(Toronto) Un tribunal ontarien a acquitté trois anciens dirigeants de la société de cannabis CannTrust accusés d’infractions liées à une culture sans licence dans une de ses installations dans la région de Niagara.

Les anciens dirigeants de CannTrust Holdings, Peter Aceto, Eric Paul et Mark Litwin, ont été libérés de leurs accusations un jour après que la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) a révélé qu’elle n’avait plus aucune perspective raisonnable de faire condamner les trois hommes.

L’acquittement marque un revirement étonnant pour la CVMO, qui menait sa première action en justice contre une société de cannabis cotée en Bourse, après qu’elle a porté des accusations contre les anciens dirigeants de CannTrust l’année dernière.

La CVMO n’a pas répondu à une demande de commentaires à la suite de l’audience.

Les observateurs de l’industrie attendaient avec impatience l’issue de l’affaire, car ils croyaient qu’une décision ferme en faveur du régulateur financier dissuaderait les autres sociétés de cannabis de contourner la loi.

Les accusations portées contre l’ancien chef de la direction, Peter Aceto, le président du conseil d’administration, Eric Paul, et le vice-président Mark Litwin étaient centrées sur la prétendue culture de cannabis, en 2018 et 2019, dans des pièces qui n’avaient pas obtenu de permis à cette fin, à l’installation de Pelham de la société.

La CVMO alléguait que les hommes avaient utilisé les divulgations de l’entreprise pour affirmer que CannTrust, établie à Vaughan, en Ontario, se conformait à la réglementation. Elle faisait également valoir que MM. Litwin et Aceto auraient signé des prospectus utilisés pour mobiliser des fonds aux États-Unis, dans lesquels on pouvait lire que CannTrust était entièrement autorisée et conforme aux exigences réglementaires, et que MM. Litwin et Paul auraient négocié des actions de CannTrust alors qu’ils étaient en possession d’informations importantes non divulguées au sujet de la culture non autorisée.

Les hommes, qui ont plaidé non coupables en octobre, étaient accusés de fraude et d’avoir autorisé l’accomplissement d’une infraction. MM. Litwin et Paul ont également été accusés de délit d’initié, et MM. Litwin et Aceto, d’avoir fabriqué un faux prospectus et un faux prospectus provisoire.

« Un jour de célébrations »

Les accusés, qui ont comparu devant le tribunal tous les jours du procès, sont restés stoïques jeudi lorsque leurs avocats ont se sont opposés à la demande de la CVMO, qui voulait dissoudre l’affaire.

Mais lorsque le juge Victor Giourgas a prononcé l’acquittement, les membres de la famille, les amis et les avocats qui accompagnaient les accusés ont échangé des sourires.

« Pendant plus de deux ans, Peter Aceto est resté assis tranquillement pendant que sa réputation d’homme honnête était ombragée par un nuage d’allégations injustifiées », a affirmé l’avocat de M. Aceto, Frank Addario, après l’audience.

« Il n’est pas possible de minimiser l’effet d’une allégation injustifiée contre un citoyen. »

Me Addario a ajouté que M. Aceto, qui était autrefois président et chef de la direction de la banque en ligne Tangerine, avait subi « une grande atteinte à sa réputation » par cette interruption de la trajectoire de sa carrière. La banque pour laquelle il avait travaillé lui avait même signifié qu’il n’était plus un de ses clients.

CannTrust a renvoyé M. Aceto en 2019 et a forcé M. Paul à démissionner. M. Litwin a ensuite démissionné.

Lorsqu’on lui a demandé si M. Aceto demanderait réparation, Me Addario a déclaré : « Aujourd’hui est un jour de célébrations, pas de recours. »

Gerald Chan a fait écho à de nombreux sentiments de l’avocat en affirmant que son client Eric Paul était soumis au « fardeau écrasant » de l’affaire et était « heureux qu’il soit pleinement et finalement innocenté ».

