En plus de paralyser ses activités, l’interdiction des vols nocturnes à l’aéroport de Saint-Hubert met en « péril » l’avenir d’un important complexe minier et la « sécurité alimentaire » de communautés inuites, allègue Chrono Aviation, qui veut faire casser la décision de Transports Canada confirmée le mois dernier.

Dans une requête déposée récemment auprès de la Cour fédérale, la compagnie aérienne québécoise affirme que la décision de Transports Canada « souffre d’un manque de justification et de transparence ». Selon la plaignante, les autorités ont fait fi du cadre fédéral, qui prévoit des consultations élargies, en démontrant un parti pris à l’endroit de l’aéroport qui s’appelle maintenant MET – Aéroport métropolitain de Montréal.

« La décision va paralyser les activités de [Chrono], mettre en péril l’exploitation de la mine Mary River, la sécurité alimentaire des communautés inuites et les emplois découlant de ses activités dans le Nunavut et à Longueuil », fait valoir Chrono.

Ces allégations n’ont pas encore été prouvées devant un tribunal. La requête s’ajoute à une poursuite d’environ 145 millions déposée l’an dernier par Chrono contre l’exploitant de l’aéroport, qui avait déjà annoncé son intention de demander l’interdiction des vols de nuit à partir d’avril 2024.

Gros contrat

Depuis 2019, Chrono exploite des liaisons nocturnes avec la terre de Baffin deux fois par semaine pour conduire les travailleurs d’une mine de fer. Il s’agit d’un contrat de cinq ans dont les revenus sont estimés à 100 millions. Le problème : le transporteur utilise un Boeing 737-200. Âgé de 45 ans, cet appareil est très bruyant, mais il est le seul à pouvoir se poser sur une piste en gravier.

« Environ 1555 employés et sous-traitants du Sud dépendent du service de Chrono entre Montréal et l’aérodrome de Mary River, souligne le porte-parole de Baffinland, Peter Akman, dans un courriel à La Presse. La synchronisation de ces vols est cruciale pour que la mine demeure pleinement opérationnelle. »

Parallèlement à ce contrat, la compagnie aérienne dit avoir noué un partenariat avec Arctic Co-op pour acheminer « plus de 50 tonnes de denrées périssables et non périssables par mois aux communautés autochtones desservies » par cette coopérative.

Cette entente est essentielle pour maintenir la sécurité des communautés autochtones qui en bénéficient.

Extrait de la requête

Selon Chrono, cela démontre que Transports Canada a « avalisé aveuglément » une demande du gestionnaire et exploitant de l’aéroport plutôt que suivre le processus fédéral, intitulé « Mise en place de procédures nouvelles ou modifiées d’atténuation du bruit ». Celui-ci « garantit la consultation de tous les intervenants, la collecte de toute l’information pertinente et la prise de décisions de façon informée », souligne le site web de Transports Canada. Selon la plaignante, la minière et Arctic Co-op auraient dû faire partie des consultations avant qu’une décision soit prise.

Encore dans le ciel

L’interdiction des vols nocturnes entre 23 h et 7 h devait entrer en vigueur le 1er avril dernier. D’ici à ce que la cause soit entendue sur le fond – probablement la semaine prochaine –, des appareils de Chrono pourraient décoller la nuit sur la Rive-Sud.

« Nous trouvons bien regrettable la contestation judiciaire de Chrono, affirme le vice-président aux affaires corporatives de MET, Simon-Pierre Diamond. Nous avons bon espoir que les tribunaux [appuieront] la décision du ministre [fédéral des Transports] et que l’intérêt public l’emportera. »

Par courriel, le cabinet du ministre des Transports, Pablo Rodriguez, a indiqué que cela fait « plus d’un an que l’entreprise sait que l’aéroport a demandé d’interdire les vols des Boeing 737-200 la nuit ». Au moment d’écrire ces lignes, il n’avait pas été possible de joindre Chrono.

La directive interdisant les vols de nuit sera incluse dans la prochaine mise à jour du Canada Air Pilot, la bible des pilotes canadiens, qui sera faite le 16 mai. Dans l’intervalle, Transports Canada devait diffuser une directive aux transports actifs à l’aéroport pour les empêcher de voler la nuit.

Avec Isabelle Ducas, La Presse

En savoir plus
  • 53 millions
    Somme que Chrono Aviation dit avoir investie dans ses installations à l’aéroport de Saint-Hubert depuis 2018.
    source : chrono aviation