations financières qui possède notamment la Bourse de Londres, et du groupe financier Bloomberg LP. Le rapport présente les sommes d’argent en dollars américains, que La Presse a converties en dollars canadiens.