Diminution du prix des conteneurs, délais plus raisonnables et moins d’imprévus : la chaîne d’approvisionnement a repris du poil de la bête après les perturbations pandémiques. L’accalmie risque d’être de courte durée si la grève au port de Vancouver – le plus important au Canada – perdure.

Même s’il se déroule à environ 4600 kilomètres à l’ouest, le débrayage de quelque 7400 débardeurs dans une trentaine de ports répartis en Colombie-Britannique – qui en était à sa troisième journée lundi – génère de l’inquiétude jusqu’au Québec. Dans l’immédiat, on n’anticipe pas de ruptures de stock dans les magasins, mais cela pourrait changer si les débardeurs ne retournent pas sur les quais.

« Après une semaine, on va le ressentir, croit le courtier en douane Pierre Dolbec, président de Dolbec International. Ça va être encore pire qu’au port de Montréal. Il y a des produits finis et des matières premières qui arrivent de l’Asie. Des délais de livraison vont probablement engendrer des interruptions de production. C’est difficile à quantifier, mais la machine au complet va être affectée. »

Au Canada, le port de Vancouver est la principale porte d’entrée des conteneurs expédiés depuis l’Asie. Annuellement, l’équivalent de 305 milliards de dollars de marchandises y transite. Pour Dolbec International, 65 % du cargo traité en Asie est acheminé vers la côte ouest canadienne.

Nouvelle tuile

Pendant que le milieu des affaires plaide pour une intervention rapide du gouvernement Trudeau, par exemple avec l’adoption d’une loi spéciale, le syndicat des débardeurs exhorte Ottawa à ne pas se mêler du dossier. Ce que l’on craint chez les entrepreneurs et les commerçants, c’est que la grève s’éternise et que les boîtes métalliques demeurent sur les porte-conteneurs ou qu’elles soient déchargées ailleurs, ce qui pourrait faire grimper les coûts de livraison.

« Redémarrer la roue est très long, affirme le vice-président, logistique et distribution, de La Vie en Rose, Jean-François Thériault. Deux jours de conflit perturberont la chaîne pendant dix jours. Cinq jours de conflits […], pendant un mois. Si ça ne se règle pas rapidement, les impacts seront importants pour les détaillants en vue de la prochaine saison (automne-Noël). »

Pour les entreprises qui dépendent du transport maritime, ce conflit de travail arrive à un bien mauvais moment. Elles commençaient à obtenir un peu de répit après les perturbations de la crise sanitaire, qui a provoqué une flambée du prix des conteneurs et des délais de livraison.

Selon le Global Container Freight Index, l’une des principales références quotidiennes de l’industrie en matière de prix du transport maritime par conteneurs, le prix d’une boîte métallique de 40 pieds était d’environ 1280 $ US. Cela est beaucoup moins élevé par rapport au prix moyen supérieur à 11 000 $ enregistré à l’automne 2021.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Lili Fortin est présidente de la chaîne Tristan.

« On vient de revenir à quelque chose de plus normal depuis le début de la pandémie, et cela survient, lance Lili Fortin, présidente de la chaîne Tristan. Notre marchandise ne provient pas seulement du port de Vancouver, mais si le trafic maritime est dévié vers d’autres ports, est-ce que cela va causer un effet domino ? »

Retour souhaité

La dirigeante de la chaîne de vêtements croise les doigts pour que la grève se règle rapidement à l’autre bout du pays. À l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT), Richard Darveau est du même avis. Il n’y a pas d’inquiétudes à avoir pour des matériaux comme le contreplaqué. Cependant, le portrait pourrait être différent si l’on parle d’outils électriques – comme des perceuses et des scies mécaniques – qui sont fabriqués en Chine.

« Pour nous, ça a encore plus d’impact qu’une grève au port de Montréal puisque 50 % de la marchandise [chez nos membres] vient des pays asiatiques, dit-il. Pensez aussi aux produits saisonniers et décoratifs. Nous ne sommes pas encore rendus là, mais si le conflit perdure, il va manquer d’ampoules dans les arbres de Noël. »

Au port de Montréal, les débardeurs avaient déclenché une grève générale illimitée le 26 avril 2021, faute de progrès dans les négociations avec leur employeur, l’Association des employeurs maritimes. Une loi spéciale forçant leur retour au travail avait été sanctionnée quelques jours plus tard, le 30 avril, par Ottawa.

Affilié à la FTQ, le Syndicat canadien de la fonction publique, qui représente les débardeurs, s’était tourné vers la Cour supérieure du Québec dans le but de faire invalider cette mesure.

En savoir plus
  • 5
    Le port de Vancouver a la même taille combinée que les cinq autres plus grands ports canadiens.
    Source : administration portuaire vancouver fraser
    29
    Nombre de terminaux au port de Vancouver
    Source : administration portuaire vancouver fraser