Pendant ce temps, Scott Fenton et Michelle Psutka, les avocats de M. Litwin, ont indiqué dans une déclaration écrite que leur client avait « hâte de faire valoir sa bonne réputation et d’effacer la tache causée par cette poursuite infondée ».

Un contre-interrogatoire pivot

Leur procès a commencé à l’automne avec un débat sur l’étendue des accusations de fraude auxquelles les hommes étaient confrontés, mais ces dernières semaines, la CVMO avait commencé à appeler des témoins, dont Greg Guyatt, l’actuel chef de la direction de CannTrust, qui porte désormais le nom de Phoena Holdings.

Cependant, le dossier de la CVMO n’a commencé à s’effondrer qu’au début décembre, lorsque Graham Lee, un ancien directeur de la qualité et de la conformité de CannTrust, a pris la parole.

M. Lee a déclaré au tribunal que la croissance dans des salles sans licence avait été « très ouvertement » discutée au sein de l’entreprise, y compris devant certains des dirigeants accusés. Il a cependant commencé à revenir sur certaines de ses affirmations lors du contre-interrogatoire de Me Fenton.

Ce contre-interrogatoire a présenté à M. Lee des documents montrant que l’ensemble de l’installation de Niagara était autorisée entre 2017 et septembre 2019, d’abord en vertu du Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales, puis en vertu de la Loi sur le cannabis, lorsque le cannabis a été légalisé.

M. Lee a affirmé que les licences qui lui ont été montrées n’incluaient aucune restriction sur les pièces dans lesquelles l’entreprise pouvait cultiver de la marijuana. La CVMO a affirmé que M. Lee n’avait pas vu les licences lors d’une entrevue qu’elle avait réalisée avec lui avant la tenue du procès.

Me Fenton a ensuite montré à M. Lee des documents dans lesquels CannTrust demandait l’approbation ministérielle pour ajouter les pièces où la culture prétendument non autorisée avait lieu à cette licence.

Un autre élément de preuve a montré un changement de politique de Santé Canada en mai 2020, qui soulageait les producteurs de cannabis de la nécessité d’obtenir l’approbation ministérielle avant d’utiliser des salles de culture, soulignant que cela n’avait jamais été une exigence légale, a indiqué Me Addario.

M. Lee, qui a reçu l’immunité de témoigner, a également admis avoir utilisé par erreur les mots « munie de licence » et « non munie de licence » pour décrire certaines des salles de culture de CannTrust et a déclaré avoir été « parfois » confus par rapport à la Loi sur le cannabis.

Les licences et le témoignage de Lee remettent en question les mesures prises contre CannTrust par Santé Canada et les détails d’un communiqué de presse de juillet 2019 de CannTrust, annonçant que Santé Canada avait trouvé que l’entreprise n’était pas conforme à la réglementation.

« La croissance dans des salles sans licence s’est déroulée d’octobre 2018 à mars 2019, période pendant laquelle CannTrust avait des demandes en attente pour ces salles auprès de Santé Canada », avait alors indiqué la société.

Santé Canada n’a pas répondu à une demande de commentaire sur la preuve qu’il avait au sujet de la culture sans licence, tandis que le directeur commercial de Phoena, Jeffrey Zietlow, a indiqué à La Presse Canadienne dans un courriel que « cette décision (n’avait) aucune incidence sur les affaires de Phoena et nous n’avons aucun intérêt dans ces questions ».

En septembre 2019, après avoir interrompu les ventes et les expéditions de cannabis de la société, Santé Canada a suspendu la licence de CannTrust.

La société a été radiée de la Bourse de Toronto en mai 2020 et s’est placée sous la protection de la cour contre ses créanciers. Depuis, elle s’efforce d’organiser un retour et s’est libérée de la protection contre ses créanciers en mars, après avoir reçu un financement de 17 millions d’une filiale de la société néerlandaise d’investissement en capital-investissement Kenzoll B. V.