Malgré l’inflation qui a alimenté la hausse du prix du panier d’épicerie et l’augmentation des taux d’intérêt, qui a alourdi le fardeau financier de nombreux propriétaires, les consommateurs n’ont pas réduit leurs dépenses pour autant en 2023. « L’incertitude économique pourrait avoir un impact sur les consommateurs au cours du premier trimestre de 2024, mais la situation devrait revenir à la normale par la suite », anticipe Michel Rochette, président du Conseil canadien du commerce de détail (CCCD) pour le Québec.

Les données colligées auprès des 50 000 commerces canadiens qui sont membres du CCCD pour l’année qui vient de s’écouler ne témoignent pas d’un ralentissement de l’activité des consommateurs en 2023, malgré un contexte rendu plus difficile par la forte inflation et la hausse des taux d’intérêt.

Oui, certains comportements des consommateurs ont changé pour tenir compte du nouvel environnement plus volatil, alors que 60 % – un record – de ceux-ci ont profité beaucoup plus des rabais en 2023 et ont effectué plus de recherches pour dénicher les aubaines sur le marché.

« Ça se voit dans tous les secteurs de la consommation. Les gens n’attendent plus le Boxing Day pour profiter des aubaines, alors que le Vendredi fou de novembre est devenu plus important pour de nombreux consommateurs. On veut profiter des aubaines quand elles se présentent.

En raison de l’incertitude économique, les commerçants entrevoyaient l’année 2023 avec plus de craintes, mais finalement, il y a eu plus de peur que de mal.

Michel Rochette

Le CCCD est une organisation nationale qui regroupe à peu près tous les acteurs de l’industrie du commerce de détail au pays ; la section Québec compte à elle seule plus de 17 000 commerces dans tous les secteurs d’activité.

« Le secteur de l’alimentation reste un des gros joueurs, Metro est le plus gros employeur privé au Québec et on va à l’épicerie toutes les semaines », souligne le président du CCCD.

Selon Michel Rochette, le ralentissement économique attendu pour le premier trimestre de 2024 devrait se traduire par une réduction des dépenses des consommateurs québécois, qui font face à un taux d’endettement plus élevé qu’aux États-Unis et qui devront composer avec les renouvellements hypothécaires.

Si la pénurie de main-d’œuvre a été la principale préoccupation des commerçants en 2023, le problème va rester entier en 2024, alors qu’on observe des besoins dans tous les secteurs liés au commerce de détail, que ce soit dans l’approvisionnement, l’entreposage, la surveillance, l’inspection ou le transport.

« Juste en logistique, les compagnies de transport québécoises sont en manque de 5000 camionneurs. La chaîne d’approvisionnement est devenue un enjeu durant la pandémie, mais ça reste un problème pour le secteur du détail. La popularité du commerce en ligne a fait pression sur l’industrie du camionnage », constate le président du CCCD.

Les vols à l’étalage en explosion

Après la pénurie de main-d’œuvre, le gros dossier qui préoccupe le plus les acteurs de l’industrie du commerce au détail en 2024 est la forte hausse des vols à l’étalage et des fraudes, et la cybersécurité en général.

Depuis quatre ans, l’industrie du détail a enregistré une augmentation de 300 % des vols à l’étalage, et ce, dans toutes les catégories de produits – l’alimentation, les vêtements, les chaussures, l’électronique… Des vols qui se traduisent en pertes de milliards de dollars et en hausses de prix pour les consommateurs.

« C’est un enjeu qui n’est malheureusement pas considéré par les forces policières. Ils interviennent peu lorsqu’on effectue une arrestation parce que les recours en justice se rendent rarement jusqu’au bout. Il faut que tu aies volé beaucoup et souvent pour te faire poursuivre.

« Mais là, on voit des réseaux de voleurs utiliser des sites de revente de produits usagés comme Kijiji pour écouler des produits neufs et emballés, c’est devenu organisé. Loblaw a décidé de sortir de la vente de vins dans certains magasins en Ontario parce qu’ils se faisaient trop voler », expose Michel Rochette.

La pénurie de main-d’œuvre n’est pas étrangère à cette recrudescence des vols à l’étalage, puisqu’il y a moins d’employés qui surveillent dans les allées ou aux caisses automatiques, ce qui a pu aussi contribuer à la hausse du nombre de larcins.

« On travaille avec les autorités policières. On a rencontré les gens du Service de police de la Ville de Montréal et on cherche à avoir une meilleure collaboration. On a organisé un blitz avec les forces de l’ordre en septembre dernier à l’échelle canadienne qui a permis de réaliser 498 arrestations en une semaine. On va répéter l’expérience », explique Michel Rochette.

L’industrie du commerce de détail souhaite par ailleurs tirer profit davantage cette année des avancées réalisées par l’intelligence artificielle (IA) pour renforcer la chaîne logistique.

« L’IA joue un grand rôle dans l’industrie, elle permet de mieux prédire les tendances de la consommation et de mieux organiser la chaîne d’approvisionnement. On est bien équipé à Montréal avec Scale AI et IVADO qui travaillent à rendre les systèmes plus efficaces », observe le président.