La Banque du Canada, qui explore depuis des années la possibilité d’émettre une monnaie numérique, veut maintenant savoir ce qu’en pensent les Canadiens en lançant une consultation publique.

La consultation en ligne ne s’adresse pas aux experts, que la banque centrale consulte régulièrement, mais a pour but de connaître l’opinion du plus grand nombre possible, explique Paul Beaudry, sous-gouverneur de la Banque du Canada.

« On veut consulter le plus grand nombre, et notamment les jeunes, pour savoir s’ils utiliseraient la monnaie numérique, quand ils l’utiliseraient et comment ils l’utiliseraient », explique le sous-gouverneur, qui a répondu aux questions de La Presse.

Est-ce que c’est la popularité du bitcoin et des autres cryptomonnaies privées qui pousse la Banque du Canada à proposer de consulter les Canadiens sur la monnaie numérique ?

La Banque du Canada s’intéresse depuis très longtemps à la monnaie numérique. Elle a été une des premières banques centrales à s’y intéresser. L’intérêt des banques centrales s’est accéléré quand Facebook est entrée dans le débat, en proposant de lancer sa monnaie Libra. Ce n’est pas arrivé, mais si les gens en viennent à vouloir utiliser une monnaie numérique, on veut être prêt à offrir une option canadienne stable et sûre comme le dollar en papier.

Est-ce que le Canada a besoin d’une monnaie numérique ?

Ce n’est pas nécessaire, pour le moment, parce que nous avons un système de paiement qui fonctionne bien. Il peut être amélioré, mais ça marche assez bien. Ce n’est pas un problème. La monnaie numérique de la banque centrale est une option de plus qui s’ajouterait au système de paiement. Il n’y a pas de presse parce qu’on a un système qui fonctionne. Mais on veut être prêt si les gens en veulent. C’est le gouvernement et le Parlement qui décideront si on doit avoir une monnaie numérique et qui demanderont à la Banque du Canada d’en émettre. On veut avoir des options à proposer.

Il y a des pays qui ont une monnaie numérique de banque centrale, mais aucune des principales économies occidentales n’en a. Pourquoi ?

Les pays qui l’ont fait, à part la Chine qui est un cas particulier, sont des pays dont les systèmes de paiement ne fonctionnaient pas très bien. Dans des cas comme l’Inde, par exemple, ils le font pour améliorer leur système de paiement. L’Union européenne, notamment dans la zone euro, a un système de paiement plus fragmenté et il y a des besoins pour l’améliorer plus rapidement. Pour se rendre là où on est rendus au Canada ou aux États-Unis. Ici, on peut se demander pourquoi on aurait besoin d’une monnaie numérique, on est déjà capables de payer en ligne, on peut transférer de l’argent sans passer par de l’argent comptant, on a beaucoup d’options de paiement. C’est pourquoi on fait la consultation.

Est-ce que le Canada pourrait émettre sa monnaie numérique sans être imité par ses principaux partenaires commerciaux, comme les États-Unis ?

C’est certainement possible. On voit déjà des monnaies numériques dans certains endroits. Il faut vraiment penser aux monnaies numériques comme une option numérique à l’argent comptant. Si on prend l’exemple des États-Unis, on a beaucoup d’échanges avec les États-Unis et ça se peut qu’ils n’en aient pas, de monnaie numérique de banque centrale, alors que nous, au Canada, on décide que ce serait utile. Ça dépend de ce que les Canadiens veulent, quels besoins ils ont, et on veut être prêt pour remplir ce besoin. Ça peut être très indépendant des autres pays.

Est-ce que les avantages de l’émission d’une monnaie numérique de banque centrale seraient supérieurs aux coûts associés ? Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?

C’est une très bonne question et encore là, c’est pour ça qu’on fait une consultation. Pour connaître les besoins et pouvoir faire un investissement proportionnel aux besoins. C’est vraiment difficile de mettre un coût. Il y a beaucoup de choix technologiques, plusieurs façons de s’intégrer au système de paiement actuel. La réduction du coût du système de paiement est un des grands facteurs. Si tout le monde passe au numérique, on ne peut pas ne pas avoir une option numérique publique. Une de nos priorités, c’est d’offrir une solution qui apaise les craintes des gens sur la protection de la vie privée. On n’est pas là pour ramasser de l’information. En même temps, il ne faut pas créer un environnement qui favorise la fraude ou les crimes financiers.

La consultation est en ligne jusqu’au 19 juin.

Participez à la consultation

Qui est Paul Beaudry ?

Paul Beaudry est sous-gouverneur de la Banque du Canada depuis février 2019. En plus de participer aux orientations de la politique monétaire, il est responsable de l’analyse de l’économie internationale. Né à Montréal, il a enseigné dans plusieurs universités et il quittera la banque centrale en juillet 2023 pour retourner à son poste de professeur à l’Université de Colombie-Britannique.