(Ottawa) L’organisme canadien de surveillance de la concurrence affirme que le gouvernement fédéral devrait envisager d’assouplir les restrictions sur les emballages de cannabis et les limites sur la quantité de composants psychoactifs du cannabis pouvant se retrouver dans les produits comestibles.

Dans un mémoire soumis à Santé Canada et à un groupe d’experts examinant la législation sur le cannabis publié vendredi, le Bureau de la concurrence a proposé de modifier les limites de tétrahydrocannabinol (THC) et de donner aux entreprises de cannabis plus de liberté en matière d’emballage et de marketing comme moyen de stimuler la concurrence.

« La concurrence favorise l’innovation des entreprises, encourage la création de valeur et profite aux consommateurs en leur offrant un plus grand choix et une meilleure qualité », a-t-il écrit dans son mémoire.

« Il est important de noter que ces avantages de la concurrence servent également à déloger les activités illicites du marché et à renforcer l’industrie légale. »

Une enquête réalisée en 2022 par Santé Canada a révélé que près de la moitié des 10 048 répondants qui ont consommé du cannabis au cours de l’année précédente avaient acheté la substance exclusivement auprès de sources légales, une augmentation par rapport à 43 % en 2021.

Certains observateurs croient que la véritable part du marché illicite est plus élevée en raison de la stigmatisation liée au dévoilement de la consommation de cannabis.

Les producteurs de cannabis et les magasins estiment depuis longtemps que le THC et les changements d’emballage réduiraient la part de marché des vendeurs illicites et les aideraient à réduire le nombre élevé de mises à pied, de fermetures d’installations et de dépréciations qu’ils ont subies ces dernières années pour maintenir leur entreprise à flot.

Leurs appels au changement se sont multipliés ces derniers mois, après qu’Ottawa a lancé l’an dernier un examen de la Loi sur le cannabis, qui fixe des limites d’achat et de possession et établit des exigences de sécurité pour la culture, la vente et le transport de la substance.

Lorsque la législation sur le cannabis est entrée en vigueur en 2018, elle comprenait des dispositions empêchant les produits à base de cannabis d’être emballés d’une manière attrayante pour les jeunes et limitant la teneur en THC des produits comestibles à 10 mg par emballage. Les produits illicites dépassent souvent cette limite.

Les parties prenantes ont indiqué au Bureau de la concurrence que l’augmentation de la limite à 100 mg « pourrait rendre les produits comestibles à base de cannabis plus attrayants pour les consommateurs, en particulier ceux qui s’approvisionnent actuellement sur le marché illicite ».

Le Bureau a fait valoir que l’assouplissement des restrictions sur la promotion, l’emballage et l’étiquetage du cannabis donnerait également aux producteurs plus de latitude pour innover et aiderait les consommateurs à prendre des décisions d’achat plus éclairées.

Pour se conformer à la réglementation, la plupart des entreprises de cannabis emballent leurs produits dans des contenants noirs ou blancs, dépourvus de marque accrocheuse — un élément qui pourrait aider à différencier un produit d’un autre, selon elles.

Réduction du fardeau réglementaire demandée

Le Bureau s’est également attaqué au processus d’octroi de licences de cannabis et aux coûts de conformité, suggérant que ces politiques « entravent au minimum la concurrence, dans la mesure du possible ».

Ce processus exige actuellement que les producteurs de cannabis aient des installations presque terminées – ce qui coûte souvent des millions – avant de pouvoir recevoir des licences. Ensuite, il y a les exigences de sécurité « longues et coûteuses » et les frais réglementaires annuels.

« En réduisant au minimum le fardeau réglementaire du processus de délivrance de licences et en réduisant les coûts de mise en conformité, dans la mesure du possible, les décideurs peuvent réduire les entraves à l’accès et à l’expansion, ainsi que stimuler une concurrence encore plus efficace », a affirmé le Bureau.

L’organisme complète ses recommandations en offrant une suggestion au sujet des droits d’accise, un domaine extérieur au mandat du comité chargé d’examiner le champ d’application de la loi.

Les droits sont imposés sur les produits lorsqu’ils sont livrés aux acheteurs. Pour le cannabis séché et frais, les plantes et les graines, ils sont les plus élevés entre un taux fixe de 1 $ par gramme et un taux de 10 % par gramme.

Pour le cannabis comestible, les extraits de cannabis et le cannabis pour usage topique, le droit d’accise est un taux fixe qui s’appuie sur le nombre de milligrammes de THC total dans le produit. Des droits supplémentaires sont imposés en Alberta, au Nunavut, en Ontario et en Saskatchewan.

Le montant total des droits d’accise impayés sur le cannabis a augmenté depuis la légalisation, a souligné le Bureau. En septembre 2022, 66 % des titulaires de licence tenus de verser les droits d’accise avaient une dette impayée auprès de l’Agence du revenu du Canada, a-t-il précisé.

« De nombreux intervenants interrogés par le Bureau ont indiqué que le cadre des droits d’accise au Canada – et les taux de droits d’accise en particulier – constituait un obstacle majeur à la concurrence dans l’industrie du cannabis », indique le mémoire.

« Ces intervenants ont déclaré au Bureau que le régime actuel des droits d’accise rendait la rentabilité et la viabilité du secteur très difficiles. »

Bon accueil des producteurs

Le chef de la direction du producteur Canopy Growth, de Smiths Falls, en Ontario, a salué les recommandations du Bureau de la concurrence, jugeant qu’elles reflétaient bon nombre des demandes de l’industrie.

« Les producteurs légaux doivent être en mesure de proposer la gamme de formats et de puissance que les consommateurs recherchent pour concurrencer le marché illicite et soutenir une industrie du cannabis durable au Canada », a affirmé David Klein dans un communiqué.

« Il est tout aussi essentiel que les restrictions sur l’engagement avec les consommateurs soient révisées pour faciliter des décisions d’achat éclairées et nous espérons que le gouvernement agira rapidement sur ces recommandations, car le temps presse. »

Organigram, un producteur de cannabis établi à Moncton, au Nouveau-Brunswick, a également accueilli favorablement le mémoire du Bureau, notamment parce qu’il juge que des ajustements au plafond de THC des produits sont nécessaires.

Le plafond « conduit les consommateurs vers le marché illicite », a fait valoir sa cheffe de la direction, Beena Goldenberg, dans un courriel, tandis que les restrictions d’emballage « entravent notre capacité en tant que producteurs agréés à communiquer efficacement et à différencier nos produits ».