La décision du nouveau ministre des Finances britannique de supprimer la quasi-totalité des mesures fiscales et des plans de dépenses de la première ministre Liz Truss a ramené le calme espéré sur les marchés britanniques lundi, mais les investisseurs se posent encore de nombreuses questions sur l’avenir de l’économie et des finances publiques du pays.

Les prix en Grande-Bretagne s’envolent au rythme le plus élevé depuis quatre décennies, un rythme d’inflation qui devrait inciter la Banque d’Angleterre à augmenter les taux d’intérêt dans les mois à venir, alors même que le ralentissement économique menace de se transformer en récession.

Jeremy Hunt, qui en est à son troisième jour complet en tant que chancelier de l’Échiquier, a déclaré qu’il annulait la plupart des réductions d’impôt annoncées par son prédécesseur le 23 septembre, lesquelles avaient plongé les marchés dans la tourmente. Il a également démantelé une partie de la première politique historique de Mme Truss – un plafond sur les factures d’énergie des ménages qui devait durer jusqu’en 2024. M. Hunt a déclaré qu’il ne garantirait que le gel des factures jusqu’en avril et qu’une politique moins coûteuse serait élaborée par la suite.

Ces décisions constituent une énorme capitulation face à la pression des marchés financiers où, ces dernières semaines, la livre sterling est tombée à un niveau historiquement bas par rapport au dollar et les rendements des obligations d’État ont grimpé en flèche, poussant à la hausse les taux des prêts hypothécaires et les coûts d’emprunt du gouvernement. Le tumulte a été précipité par la promesse de Mme Truss et de son prédécesseur, Kwasi Kwarteng, d’accorder des réductions d’impôt généralisées, notamment pour les plus hauts revenus, financées par l’emprunt. Les investisseurs ont rejeté ces plans, prévoyant qu’ils aggraveraient le problème d’inflation de la Grande-Bretagne et mettraient la dette du pays sur une voie insoutenable.

« Nous allons annuler presque toutes les mesures fiscales annoncées dans le plan de croissance il y a trois semaines et qui n’ont pas commencé à faire l’objet d’une législation parlementaire », a affirmé M. Hunt dans une déclaration télévisée lundi matin, ajoutant qu’il se concentrait sur l’instauration de la stabilité économique.

Les prix des obligations ont grimpé lundi, faisant passer le rendement des obligations à 10 ans de 4,3 % à 3,98 %. La livre a augmenté de plus de 2 % par rapport au dollar américain, à 1,14 $.

Mesure reportée

M. Hunt a déclaré qu’il reporterait indéfiniment un plan visant à réduire le taux d’imposition sur le revenu le plus bas en Grande-Bretagne, l’une des mesures abandonnées les plus surprenantes.

« À un moment où les marchés exigent à juste titre des engagements en faveur de finances publiques durables, il n’est pas juste d’emprunter pour financer cette réduction d’impôt », a-t-il déclaré. Les volte-face de lundi étaient « probablement suffisantes pour stabiliser la situation », a déclaré Dean Turner, économiste chez UBS Wealth Management. Mais les marchés seront probablement « coincés autour de ces niveaux », a-t-il ajouté, jusqu’à ce qu’il y ait un changement de direction ou que M. Hunt donne plus de détails sur le plan fiscal, ce qu’il doit faire le 31 octobre.

Jusqu’à ce que l’une de ces choses se produise, je ne peux pas vraiment plaider dans un sens ou dans l’autre pour voir des mouvements soutenus ici.

Dean Turner, économiste chez UBS Wealth Management

Signe de l’incertitude persistante, les investisseurs obligataires n’ont pas complètement inversé leurs mouvements depuis la déclaration du 23 septembre, même si la plupart des politiques ont été abandonnées. Les rendements obligataires britanniques – une mesure des coûts d’emprunt du gouvernement – restent nettement plus élevés. Par exemple, le rendement des obligations à cinq ans a clôturé lundi à 3,94 %, contre 3,56 % le 22 septembre.

