(Ottawa) Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, reconnaît que la croisade qu’il mène pour juguler l’inflation va causer d’énormes difficultés financières aux ménages qui peinent déjà à joindre les deux bouts et qui doivent composer avec une augmentation des taux d’intérêt sur leurs dettes.

Mais il maintient qu’une hausse du taux directeur est le seul outil à la disposition de la Banque du Canada pour combattre l’inflation, qui devrait demeurer à 7 % d’ici la fin de l’année avant de descendre à 3 % d’ici la fin de 2023.

Le gouverneur a été contraint de défendre la politique monétaire de la Banque du Canada devant le comité des finances pendant deux heures, mercredi, au moment où certains élus estiment qu’il est temps de faire une pause en ce qui concerne la hausse du taux directeur.

« Il n’y a pas de solution facile pour restaurer la stabilité des prix », a laissé tomber M. Macklem avant de répondre aux questions des députés du comité.

L’économie doit ralentir pour rééquilibrer l’offre et la demande et réduire les pressions sur les prix. Au cours des prochains trimestres, la croissance devrait être près de zéro. Mais après ce ralentissement, la croissance va se redresser. L’économie va progresser fortement, et le Canada va de nouveau bénéficier d’une inflation basse et prévisible.

Tiff Macklem

Il a averti qu’une autre hausse du taux directeur est dans les cartons afin de ralentir la demande, qui demeure forte, et de rétablir l’inflation à la cible d’environ 2 % en 2024. La prochaine décision de la Banque du Canada doit tomber le 7 décembre.

« Nous nous attendons à ce que le taux directeur doive encore augmenter. Jusqu’où il augmentera dépendra de l’efficacité de la politique monétaire pour ralentir la demande, de la résolution des problèmes d’approvisionnement et de la réaction de l’inflation et des attentes d’inflation au cycle de resserrement », a-t-il relevé.

La Banque du Canada a augmenté le taux directeur d’une manière sans précédent depuis mars. Le taux a été majoré à six reprises jusqu’ici, passant de 0,25 % au printemps à 3,75 % aujourd’hui.

« Combien de souffrance êtes-vous prêt à causer ? »

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a profité du passage de Tiff Macklem devant le comité des finances pour l’interpeller sur les conséquences négatives de la montée rapide des taux d’intérêt sur les ménages à faible revenu.

« Les taux d’intérêt augmentent. Il y a des familles qui vont peut-être perdre leur maison. Cela va probablement causer une récession au Canada. Des travailleurs vont perdre leur job. […] Cela va causer de la souffrance. Combien de souffrance êtes-vous prêt à causer ? Est-ce que cela fait partie de vos considérations ? », a demandé M. Singh.

Jusqu’à quel point le taux de chômage doit-il augmenter avant que vous pensiez qu’il est temps de mettre fin à la hausse des taux d’intérêt ?

Jagmeet Singh

Tiff Macklem a répondu qu’il est « très conscient » que les décisions prises par la Banque du Canada ont un impact important sur les Canadiens. « Nous comprenons cela. Nous ne voulons pas rendre cela plus difficile que c’est nécessaire », a-t-il affirmé.

Il a soutenu que la Banque du Canada doit jouer à l’équilibriste. « Si nos interventions sont insuffisantes, les Canadiens continueront de subir les rigueurs d’une forte inflation et ils en viendront à s’attendre à ce que cette situation persiste. Il faudra alors des taux d’intérêt beaucoup plus élevés et possiblement une profonde récession pour maîtriser l’inflation. Personne ne veut cela », a-t-il argué.

Il a affirmé qu’un taux d’inflation à 7 % fait bondir les dépenses pour une famille de 3500 $.

Selon lui, la forte hausse des taux d’intérêt commence à faire sentir ses effets, notamment sur l’achat des maisons et d’autres biens financés à crédit. Selon ses projections, la croissance du produit intérieur brut va passer d’environ 3,25 % cette année à moins de 1 % en 2023 et va rebondir à 2 % en 2024.