Avec des valeurs comme la famille, la tolérance et le respect de l’environnement, les milléniaux mettent l’équilibre au centre de leur vie. Éduqués, branchés et indépendants, ils occupent aujourd’hui de plus en plus les postes de haut niveau dans les entreprises, qu’ils transforment avec leurs idées nouvelles. Une révolution est en cours.

« Les milléniaux opèrent une révolution tranquille du milieu du travail par leur grande mobilité, leur autonomie, leurs compétences, leur facilité d’adaptation et la façon dont ils repensent les espaces de travail », dit Mircea Vultur, professeur de sociologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

Les milléniaux et les membres de la génération suivante, les Z, composeront les trois quarts de la main-d’œuvre en 2030, selon un rapport de la BDC. Et même s’ils accordent peu d’importance au rang hiérarchique, ils grimpent actuellement les échelons dans tous les domaines professionnels et dans toutes les sphères d’activités.

Âgés de 25 à 42 ans, ils se définissent par leurs grandes compétences… et leur soif de connaissances et d’expériences. « Pour eux, changer d’emploi est stimulant, indique Jacques Hamel, professeur émérite de sociologie à l’Université de Montréal. La flexibilité et la précarité, ils voient cela positivement. Ils ne veulent pas s’encroûter dans un emploi. C’est devenu une valeur pour eux. »

Conciliation, plaisir et réseautage

Il faut dire que le travail est un élément de leur vie, et non pas l’essence. La conciliation travail-famille prend un nouveau sens : les milléniaux privilégient le temps de loisir, de rencontres avec des amis, de réflexion. « J’ai de grandes ambitions personnelles, témoigne Habi Gerba, présidente et designer de la marque Gazelles, et j’ai toujours vu mon travail comme un véhicule pour les réaliser et pour avoir du plaisir. »

À 42 ans, Jonathan Durocher est président de la Financière Banque Nationale. Il vise lui aussi le plaisir – et un certain équilibre. « Ça prend un peu de tout, lance-t-il. Il y a le travail, la famille… Je vois cela comme des cycles durant lesquels les priorités évoluent. »

Cette vision des choses entraîne une métamorphose des relations interpersonnelles, notamment entre collègues, avec leur patron ou leurs employés, avance Mircea Vultur, sociologue.

Les milléniaux voient beaucoup d’avantages à entretenir leur réseau de contacts. Ils s’adaptent facilement et ils sont dans une logique de coopération. Les bonnes relations au bureau, dans le plaisir et la créativité, sont beaucoup plus importantes que la hiérarchie, par exemple.

Mircea Vultur, sociologue et professeur à l'INRS

L’humain d’abord

Jacques Hamel est du même avis : les milléniaux favorisent les relations amicales au bureau. « Ils sont réfractaires à la hiérarchie, ça ne les impressionne pas, souligne-t-il. L’entreprise est vue comme une famille. »

Judith Fetzer, cofondatrice et présidente de Cook it, mise beaucoup sur la portion humaine de son travail. « Ma gang de bureau, c’est très important dans ma vie, confie-t-elle. Ce sont des gens qui jouent un rôle significatif dans ma vie. J’ai besoin de cette proximité. »

Les syndicats n’ont pas la cote chez cette jeune génération. « Ils ne sont pas du tout dans la confrontation, affirme M. Vultur, et préfèrent régler leurs problèmes eux-mêmes. »

Mobilité et ouverture d’esprit

Cet aspect de la personnalité des milléniaux est appelé « l’individualisation » par M. Hamel. « C’est cette tendance à se concevoir par soi-même et à agir de son propre chef, expose-t-il. On le voit entre autres dans leur formation : ils aiment concevoir leur propre programme. Et leur façon d’apprendre déborde du cadre de l’école. »

Nés avec les outils technologiques dans les mains, les milléniaux communiquent autrement. Ils sont pros des réseaux sociaux et cela leur permet entre autres d’être mobiles, de garder l’esprit ouvert et d’avoir une vision globale des choses.

« Disons que la diversité et l’inclusion, ce n’est pas un débat », lâche Jonathan Durocher.

Habi Gerba est allergique aux entreprises qui font des changements « cosmétiques ». L’authenticité prime… jusque dans les questionnements d’éthique et d’orientation. « Certains sont d’accord avec les questions d’équité, de diversité et d’inclusion, martèle la femme d’affaires de 32 ans, mais en fait, ils sont d’accord avec le principe. Ils ne sont pas prêts à faire les gestes pour changer les choses. Je pense qu’il existe encore des barrières invisibles. »

Priorité à la santé mentale

De l’avis du chercheur Mircea Vultur, les milléniaux pourraient provoquer une hausse de la productivité. « C’est à anticiper, signale-t-il, à cause de la façon dont ils exploitent leurs connaissances, de leur autonomie, de leur tolérance, de leur ouverture sur le monde. Ils ne sont pas dans une logique relationnelle où le sentiment d’appartenance est mis de l’avant. Ils sont dans un mode transactionnel, ils se demandent ce qu’ils ont à gagner à travailler ici ou à faire cette tâche-là… »

Un autre point non négociable, pour les milléniaux : la gestion de leurs ressources. Les enjeux de santé mentale, ils en parlent et ils se font un point d’honneur de respecter les limites de tous.

« On voit apparaître une génération pour qui se défoncer au travail n’est pas une valeur, conclut Jacques Hamel. Ils ne veulent pas travailler 70 heures par semaine, parce qu’ils connaissent les effets pervers de ça… Ils ont vu leurs parents aller ! »