M. Hunt a déclaré que la suppression des réductions d’impôt permettrait de récolter 32 milliards de livres (environ 36 milliards de dollars américains) par an, mais il a prévenu que des « décisions difficiles » devraient encore être prises en matière de dépenses, chaque ministère devant trouver de nouvelles réductions malgré des budgets déjà très serrés.

« La crédibilité budgétaire se gagne difficilement, mais se perd facilement », a déclaré Paul Johnson, directeur de l’Institute for Fiscal Studies, un groupe de réflexion londonien. Les annonces de lundi « ne suffiront pas, à elles seules, à combler les lacunes des plans budgétaires du gouvernement », a-t-il ajouté. « Elles ne suffiront pas non plus à réparer les dégâts causés par la débâcle des dernières semaines. »

Décisions attendues

D’autres décisions de dépenses sont attendues dans deux semaines. Le 31 octobre, M. Hunt publiera un « plan fiscal à moyen terme » complet, qui devrait comprendre la manière dont le gouvernement prévoit réduire le fardeau de la dette britannique, le jour même où l’Office for Budget Responsibility, un organisme de surveillance du gouvernement, rendra son évaluation indépendante de l’impact économique et fiscal des politiques. Fin août, la dette publique représentait environ 97 % du produit intérieur brut, et le gouvernement a déclaré qu’il ferait en sorte que la dette diminue en pourcentage du revenu national à moyen terme.

« M. Hunt devra encore prendre des décisions effrayantes sur les impôts et les dépenses à l’occasion de l’Halloween, a déclaré M. Johnson. Et il reste difficile de voir d’où pourraient provenir des réductions significatives des dépenses. »

Ajoutant à l’incertitude, les spéculations croissantes selon lesquelles Liz Truss pourrait ne pas être en mesure de conserver son poste de premier ministre beaucoup plus longtemps, maintenant que son programme de réduction des impôts a été laissé en lambeaux.

Bien que M. Hunt ait défait les politiques de Mme Truss, le gouvernement doit encore définir une stratégie pour relever les défis économiques de la Grande-Bretagne, notamment une inflation élevée, une faible productivité, une croissance terne des investissements et les ruptures commerciales provoquées par le Brexit.

Jugement en Bourse

Lundi devait être un jour de jugement pour la Grande-Bretagne sur les marchés financiers. C’était la première séance de Bourse depuis que la Banque d’Angleterre a mis fin à un programme qui a dépensé plus de 19 milliards de livres (environ 28,8 milliards de dollars canadiens) en achetant des obligations pour mettre fin aux dysfonctionnements du marché au cours des deux dernières semaines et demie. C’était également l’occasion pour les investisseurs de réévaluer les plans pour les finances publiques de la Grande-Bretagne sans l’intervention de la banque centrale.

Même si les rendements des obligations d’État britanniques ont baissé lundi, la tendance à long terme est à la hausse des rendements, a déclaré Imogen Bachra, stratégiste des taux d’intérêt chez NatWest.

« Les points d’interrogation demeurent autour de la viabilité budgétaire », a déclaré Mme Bachra.

En même temps, la Banque d’Angleterre continuera de relever ses taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, qui était de 9,9 % en août. Samedi, Andrew Bailey, gouverneur de la banque centrale, a déclaré qu’il s’attendait à ce que les taux d’intérêt augmentent plus que prévu, compte tenu des plans budgétaires du gouvernement.

Les négociateurs parient que la banque devra relever les taux d’intérêt à plus de 5 % l’année prochaine, contre 2,25 % actuellement, bien que ce niveau soit inférieur à celui prévu au lendemain de la déclaration du 23 septembre.

La version originale de cet article a d’abord été publiée par le New York Times.

Lisez la version originale de cet article (en anglais)