S’il n’en tenait qu’aux consommateurs, les mentions « Meilleur avant » sur les aliments seraient là pour rester au Canada : 62 % s’opposent au retrait de la date de péremption, conclut un sondage mené par le Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie d’Halifax.

Et pour cause : ils les consultent !

Lorsque vient le temps de mettre un paquet de viande dans le panier d’épicerie, deux clients sur trois regardent la date de péremption avant d’en faire l’achat. La proportion est encore plus grande au moment d’acheter les produits laitiers : 73 % des consommateurs regardent la date sur le yogourt ou le lait.

Une majorité de Canadiens cherche aussi ces dates au moment de choisir les fruits de mer, les produits de boulangerie et les mets préparés.

La consultation chute toutefois à 32 % pour des produits non périssables, et c’est souvent cet exemple qui est donné dans le débat sur la pertinence des dates de péremption.

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Selon un sondage, 73 % des consommateurs regardent la date sur le yogourt ou le lait avant d’en faire l'achat

Question de fraîcheur

La mention « Meilleur avant » garantit la fraîcheur, et non la salubrité. Elle assure la qualité optimale du produit.

« La date “Meilleur avant” indique aux consommateurs que le produit non ouvert, s’il a été manipulé adéquatement (entreposé dans des conditions appropriées), devrait être de haute qualité jusqu’à la date indiquée », précise l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

Or, nombreux sont les consommateurs qui préfèrent mettre à la poubelle le contenu d’un sac de chips ou une bouteille de jus, même si elle n’est pas entamée, dès que la date indiquée est dépassée. C’est ce que confirme le sondage mené par l’équipe de l’Université Dalhousie : les deux tiers des répondants (65 %) ont avoué avoir jeté des aliments dont l’emballage n’avait pas été ouvert.

La même étude révèle toutefois que pratiquement huit personnes sur dix (78 %) ont déjà consommé des aliments périmés, selon la date sur l’emballage.

« C’est une contradiction totale ! », concède Sylvain Charlebois, directeur principal du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire. « Les gens prennent parfois le risque, peut-être pour épargner. »

Fait fort intéressant : si on enlève la date de péremption, cela mettra-t-il fin aux spéciaux dans les épiceries, offerts pour les produits dont la fameuse date approche ? demande Sylvain Charlebois. Si tel est le cas, cela pourrait faire gonfler la facture d’épicerie, dit-il, et mettre un frein aux applications antigaspillage qui gagnent en popularité.

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Huit personnes sur dix (78 %) ont déjà consommé des aliments périmés, selon la date sur l’emballage, révèle un sondage

Comment savoir ?

Le débat sur la pertinence des dates de péremption vient d’être relancé en Angleterre.

Dès le mois prochain, la grande chaîne de supermarchés britanniques Waitrose va les abolir sur les produits frais afin de contrer le gaspillage alimentaire. Ce sera au consommateur de juger de la fraîcheur de son aliment d’après son apparence. Dans le même pays, le groupe Morrisons a retiré la date de péremption sur 90 % de son lait au début de l’année, laissant aussi le soin à chacun de décider si le verre de lait est encore bon.

Dans leur sondage, les chercheurs de l’Université Dalhousie voulaient savoir comment les consommateurs déterminaient si la nourriture est saine ou non.

Une personne sur cinq (20 %) va sentir son aliment et presque autant (17 %) se fie à son apparence comme premier facteur déterminant la fraîcheur. Sans surprise, la principale raison qui guidera le jugement des gens est la présence de moisissure. Pour 28 % des répondants, c’est le meilleur indicateur du manque de fraîcheur.

Et la fameuse date de péremption ? Elle est le facteur déterminant pour le quart des répondants.

Néanmoins, seulement 27 % sont d’accord pour la retirer.

« Les gens sont prêts à prendre une part de responsabilité dans la gestion des risques, mais en même temps, ils ont besoin d’une référence temporelle, d’une date », dit le professeur Sylvain Charlebois.

Le Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire a travaillé avec la firme Angus Reid et sondé 1508 Canadiens les 11 et 12 août 2022.

Au printemps dernier, un sondage Léger a conclu que la date de péremption était la deuxième raison qui menait au gaspillage alimentaire au Québec.

Date d’emballage

Certains aliments indiquent plutôt la date d’emballage, ce qui porte parfois à confusion. Au Canada, la mention « Emballé » ou « Empaqueté » peut être utilisée pour des aliments dont la conservation est de 90 jours ou moins, mais devrait être accompagnée d’informations sur la durée de conservation sur l’étiquette ou sur le lieu de l’achat, précise l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

Date limite d’utilisation

Si la date de péremption n’est pas garante de salubrité, il faut savoir que certaines catégories d’aliments ont une date limite d’utilisation au Canada et que celle-ci doit être respectée : les préparations pour nourrissons et différents substituts ou compléments de repas, dont certains disponibles uniquement sur ordonnance.

En savoir plus
  • 15 %
    Seulement 15 % des consommateurs achèteraient un produit laitier sans date qui indique sa fraîcheur
    36 %
    C’est au Québec que l’on est le plus ouvert au retrait de la date de péremption : 36 % des répondants sont favorables à sa disparition.
    SOURCES : Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie d’Halifax