Dans un contexte économique plus morose marqué par une inflation persistante, la ministre des Finances Chrystia Freeland fait preuve de retenue dans sa mise à jour économique automnale. Les mesures d’aide de son énoncé économique automnal visent essentiellement à aider les moins nantis et à stimuler l’investissement des entreprises. Tour d’horizon.

Un revenu complémentaire plus généreux

Bon an, mal an, quelque trois millions de salariés qui peinent à joindre les deux bouts peuvent compter sur l’Allocation canadienne pour les travailleurs (ACT) pour arrondir leurs fins de mois. La mise à jour économique bonifie cette prestation avec une enveloppe de 4 milliards échelonnée sur six ans.

L’annonce du gouvernement Trudeau – une des mesures phares de l’énoncé économique – se décline en trois paiements anticipés. Une personne célibataire peut obtenir jusqu’à 714 $ de plus et une famille peut recevoir 1231 $ supplémentaires pour se procurer des « produits essentiels » et payer le loyer.

Selon le scénario offert en exemple dans l’énoncé économique, un travailleur qui gagne annuellement 25 000 $ serait admissible à une aide supplémentaire de 600 $ échelonnés sur trois paiements.

Pas d’intérêts pour les étudiants et apprentis

Ottawa avait déjà renoncé aux frais d’intérêt sur les prêts étudiants depuis le début de la pandémie, mais cet assouplissement vient à échéance le 31 mars prochain.

Dès le lendemain, soit le 1er avril 2023, les intérêts sur la portion fédérale des prêts étudiants seront chose du passé. L’engagement s’appliquera également aux prêts actuellement remboursés. En moyenne, l’économie annuelle pour un étudiant ou un apprenti devrait être de 410 $.

« L’entrée des nouveaux diplômés sur le marché du travail devrait être plus facile, et non l’inverse », souligne le gouvernement Trudeau, dans sa mise à jour automnale.

La décision s’accompagne d’une facture : 2,7 milliards au cours des cinq prochaines années. Par la suite, cette renonciation aux intérêts sur les prêts étudiants devrait coûter 556,3 millions par an.

Immobilier : de l’aide pour acheter et rénover

La montée des taux d’intérêt ne fait pas seulement grimper les paiements hypothécaires des ménages, elle complique également l’accès à la propriété pour les nouveaux acheteurs.

Le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation sera doublé, ce qui permettrait aux nouveaux acheteurs de récupérer jusqu’à 1500 $.

Parallèlement, les propriétaires qui décident d’héberger une personne adulte en situation de handicap auront droit à un crédit d’impôt de 7500 $ pour « la rénovation d’habitations multigénérationnelles » dès le début de 2023.

Cependant, pour entrer en vigueur, ces mesures passent par l’adoption d’un projet de loi, précise-t-on dans la mise à jour économique. Des changements pourraient ainsi être apportés.

Un retard à combler en investissement

Si les niveaux d’investissements privés ont dépassé leurs niveaux prépandémiques aux États-Unis, le Canada est toujours en deçà de ce qui était observé en 2019, selon un haut fonctionnaire.

L’énoncé économique contient quelques initiatives pour tenter d’inverser cette tendance. La principale est un crédit d’impôt remboursable pouvant atteindre 30 % de l’investissement dans les « technologies propres ».

Cette mesure fiscale concerne tout ce qui concerne les concepts zéro émission, le stockage par batteries et l’hydrogène propre. Ce crédit d’impôt devrait coûter 6,7 milliards sur cinq ans.

Il fait partie des premiers gestes faits par le gouvernement Trudeau en réponse à l’Inflation Reduct Act, cette loi adoptée aux États-Unis par l’administration Biden qui prévoit des centaines de milliards en subventions et crédits d’impôt pour tout ce qui concerne l’industrie des véhicules électriques et de l’énergie renouvelable.

Une taxe pour racheter des actions

Les entreprises peuvent gâter leurs actionnaires en rachetant leurs propres actions. Il s’agit d’une façon de retourner du capital aux investisseurs. Ottawa estime que les entreprises devraient plutôt réinvestir cet argent dans des initiatives comme la recherche et le développement.

Pour y arriver, le gouvernement Trudeau compte imposer une taxe de 2 % aux entreprises qui s’appliquerait à la valeur nette de tout type de rachat d’actions. Les détails seront dévoilés dans le prochain budget et la mesure – qui s’inspire de ce qui a été annoncé aux États-Unis – entrerait en vigueur en 2024.

« Plusieurs entreprises canadiennes ne réfléchissent pas suffisamment aux prochaines innovations, aux endroits où il faut investir, affirme un haut fonctionnaire. C’est pourtant ce dont nous avons besoin. »

Une fois en vigueur, cette nouvelle taxe permettrait de récolter 2,1 milliards sur cinq ans à compter de l’exercice 2023-2024. De hauts fonctionnaires ont expliqué que l’objectif n’était pas de punir les entreprises, mais d’accélérer l’investissement privé.

Frais pour les cartes de crédit : ultimatum aux émetteurs

Bon nombre de petites et moyennes entreprises se sentent étouffées par les frais imposés par les émetteurs de cartes de crédit. Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), les commerçants doivent débourser entre 1,5 % et 4 % du montant total de la facture (taxes comprises) chaque fois qu’un consommateur règle une transaction avec sa carte.

La mise à jour économique lance un avertissement aux compagnies de cartes de crédit ainsi qu’aux banques : si on ne s’entend pas pour réduire ces frais imposés aux commerçants, le gouvernement fédéral tranchera.

Plusieurs questions restent encore sans réponse dans ce dossier, notamment ce qui serait un pourcentage jugé raisonnable payé par les commerçants, mais Ottawa prévient qu’il faudra s’entendre dans les « prochains mois ».

Sinon, un nouveau cadre sera présenté en 2023 et imposé par le gouvernement fédéral.