Des brasseries québécoises sont visées par une demande d’action collective.

Alors que les boissons sans alcool sont plus populaires que jamais, une demande d’action collective contre des brasseries québécoises vient d’être déposée à Montréal. Les plaignantes estiment que les fabricants de boissons qui contiennent 0,5 % d’alcool ou moins et qui les affichent haut et fort comme « sans alcool » trompent leur clientèle.

Une vingtaine d’entreprises de différentes tailles et de différentes régions sont visées dans cette demande, dont la Brasserie MacAuslan, Molson, La Voie maltée, les Brasseurs du Nord, la Microbrasserie Bockale, le groupe Triani et la coopérative de brasseurs professionnels de Saint-Roch, que l’on connaît bien sous son nom de La Barberie, à Québec.

La demande d’action collective est lancée par Julie Parent et Stéphanie Zhen. La première voulait stopper complètement sa consommation d’alcool ; la seconde, la réduire. Stupéfaites, les deux consommatrices ont réalisé que des produits qui s’affichaient très clairement comme sans alcool en contenaient un peu, 0,5 % ou moins.

Les deux consommatrices se sont tournées vers le cabinet Lambert Avocats, spécialiste des actions collectives.

C’est une question de transparence. Quelqu’un qui est en sobriété et qui ne veut plus toucher à l’alcool a le droit de pouvoir se fier à sa première impression.

l’avocat Jimmy Lambert, qui mène ce dossier

Selon lui, même s’il est bel et bien indiqué sur les cannettes le faible taux d’alcool, le message est contradictoire si on présente la boisson comme sans alcool.

La pratique est courante, mais pas généralisée. Plusieurs brasseurs affichent clairement le taux d’alcool sur leurs produits qui en contiennent peu, peut-on lire dans les documents déposés en Cour supérieure, vendredi dernier, le 23 février.

La consommation d’alcool, même faible, peut être problématique pour plusieurs groupes, rappelle l’avocat, dont les gens qui ont un problème de dépendance, les femmes enceintes, les jeunes conducteurs qui ne peuvent pas boire d’alcool du tout, ou simplement les gens qui suivent un traitement médical pour lequel c’est contre-indiqué.

Au Québec, la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques dit qu’à plus de 0,5 %, le produit doit être affiché clairement comme alcoolisé, explique MLambert, qui poursuit : s’il y en a moins, les fabricants doivent appliquer la loi fédérale sur les aliments dont les règles indiquent que si on veut apposer la mention « sans alcool » ou « non alcoolique », le produit doit avoir un taux inférieur à 0,05 %.

En présentant leurs boissons comme « sans alcool », ces fabricants contreviennent à la Loi sur la protection du consommateur, allèguent les requérantes, puisqu’ils donnent l’impression que leurs produits ne contiennent pas d’alcool du tout.

Dans les documents déposés en cour, on relate que Stéphanie Zhen a acheté des bières présentées comme « sans alcool » sans faire de grande inspection à l’épicerie. C’est une fois à la maison que cette directrice adjointe d’une garderie a réalisé qu’elle avait en fait une bière faiblement alcoolisée.

Me Lambert mentionne que Mme Zhen a fait son achat dans une section d’une épicerie où l’on présentait l’ensemble des produits exempts d’alcool. Selon lui, on ne devrait pas avoir à lire les petits caractères quand on fait ses achats.

Et maintenant ?

« Les Québécois et Québécoises ont le droit de savoir le contenu en alcool des produits qu’ils sont tentés d’acheter », indique la demande d’action collective qui vise à former un groupe de consommateurs qui se sont sentis lésés dans cette affaire. Il pourrait y avoir « plusieurs dizaines de milliers de Québécois, voire des centaines de milliers ». On demande un remboursement des achats effectués durant les trois dernières années et un dommage punitif.

Les produits visés sont variés. La liste contient près de 60 boissons, dont la Boréale Hors Sentiers IPA sans alcool, le Romeo’s gin non alcoolisé, la Oshlag blanche sans alcool, la Placebo framboise et la Sober Carpenter Irish Red Ale.

La liste a été faite après une recherche selon les produits offerts dans les épiceries et à la SAQ. Inévitablement, plusieurs boissons en tous points semblables à celles qui sont nommées échappent à la demande.

L’idée, précise MJimmy Lambert, n’était pas de s’adonner à une chasse aux sorcières dans le monde brassicole québécois et de viser toutes les petites entreprises de la province, mais de s’attaquer à la pratique, et aux plus gros producteurs. C’est pour cela qu’il n’y a pas de vin dans cette demande, dit-il.

D’ailleurs, MLambert précise que les deux initiatrices de cette demande et lui-même seraient déjà satisfaits si leur démarche faisait changer les pratiques dès maintenant.

« Sincèrement, dit l’avocat, si l’industrie change ses pratiques, on peut, tout le monde, être super heureux et fiers. »

Une question de goût

En réponse à des questions sur cet enjeu, à la Maison Jean Lapointe, on précise que les boissons à faible quantité d’alcool, peu importe comment elles sont présentées, ne sont pas une réelle préoccupation. Ses spécialistes recommandent en effet aux gens qui vivent avec des problèmes de dépendance et qui souhaitent ne plus consommer d’alcool d’éviter de choisir des boissons sans alcool qui imitent ses saveurs, même celles qui n’en ont pas du tout. Pour éviter d’y reprendre goût.